Le naufrage d''un couple (4) : La reconquête et la guerre

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    Bachi mit tout en œuvre pour ramener au foyer son épouse. Mais l’embellie ne dura guère.
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    rnLe départ de son épouse laissa Bachi complètement désemparé. L’homme pensa tout d’abord que Haoua avait agi sur un coup de tête et chercherait à revenir dès qu’elle s’apercevrait de son erreur. Mais il se rendit vite compte que ce scénario n’avait aucune chance de se réaliser. Il espéra alors que sa belle-famille ferait la leçon à son épouse et prendrait fait et cause pour lui. Mais à sa grande surprise, il découvrit que la grand-mère, qu’il pensait être bien disposée à son égard, avait rallié de manière inconditionnelle le camp de Haoua. Quand il rencontra la vieille pour se faire expliquer son attitude, cette dernière se montra on ne peut plus claire. « Bachi, lui lança la grand-mère, tu ne peux pas loger ta future femme chez toi. Ou bien cette fille débarrasse les lieux, ou c’est ma petite fille qui restera hors de chez toi. Nous ne pouvons pas obliger Haoua à partager le même espace que sa future coépouse ».
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    rnEn entendant la grand-mère (que d’habitude il appelait affectueusement «Ma chérie ») fulminer de.cette manière, Bachi comprit que son épouse lui avait fait un vrai lavage de cerveau et l’avait montée contre les deux filles de son amie. Cependant, il essaya de s’innocenter. « Je considère ces filles comme les enfants de mon grand frère de même père et de même mère, assura-t-il à la vieille. Vos insinuations constituent donc une attente à mon honneur et à ma dignité. Essayez de comprendre les liens qu’il y a entre mon bienfaiteur et moi, persuadez votre fille de vivre en harmonie avec ces jeunes demoiselles comme si elles étaient ses propres enfants». Mais les propos vertueux de l’homme ne reçurent aucun écho dans sa belle-famille. Bachi s’en retourna donc chez lui et s’occupa à organiser des conditions de vie acceptables pour ses neveux, qui étaient tous élèves et étudiants.
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    rnLe terrain était miné : Ces précautions domestiques n’étaient pas superflues, car la séparation dura des mois. Bachi envoya à maintes reprises des émissaires de bonne volonté pour négocier le retour de son épouse au foyer. Mais sans aucun résultat. Le célibataire malgré lui en était réduit chaque week-end à se rendre dans sa belle-famille pour remettre les frais d’entretien de son enfant et de sa femme. En effet, le jeune fonctionnaire connaissait ses devoirs. Il ne voulait pas être pris à défaut. Il savait qu’un jour des autorités morales viendraient lui demander des comptes sur l’attitude qu’il aurait tenue pendant toute cette crise. L”abandon du domicile conjugal par sa femme ne le dispensait pas de s’acquitter de ses obligations d’époux et de père. Bachi eut effectivement raison d’adopter cette ligne de conduite, car l’interpellation qu’il pressentait se produisit.
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    rnCela se fit un vendredi alors que Bachi se trouvait chez ses beaux-parents où il s’était rendu pour remettre de l’argent à sa femme. Il était en train de jouer avec son fils qui commençait à babiller lorsque Haoua s’approcha de lui sans crier gare pour lui indiquer que l’imam voulait le voir après la prière du crépuscule. Bachi tenta de savoir la raison de la convocation du religieux. Mais son épouse dédaigna ses interrogations. Notre homme se promit donc de se rendre chez l’imam juste après avoir accompli son devoir religieux.
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    rnMais à sa grande surprise, ce fut plutôt l’almamy qui se vint le trouver dans sa belle-famille qu’il n’avait pas encore quittée. Il s’était fait accompagner de quelques notables et de parents de Haoua. La composition de la délégation n’annonçait rien d’agréable pour Bachi. Effectivement, tout le débat tourna autour de la présence contestée des deux jeunes filles hébergées par le jeune fonctionnaire. Littéralement harcelé par ses visiteurs afin qu’il mette dehors les « intruses », le malheureux mari s’efforça une fois de plus de faire comprendre pourquoi il avait le devoir de garder les jeunes filles. Mais il se rendit bien vite compte que son plaidoyer était à peine écouté. Le terrain avait été miné par Haoua et les conciliateurs ne voulaient pas entendre parler d’un quelconque compromis à propos des étudiantes. Pour eux, l’épouse avait raison sur toute la ligne.
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    rnBachi, qui comprenait que toute tentative de renverser la situation était vouée à l’échec, prit à son tour une position très ferme. Il annonça sur le ton le plus catégorique qu’il put prendre qu’il était pour lui hors de question d”expulser les nièces de son ami. Il fit savoir à l’assistance son regret de voir ses explications ainsi refusées, présenta ses excuses à tout le monde et demanda que la rencontre soit interrompue. Mais avant que la délégation ne prenne congé, la grand-mère plongea Bachi dans le désarroi en lui annonçant : « Pour notre part et dès cet instant, nous considérons que Haoua est divorcée. Tu pourras venir quand tu veux pour prendre ton fils. » Des larmes montèrent aux yeux du jeune fonctionnaire sans qu’il ne puisse les retenir. Assommé par ce qu’il considérait comme un acte de cruauté gratuite, il quitta sa belle-famille tel un somnambule.
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    rnAssez de femmes à Bamako : Une fois l’émotion et la déception passées, Bachi fit un compte-rendu fidèle à ses proches, accordant la priorité à ses nièces et ses neveux. Tous essayèrent de le réconforter du mieux qu’ils purent. Sauf l’un d’entre eux, étudiant de son état, qui se révolta violemment contre le sort injuste infligé à Bachi. Il conseilla à ce dernier de se rendre au village et de s’y choisir une nouvelle épouse. La suggestion fit sourire son interlocuteur qui lui fit remarquer que dans sa situation actuelle, il lui serait difficile de vivre avec une paysanne. Il lui fallait une femme beaucoup plus évoluée, capable de tenir son foyer et d’entretenir les gens qui viendraient chez lui. Pour Bachi, il n’avait pas d’autre solution que de reconquérir son épouse.
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    rnL’homme entreprit donc avec beaucoup de persévérance de faire changer d’avis Haoua. Mais tout en lui précisant qu’il ne reculerait pas en ce qui concernait l’hébergement des nièces de son ami. Avec le temps, les efforts de Bachi payèrent au-delà de ce qu’il escomptait. En effet, ce fut Haoua elle-même qui prit l’initiative de l’appeler pour lui signifier qu’elle acceptait ses conditions. Sans doute la femme était-
    elle fatigué de « flotter », elle qui pendant un certain temps se déplaçait à travers tout le pays en compagnie de Nabiétou. Le couple se donna donc rendez-vous chez une amie commune pour régler les derniers détails des retrouvailles. Haoua fit amende honorable. Elle reconnut qu’ellle avait eu une conduite déraisonnable, mais en fit porter toute la responsabilité à …. Nabiétou. Celle-ci aurait exercé sur elle une influence néfaste. Dans son désir de se racheter, la femme n’épargna pas son ex-amie. Elle apprit à Bachi que Nabiétou avait été en fin de compte divorcée par son richissime mari, malgré les efforts qu’elle avait déployé pour se sauver. « Nous sommes même allées voirje ensemble un féticheur bien connu pour qu’elle puisse réintégrer le domicile conjugal », raconta Haoua.
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    rnL’épouse était donc prête à réintégrer son foyer, elle posait cependant une condition. Un nouveau mariage religieux devait être célébré, mais le cérémonial serait des plus dépouillés. Bachi, bien qu’un peu étonné par cette requête, accepta. Mais lorsque les marabouts se réunirent pour célébrer la nouvelle union, l’homme se leva pour faire une annonce qui prit les gens par surprise. « Je vais reprendre Haoua, déclara-t-il, mais elle demeurera chez ses parents le temps qu’elle comprenne que le mariage est sacré. Je m’occuperai d’elle comme si elle était chez moi. Je demande aussi à sa famille de ne plus l’encourager dans ces sottises. Je la reprends aujourd’hui parce que je l’aime et que j’ai un enfant avec elle.

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    Sinon, on ne peut pas en vouloir à Dieu de ne pas avoir mis assez de femmes aujourd’hui à Bamako ».
    rnLes propos de Bachi firent sourire tout le monde, même le dignitaire religieux qui avait célébré la nouvelle union. Ce dernier prit sur lui la responsabilité de dire aux grands-parents de Haoua que le premier mariage n’était pas rompu et qu’il ne fallait pas trop tirer sur la corde du moment que le couple était d’accord pour se retrouver. L’imam rappela les commandements de Dieu en la matière. Le fait de pousser des conjoints à se séparer est condamnable dans toutes les religions et dans les traditions maliennes.
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    rnDehors, les indésirables ! : Haoua resta donc chez ses parents pendant quelques semaines avant de réintégrer la maison de Bachi. La nuit du retour fut aussi celle des conseils et des mises en garde. L’homme ne voulait plus du retour des querelles passées. Haoua sembla accepter sans restrictions les explications de son mari. Mais le lendemain, après le départ de Bachi au travail, elle interpella l’étudiante qu’elle n’avait jamais cessé de détester. Elle lui dit vertement que son retour avait pour but d’évaluer par elle-même l”intensité de l”amour que lui portait son mari. Maintenant qu’elle s’en était assurée, il lui restait à exécuter la deuxième patrie de son projet : faire partir les indésirables. Une fois ce but atteint, elle se ferait le plaisir de retourner chez ses parents. Haoua conclut son apostrophe vindicative en indiquant qu’elle se donnait une semaine pour « terminer le travail ».

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    rnL’étudiante, par respect pour son oncle,ne réagit pas. Elle s’abstint également de rapporter quoi que ce soit à Bachi lorsque ce dernier revint à la maison en fin d’après-midi. Elle se retira du salon et alla s’enfermer dans sa chambre pour pleurer. Le maître de maison qui avait relevé cette attitude bizarre de sa nièce la questionna, mais sans rien tirer d’elle. Lorsqu’il se tourna vers femme pour l’interroger, cette dernière se contenta de hausser les épaules avec indifférence. Mais des voisins, qui avaient entendu tout ce qu’avait dit Haoua (cette dernière avait pratiquement hurlé ses menaces à l’étudiante) apprirent à Bachi par la suite que les larmes de l’étudiante avaient été provoquées par la maîtresse de maison. Lorsque Bachi se fit restituer exactement ce que sa femme avait dit à sa nièce, il eut l’impression d’avoir l’esprit en feu. Mais une fois de plus, il garda son sang-froid et demanda à sa femme de ne pas rallumer un incendie qui avait été éteint à si grande peine. Mais cette supplication qu’il adressait à Awa était vaine, comme il eut l’occasion de se rendre compte.
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    rnDes semaines s’écoulèrent dans une situation de « ni guerre, ni paix ». Haoua et l’étudiante ne se parlaient presque pas. Mais la jeune fille était bien décidée à ne plus se laisser marcher sur les pieds. Un jour alors que sa tante lui cherchait querelle, elle la regarda dans les yeux et lui dit crûment : « Je suis ici chez mon oncle et je n’en partirai que le jour où je me serai trouvé un mari ». L’insolence de la réponse foudroya de surprise Haoua. Puis la femme se saisit d’un couteau en jurant qu’elle allait mettre fin aux jours de la jeune fille.
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    rnAinsi s’accéléra l’affaire dont la suite qui allait amener le couple dans une nouvelle crise et à une nouvelle séparation. Les deux ex amoureux se retrouvèrent devant un juge d’instruction. Cette fois-ci sans espoir de raccommodement.
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    rn(à suivre)
    rnG. A. DICKO
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