La chasse aux CH

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    Nous sommes gouvernés de bien curieuse manière. Nos autorités ne sortent du coma qu’après un drame. Et surtout quand ce drame frappe un « gros bonnet » ou un porteur d’uniforme.

     

    La semaine passée, le conducteur (probablement en état d’ébriété comme Bamako en connaît des milliers) d’une Mercedes non immatriculée a heurté une moto sur laquelle roulaient deux policiers. L’un est mort sur place, l’autre, gravement blessé, est hospitalisé. Le chauffeur n’a pas été retrouvé. Et, quelques jours plus tard, la Compagnie de circulation routière a entamé une vaste chasse pour contraindre les délinquants qui roulent sans autorisation à régulariser leur situation.

     

    Quand un véhicule entre au Mali, en attendant l’achèvement des (lourdes) formalités administratives, il circule avec un CH suvi de quatre chiffres à la place de la plaque. Il s’agit du numéro de châssis. Cette situation ne devrait être que temporaire. Sauf que de petits malins ont trouvé l’astuce : ils inventent un numéro et, à la peinture, l’écrivent et se font de faux papiers. Aux carrefours, les agents n’ont pas le temps de tout vérifier et en plus, la police malienne étant à des années-lumière de l’informatisation, les roublards passent incognito. Le phénomène est connu et reconnu depuis des années. Sans que les autorités ne bougent. Chaque fois qu’il y a ce genre de rafles, la cour du Guichet unique de la douane ou de la CCR est envahie de grands messieurs ou grandes dames qui reviennent récupérer leur auto sans se mettre en règle.

     

    Et qui sont les principaux responsables de cette anarchie ? Le citoyen ordinaire n’osera jamais faire dix kilomètres en ville avec une voiture non dédouanée, sans numéro, manquant de vignette, carte grise, assurance et visite technique. Ceux qui roulent en toute illégalité au Mali sont, pêle-mêle : les porteurs d’uniforme et au premier chef… les douaniers, les officiers, les magistrats, les « grandes dames » pour rester poli et les rejetons de ces personnes. Le mauvais exemple vient donc du sommet de l’Etat, de ceux qui sont chargés d’appliquer la loi et qui, avant tout, se croient au-dessus de toutes les législations. Voilà la vérité.

     

    Il est triste de constater, par ailleurs, que les tragiques accidents de la circulation entrent dans la même logique. Tout le monde connaît le problème : chauffeurs mal formés avec des horaires d’esclave qui les obligent à prendre drogue, alcool et café pour rester éveillés, véhicules vétustes et mal entretenus, pneumatique défaillante. Pourtant, ces véhicules traversent le Mali quotidiennement, au nez et à la barbe des policiers et gendarmes qui se contentent d’empocher leur pots-de-vin. Une enquête de l’Union économique et monétaire ouest-africaine a démontré que le Mali est le pays où des barrages sauvages et points de contrôle sont légion en plus des légaux. C’est vrai que la même étude rapporte que le Mali est le pays le plus corrompu de la sous-région en matière de trafic routier. Les auteurs ont évidemment utilisé le terme « tracasseries », plus diplomatique et moins frustrant.

     

    L’accident qui a coûté la vie à 25 personnes, près de Baguinéda, le 18 octobre est une illustration de ce laxisme, de cette corruption endémique, de cette impunité : un simple examen visuel du car aurait permis de se rendre compte qu’il s’agissait d’un cercueil roulant. Et, inutile de croire en des lendemains meilleurs : une fois l’émotion passée, la routine quotidienne reprendra ses droits et les morts continueront à joncher nos routes. Pauvre Mali !

     

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