Les Coups de la vie

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    Chaque être vivant, quelques soient son âge, son appartenance ethnique, religieuse, sociale, politique…a, au moins, vécue une histoire qui lui sert de leçon ou de boussole durant toute sa vie. L’objectif de cette rubrique est alors d’inciter tous ceux ou celles qui ont vécu des expériences inoubliables ou subi les coups bas de la vie, à partager leur histoire avec les autres. Chacun de nous porte un secret dont il veut se libérer. Cette nouvelle rubrique vous offre l’opportunité de vous en débarrasser, en tout anonymat, ou le partager avec d’autres personnes. Le principe est très simple. Vous pouvez nous envoyer votre histoire à l’adresse suivante : journal_leflambeau@yahoo.fr ou nous contacter au 66 67 76 18 ou 74 67 67 17.

    « L’amant de tous les regrets » :

    Une histoire réelle pleine de leçons.

    « Il y a deux ans, j’étais une femme heureuse et tranquille dans son foyer. Mamadou mon mari, était chauffeur de gros camions. Moi, depuis que j’ai arrêté l’école à cause d’une grossesse contractée en classe de 5eme, je n’ai rien réalisé par moi-même, puisque malgré les maigres moyens de mon mari, il me comblait.

    Après un accident de la route, Mamadou a perdu son camion et c’est là que toutes nos difficultés ont commencé. J’étais jeune et belle. Mon mari n’arrêtait plus de me dire qu’il était malheureux parce qu’il n’arrivait plus à s’occuper de moi convenablement. Il m’aimait beaucoup. C’est comme s’il travaillait pour me faire plaisir. Habituée à la facilité, je n’ai pu supporter ma nouvelle condition.

    Chaque fois, il me disait d’être patiente car son ami d’enfance lui avait promis un autre camion qu’il rembourserait en travaillant. Mon mari priait pour que Dieu touche le cœur de son ami pour qu’il lui vienne en aide, mais cela tardait. Mamadou ne travaillait plus depuis huit mois et les difficultés ont commencé à s’accumuler, le loyer, la popote, la scolarité de nos deux enfants.

    J’en avais marre de demander toujours de l’aide aux parents. Je n’avais plus envie de vivre comme ça. Mamadou sentait cela. Il me suppliait de tenir bon, mais je n’étais pas disposée à l’écouter. J’ai donc commencé à me faire draguer par n’importe qui, pourvu que je reçoive un peu d’argent. Du boucher au boutiquier, en passant par le vendeur de pagnes ou de riz. J’avais beaucoup d’amants. Mon mari avait senti le changement, mais je ne lui permettais pas de se plaindre. Lorsqu’il s’entêtait à me demander des comptes, je lui répondais que je n’avais pas l’intention de mourir de faim juste pour lui faire plaisir. Je crois que mon attitude le frustrait beaucoup, mais dans mon égoïsme, je ne m’en souciais guère.

    Un soir, revenant du marché avec notre dernier fils qui souffrait d’une fièvre typhoïde, je me demandais comment trouver de quoi aller acheter ses médicaments, lorsqu’une voiture est venue se garer à notre niveau. Le conducteur s’est proposé de me déposer. Je n’ai pas hésité à monter. Il était plutôt élégant et sympathique. Il m’a demandé d’où je venais et lorsqu’il a su que mon fils était souffrant, il m’a acheté tous les médicaments et il m’a remis dix mille francs en plus. Je me suis dit qu’il y avait vraiment un Dieu pour les pauvres.

    Mon nouvel ami s’appelait Barry. Il était Guinéen. On se voyait tout le temps. Pour notre premier rapport sexuel, je lui ai demandé 100 000 F. Une nuit, mon mari m’a interpellée sur le sujet. Il avait eu échos de ce que je sortais avec Barry mais je ne me suis pas laissé faire. Il m’a fait savoir que mon nouvel ami avait été marié et que sa femme était morte du Sida. Il voulait que je fasse attention à moi. Je n’en croyais pas un mot car pour moi, Barry était trop « beau » pour avoir le Sida. Barry m’a remis les 100 000 F et nous avons couché ensemble. Par la suite, les choses sont devenues de plus en plus sérieuses entre nous. Je découchais sans même me gêner. Mon mari a juré de ne plus me toucher si je sortais avec Barry, mais je n’en avais rien à cirer. Il a même informé nos deux familles de mon attitude. J’étais prête à divorcer pour rester avec Barry. Cependant, mon mari ne voulait pas me libérer sous prétexte qu’on ne se marie pas pour se séparer. J’étais donc condamnée à vivre avec lui. Pour le pousser à bout, je me suis installée chez mon nouvel amant. Malgré toutes les tentatives de mes parents pour me faire entendre raison, je n’ai pas cédé. Mamadou en a été meurtri, mais que pouvait-il face à mon obstination à me séparer de lui ?

    Barry n’avait pas d’enfants, ni de parents en Cote d’Ivoire. Je profitais aisément de tout ce qu’il gagnait. J’ai provoqué une bagarre terrible pour récupérer mes enfants. Pour finir, ils sont venus vivre avec mon amant et moi. Malgré tout cela, Mamadou ne voulait toujours pas divorcer. Je ne comprenais rien. C’était pourtant clair que je ne voulais plus rien de lui. Dans mon foyer, j’étais à l’aise et mes enfants aussi.

    Un jour, mes enfants m’ont informé que leur père avait un nouveau camion et qu’il sortait avec une autre femme. J’étais contente pour lui. Je me suis dit qu’il allait enfin accepter de divorcer. Mais c’était mal le connaître. Mamadou ne voulait toujours pas divorcer. Barry l’a menacé, mais il ne voulait rien savoir. Nous avons continué notre vie jusqu’ à ce que je tombe enceinte de Barry. Lorsque la sage-femme nous a annoncé la nouvelle, Barry a été très heureux. Il m’aimait de plus en plus, mais nous ne pouvons pas nous marier à cause de Mamadou.

    Les choses allaient de mieux en mieux chez mon ex-mari. Son ami lui avait remis deux camions à gérer au lieu d’un seul. Sa concubine était plutôt jolie. Je l’avais rencontrée lors d’une de mes tentatives de persuasions auprès de Mamadou. Ma grossesse avançait. J’ai décidé de me rendre à l’hôpital pour des analyses prénatales. Lorsque j’ai informé Barry, il m’a paru réticent. Il a dit que si je me portais bien, ce n’était pas la peine d’aller à l’hôpital. Ayant appris que la compagne de Mamadou attendait elle aussi un enfant, j’ai été un peu jalouse, mais Barry était financièrement mieux assis que lui. Un jour, j’ai failli me battre avec la femme de Mamadou au marché parce qu’elle racontait que j’étais marié mais enceinte d’un autre. Apparemment, elle était heureuse. Je commençais à avoir des remords en pensant à Mamadou car il était bon et généreux.

    En fait, je n’avais rien à lui reprocher. Sauf qu’à un moment donné, il n’avait pas d’argent, c’est tout. Et bon croyant qu’il est, il a pu remonter la pente. J’avoue que j’étais fière de lui et souvent, je trouvais que j’avais été trop dure avec lui dans ses moments difficiles. Malgré tout, il ne m’en voulait pas. Il était toujours disponible. Pour me chahuter un peu, a chaque fois qu’on se voyait, il me disait que c’était pour l’argent que je l’avais quitté et que j’avais tort de choisir cet homme, car sa femme est morte du sida. Et comme toujours, je ne croyais pas un traître mot de tout cela, car pour moi, mon homme était sain et bien portant.

    J’ai donc commencé à faire le trousseau du bébé pour gagner du temps. Dans notre lit, il fallait tout ranger, refaire la peinture pour notre nouveau bébé. J’avais beaucoup d’argent pour la décoration et toutes les fantaisies que je voulais faire. Un matin, en déplaçant notre lit, mon attention a été attirée par une enveloppe cachée dans un sachet noir. Je ne suis pas très curieuse de nature, mais je ne comprenais pas pourquoi c’est sous son lit que Barry avait choisi de ranger un document qui semblait important, car il y était mentionné « confidentiel ». J’ai sorti l’enveloppe et j’ai vu qu’il y avait des documents qui concernaient son ex-femme. A la vue de ses photos, j’ai eu envie d’en savoir un peu plus sur elle. Je me suis donc assise sur un siège pour bien examiner ces fameux documents.

    Au fur et à mesure que je parcourais les éléments en ma possession, je devenais de plus en plus furieuse.

    Apres les photos, je me suis attaquée aux examens médicaux et c’est à ce moment que je me suis rendue compte que Mamadou avait raison. La femme de Barry était bel et bien morte du Sida. J’ai aussi découvert une enveloppe appartenant à Barry. Il avait lui aussi fait son test après la mort de sa femme et avait été déclaré séropositif. Il le savait et il ne s’est même pas gêné pour mettre ma vie en danger. Du coup ma vie, comme un château de cartes, s’est écroulée sous mes yeux. Barry ne voulait pas que j’aille à l’hôpital parce qu’il ne voulait pas que je découvre la vérité. Où partir avec ma grossesse ? Je me suis tournée vers Mamadou. Lorsque je lui ai expliqué mon problème, il ne m’a pas rejetée. Il m’a dit que j’étais la mère de ses enfants et que je pouvais revenir dans mon foyer. J’ai fait mon test et j’ai été déclarée séropositive. J’en voulais à Barry. Il se savait atteint et m’a sciemment contaminée. J’ai commencé à suivre le traitement pour que la grossesse se passe bien et que le bébé ne soit pas contaminé. J’ai interdit à Barry de m’approcher. Mamadou et son épouse se sont mis à mes petits soins sans rancune.

    Aujourd’hui, je regrette sincèrement d’avoir abandonné Mamadou pour un homme qui m’a mise dans cette situation. Si Barry m’aimait vraiment, est-ce qu’il aurait agit de la sorte ? Je vis chaque jour dans la hantise de faire la maladie, j’ai peur de mourir. Sûr, tout le monde va mourir un jour, mais savoir qu’on a le VIH, c’est réaliser que la vie est fragile et qu’on peut trépasser à tout moment. C’est vraiment dur. Mais j’ai le soutien de Mamadou et de sa compagne qui s’est montrée compréhensive. Ils ont été formidables. J’ai accouché d’un garçon. Ils ont promis s’occuper du bébé si jamais je n’étais plus là. Je pris qu’il ne soit pas malade lui aussi ».

    Une histoire réelle sélectionnée de l’ouvrage de Anzata Ouattara.

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