La Proie et le Prédateur – Vrai de vrai : l’Amour rend aveugle !

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    Avouez-le ! Que fériez-vous, chers lecteurs, si une créature de rêve rencontrée au  gré du hasard dans la rue, vous proposait un rendez-vous galant quelque part loin des regards indiscrets? Dites-le, que feriez-vous si vous en avez le temps, les moyens et surtout l’envie? Vous accepteriez, n’est-ce pas? C’est bien l’option qu’a choisie le jeune Dramé. Il y est allé. Une surprise de taille l’attendait. 

    Au commencement, une image. Celle d’une nana belle comme une déesse grecque, attirante et au regard plein d’innocence et de douceur. Le jeune Dramé, élève de son Etat ne put résister. A partir de ce site de rencontre et, de liens en liens, il trouva l’adresse e-mail de la belle et charmante jeune fille. Le coup de foudre! Il s’empressa de nouer le contact… Tout baigne. La fille s’appelle Lucie. C’est une compatriote et, Dieu merci, habite le quartier Bacodjicoroni à Bamako. Mais mon Dieu, qu’elle est belle et tellement suave !

    Ces messages sont pleins de tendresses. Dramé est convaincu qu’il vient là de rencontrer l’âme sœur. Il passe désormais le plus clair de son temps devant son écran dans les Cybers. Il écrit. Elle répond, toujours avec les mêmes tendresse et délices. Dramé ne tient plus sur place. Son cœur bat à la chamade. Il veut la fille et décide de la rencontrer. Elle accepte après s’être fait quelque peu prier. Rendez-vous est pris dans le quartier où elle habite, à Bacodjicoroni. Il fonce sur le lieu indiqué.

    Mais là, au lieu de la fille, l’attend un jeune homme presque de son âge. C’est le frangin de Lucie. Il lui explique que le « Vieux » est encore à la maison. Il est très sévère et a horreur que ses filles sortent la nuit, surtout Lucie. «Il l’aime bien, tu sais ! Plus que nous autres, ses enfants». Mais pas de panique, poursuit-il. Tout rentrera dans l’ordre dès que Papa sortira. Et c’est une question de minutes. Dramé est convaincu. Il est même heureux que le père soit très regardant sur l’éducation de sa bien aimée à lui. Il décide donc de patienter en savourant son bonheur dans cette douce expectative.

    Quelques instants plus tard, le frangin l’invita à composer deux numéros à l’un desquels Lucie doit répondre. Notre Don Juan composa successivement les deux numéros et remis l’appareil au frangin qui se chargea de la communication,  question de demander si Papa avait effectivement «quitté le coin». Le deuxième appel fut concluant. Le «Chat» était désormais absent. Les «souris» pouvaient danser. Ouf ! Alors, il emprunte la moto de Dramé pour ramener Lucie au point de Rendez-vous. Il s’empressa de lui remettre la clef.  Il partit et ne revint plus!

    Il fallut plusieurs heures à notre homme pour comprendre enfin qu’il s’est fait avoir. Il venait en effet, de perdre son téléphone et sa moto «Jakarta» en l’espace de 20 minutes. Toute honte bue, il emprunta une Sotrama pour rentrer. Il n’arrive pas à croire combien il a été aveugle. La beauté de Lucie lui avait tout simplement crevé les yeux. Après s’être remis du coup, il décida de porter plainte.

    Les éléments des différents commissariats et Brigades où il se rendit, ne lui cachèrent pas leur embarras face à pareille situation car n’ayant rien en commun avec les autres affaires ordinaires d’escroquerie, d’abus de confiance, etc. Ici, les moyens utilisés ne laissaient aucun indice, aucune piste à remonter, du moins, pour ceux qui ne sont pas encore «branchés» ! On lui conseilla l’Inspecteur Principal Papa Mambi Keïta surnommé l’Epervier du Mandé  de la Police du 3ème Arrondissement. Lui a l’habitude de ces genres de business. Il est «branché». Le jeune s’y rendit. Il n’a pas l’habitude des commissariats, de ce beau monde qui y rentre et sort tous les jours. Il parvint non sans mal à rencontre le Chef B.R, Papa Mambi Keïta et lui explique ses déboires. Ce dernier décida de consulter le site en question et l’adresse dont vous devrez désormais vous méfiez:.lucilovestar@hotmail.com. Il lia amitié avec d’autres internautes, échange de belles correspondances et, à force de persévérance, finit par tomber sur la belle Lucie elle-même.

    Le plaignant Dramé était parvenu au moins à garder dans sa tête un des numéros de téléphone auxquels le frangin de Lucie avait appelé avant de disparaître. Ce numéro était-il celui de Lucie ? Vérification faite, il n’en était rien. Mais Lucie existe bien en chair et en os puisque notre Inspecteur Principal discutait avec lui en ce moment sur le net. Dramé se serait-il trompé ? Il fallait vérifier. Le flic appela au numéro indiqué. Elle répondit. Mais celle qui était en ligne ne s’appelait pas Lucie. Elle ne connaît même pas une personne de ce nom. Qu’importe, l’Inspecteur parvint à obtenir un rendez-vous avec elle. Par quel argument ? Dieu Seul le sait. La fille fit en tout cas le déplacement. Elle fut accueillie sur place et ses déclarations contradictoires incitèrent les policiers à la conduire au Commissariat pour la suite de l’enquête. Là, elle craqua.

    Elle ne s’appelait pas Lucie, mais était bien impliquée dans le coup. Elle avait pour rôle d’appâter les clients. Le jour en question, elle avoua avoir bien reçu un appel de son petit amant émanant d’un numéro qu’elle ne connaissait pas. On fit venir le petit ami, un jeunot tout tremblant. Il ne se fit pas prier. Il raconta tout. Il avoua à son tour être le frangin de Lucie et avoir enlevé la moto et le téléphone de Dramé. Mais seulement, voilà : Lucie n’existe pas ! Qui est donc celui ou celle qui se fait passer pour cette belle créature sur l’image?

    C’est ce personnage qui a monté toute l’opération, qui entretenait la flamme amoureuse de Dramé et qui a envoyé son complice dépouiller le malheureux. Son homme de main n’hésita pas à fournir toutes les informations permettant à la police de le retrouver. Ce qui fut fait deux jours plus tard après plusieurs heures de guet devant son domicile. Il passa lui aussi à l’aveu et dénonça un autre complice receleur. L’engin et le téléphone furent retrouvés et restitués à leur propriétaire légitime.

    La technique utilisée était simple. Il s’agit d’abord d’appâter de naïfs internautes en présentant de belles jeunes filles prêtes à céder à toutes leurs exigences et caprices. Nos jeunes escrocs prennent soin de prendre connaissance de tous les biens dont dispose la proie avant de la conditionner pour le jour «J». Là, ils le dépouillent tout simplement. Il s’agissait pour ces jeunes débutants, d’un premier coup. Ils reconnaissent s’être inspirés des nigérians résidant à Bamako. Les adeptes ne manquent plus, les proies aussi. Un avertissement donc aux  internautes passionnés en quête perpétuelle de belles occasions et de bonnes chairs. Du rôle de prédateurs, vous risquez de jouer celui de la proie facile pour ces petits génies du Web.

    Il importe pour la police malienne de se mettre à niveau dans le domaine des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC). Et pour cause : l’on assiste de plus en plus à d’infractions dont la seule identification nécessite impérativement des connaissances appropriées dans le domaine. A défaut d’être servis par la hiérarchie, nos enquêteurs, à l’image de l’Epervier du Mandé, doivent se  «brancher» eux-mêmes au risque de ne pouvoir être plus opérationnels à la longue. Car, l’usage, voire l’explosion  des nouvelles technologies de l’Information et de la Communication a indubitablement donné naissance à une nouvelle race de délinquants. Ils ont la particularité d’être jeunes et surdoués.

    L’outil informatique et Internet en particulier, n’ont presque plus de secret pour eux. Ils savent parfaitement où obtenir la matière dont-ils ont besoin pour monter et exécuter leurs coups face à ces autres internautes qui n’ont pas encore compris que la toile mondiale ne constitue qu’un moyen et non une fin en soi.

    B.S. Diarra

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