L’adultère : sur les sentiers du mensonge et de la séduction (6) : la trahison frappe sous la ceinture

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    La révélation de l’infidélité amène parfois un traumatisme qui bouleverse complètement la vie d’un homme

    L’esprit est souvent pur, mais la chair reste faible. Voilà la réflexion lapidaire que l’on pourrait se faire au terme des précédentes étapes de notre périple sur les sentiers de l’adultère. Sentiers sur lesquels nous avons rencontré des femmes particulièrement vulnérables face aux séducteurs peu scrupuleux. Ces derniers n’avaient que l’embarras du choix des armes pour abattre leurs victimes. Ils maniaient cyniquement et de manière indifférenciée l’argent, les cadeaux, les bonnes paroles, ou la virilité agressive. Cet arsenal était suffisant pour tourner la tête à des épouses sans aucun doute vertueuses, mais mal préparées aux assauts qu’on leur fait subir et très souvent délaissées par un époux rassis. Dans ces conditions les “kamalènba” auront toujours de beaux jours devant eux. Leur appétit de posséder et le fond prédateur qui dort en chaque homme conservent un formidable champ sur lequel s’exprimer. En fin de compte et si on évalue les ravages qu’ils causent dans la vie d’autrui, il n’est pas fondamentalement injuste que certains hommes récoltent la tempête pour la zizanie qu’ils sèment. Les femmes sont le sexe faible, on le dit. Mais le faible n’est pas toujours démuni et il arrive que lui aussi sache retourner contre son tourmenteur les armes de ce dernier. Au fil des années, s’est développée une race de femmes à la tête froide qui sait soit tirer du profit à partir de la faute, soit jouer avec savoir-faire “les banqueuses”. Au point que de chasseur, l’homme finit par devenir victime et subir les plus funestes conséquences de l’infamie. La dégradation actuelle des mœurs de notre société est telle que très peu d’épouses adultères craignent les séquelles de leur inconduite et la plupart assument cette inconduite avec de plus en plus d’assurance. Certes il reste toujours la menace des maladies sexuellement transmissibles et surtout du Sida.

    Mais cette dissuasion est-elle aujourd’hui suffisante pour arrêter celles qui montrent un goût immodéré pour le sexe ? Ce n’est pas certain et finalement on se rend compte que c’est peut-être l’homme qui se révèle comme étant le plus vulnérable. Certains cocus, par exemple, connaissent le pire des drames : celui de l’impuissance sexuelle. La maladie la plus honteuse qui puisse affliger la gent masculine. Personne ne s’en vante quand il en est atteint et celui qui en souffre voit généralement son drame dénoncé par la rumeur. Une rumeur que distille très souvent celle-là même par qui son malheur est arrivé. Dans une société comme la nôtre, que serait l’homme sans sa vanité de mâle ? Rien, absolument rien. Voilà pourquoi la victime se réfugie derrière toutes sortes de camouflages médicaux pour ne pas avouer entièrement sa faiblesse. Il évoquera par exemple pudiquement l’asthénie sexuelle. Ce terme voilé est utilisé par euphémisme, car l’asthénie, selon le Larousse, relève de l’épuisement ou de la fatigue. Tous les bons médecins vous diront que vue sous l’angle de cette explication, la maladie peut se soigner. Mais imagineriez-vous un homme se présentant devant un médecin pour lui dire tout de go : “Depuis que j’ai surpris ma femme dans les bras d’un autre homme, cette émotion a provoqué en moi un choc si terrible que j’en ai perdu mes moyens”.

    FLATTÉE ET CHOYÉE : Voilà un secret qu’il n’est pas facile de révéler même au plus intime de ses amis, à plus forte raison à un homme de l’art. La vanité perdue fait se replier sur eux-mêmes les malheureux. Certains s’en remettent, mais pour d’autres c’est leur vie d’homme qui “fout le camp” à tout jamais. Mais dans l’analyse des cas il faut bien distinguer deux catégories. La première est celle qui a basculé dans cet enfer sous le coup d’une très forte émotion, la seconde étant celle qui y est tombée à cause des sortilèges qui sont venus les sanctionner pour avoir bafoué l‘honneur d’un autre homme. Pour détailler la première cause qui constituera l’objet de notre présente chronique, nous allons toujours recourir au précieux concours de notre confidente préférée Mâh pour exhumer certains cas que des épouses adultères ont contribué à faire connaître pour justifier leurs propres dérapages. Et pour escamoter leur responsabilité. Pour Mâh qui ne démord pas de son antipathie pour les banqueuses, ce sont ces dernières qui sont à la base des tragédies que connaissent leur maris. “Certains, admet notre “consultante”, tel que Moussani le méritaient, mais la plupart des victimes étaient non seulement des hommes dignes mais aussi des époux sans défaut. Pour celui dont je viens de parler, il faut avouer qu’il n’a pas volé ce qui lui est arrivé. Voilà un homme reconnu comme un coureur de jupons impénitent, même si comme pour beaucoup d’autres, cette réputation lui servait surtout à parader. Il avait des antennes partout et surtout dans les milieux du vice. Il avait quatre épouses, mais seule la première comptait vraiment pour lui. On dit à juste raison que l’homme n’attache vraiment du prix qu’à celle qu’il a conquise difficilement. C’était le cas de Penda, bonne épouse devenue mère cinq fois, compagne des périodes difficiles et surtout réconfort moral pour son mari. Ce dernier était un négociant bien installé, dont l’humeur fluctuait au gré de la santé de ses affaires. Mais dès qu’il se trouvait en période de déprime, Penda lui remontait le moral et lui était souvent de bon conseil dans les décisions à prendre. L’homme étant par nature ingrat, quand la prospérité parut s’installer durablement, Moussani convola en justes noces une seconde fois, et cela après près de vingt ans de vie commune avec sa première épouse. Le choc fut rude pour celle-ci, mais les cadeaux mirifiques (villa, voiture et solide compte en banque) dont l’époux la couvrit lui donnèrent l’assurance que son influence était restée intacte. Penda dût cependant encaisser la venue d’une troisième épouse et enfin une quatrième, le tout en l’espace de six ans. Elle demanda alors et obtint de vivre à part dans sa villa, ce qui lui fut accordé d’autant plus facilement qu’aucune de ses trois coépouses n’avait encore eu d’enfant. Malgré son harem bien rempli, Moussani, dont les affaires restaient florissantes, continuait à rechercher des aventures. Comme il avait atteint son quota maximum d’épouses, il faisait de ses conquêtes des concubines entretenues à grand frais. Mais quand il avait le blues, c’est auprès de Penda qu’il revenait se faire réconforter.

    Une copine de la première épouse lui souffla qu’elle était indéracinable parce qu’elle constituait la fierté de son mari pour avoir été la seule à lui donner cinq enfants. Les autres coépouses n’avaient, selon elle, que des allures d’amantes installées et qui pouvaient sans aucun regret être mises à la porte. Flattée par son entourage, choyée par un mari qui ne cessait de prouver sa préférence pour la “mère de ses enfants”, Penda se laissa aller à la légèreté. Elle franchit le pas avec son chauffeur, mais comble de malchance pour les amants, le mari revint ce jour-là de l’aéroport à cause d’un vol annulé. Avant d’aller chez sa troisième épouse qui était de nuitée, il fit un crochet pour annoncer l’annulation du voyage à Penda. Il la surprit sur le lit conjugal en plein ébat avec Harouna qui venait de le déposer deux heures seulement auparavant à l’aéroport de Sénou. Moussani poussa un hurlement d’animal blessé à mort avant de se mettre à prononcer des paroles incompréhensibles. Ce qu’on retint de ce gargouillis verbal, c’était une question répétée en litanie “ Pourquoi m’as-tu fait ça ? ”. Les amants qui venaient tout juste de commencer leur aventure, paraissaient tétanisés. Harouna, le chauffeur à qui Moussani avait donné terrain et maison, parvint à gagner la porte, passa à côté du fantôme immobile qu’était devenu son patron et ses habits en main disparut dans la nuit. Ce fut après sa fuite que Penda réagit en termes véhéments. “J’étais belle, cria-t-elle, je le suis encore malgré mes cinq maternités et je ne vivais que pour toi. Pourquoi, toi, m’as-tu donné en récompense trois coépouses sans compter la multitude de concubines que je te connais en ville ? Tu sais, Bamako est un gros village, tout s’apprend. J’ai souffert en silence pour un homme qui ne parvient à me satisfaire au lit qu’une fois par mois. Je suis une femme moi, pas un objet, tu comprends ça ? “.

    SANS RÉACTION : Moussani tourna les talons et tel un automate prit sa voiture et s’en alla chez sa troisième femme. Celle-ci eut beau déployer ses charmes et sa maîtrise, l’homme cette nuit-là resta inerte. Le voyage fut remis aux calendes grecques, mais aucune des épouses n’obtint plus d’être honorée par leur mari. Cinq, six, dix mois passèrent ainsi. Entre elles, les femmes commencèrent à se poser des questions. Le mari ne se déshabillait d’ailleurs même plus pour dormir. Il fallut attendre près de deux ans pour se rendre à l’évidence, Moussani le fringant, l’étalon, était devenu depuis un impuissant. Il avait beau multiplier les traitements en Europe, avaler force mixtures et décoctions, faire venir les meilleurs exorcistes du pays, il restait désespérément sans réaction devant une femme. Ses épouses, comme il fallait s’y attendre, ne mirent pas longtemps pour aller chercher dehors ce qu’elles n’obtenaient plus dans le lit conjugal. La deuxième eut un enfant d’un tailleur, la rumeur prit alors un moment du recul avant de repartir de plus belle. Moussani est impuissant, comment peut-il alors faire un enfant ? Et pourtant le petit portera bel et bien son nom”. “Cela fait déjà sept ans de calvaire pour ce petit bonhomme qui était quelqu’un de sympathique malgré des airs arrogants qu’il aimait parfois se donner. C’est parce qu’il était très connu à l’époque des faits que j’ai commencé par son cas”, dit Mâh, avant de soupirer et de prendre un air méditatif. J’en profitai pour lui dire que dans certains quartiers de la capitale, il se murmurait que beaucoup de chefs de famille étaient frappés de la même incapacité physique. Ce dont mon interlocutrice convint avec moi. Comme elle reconnut le silence pesant qui entoure les drames de ces hommes honnêtes et respectables.

    En effet, il ne viendrait à l’esprit de personne de chercher à connaître la ou les causes de l’effacement total de leur orgueil d’homme. Les moins humiliés sont encore ceux qui ayant atteint un certain âge peuvent arguer du besoin qu’ils ont désormais de se ménager. Mais que dire quand la foudre vous tombe dessus à un âge où aucun doute n’aurait dû peser sur votre vigueur ? Telle fut la mésaventure survenue à Madfing, raconta Mâh. Directeur d’une société bien connue, jeune cadre fringant, l’homme – malgré son inexpérience – avait connu une promotion sociale éclair qu’il devait essentiellement aux amitiés de sa mère avec la classe dirigeante de l’époque. Les mauvaises langues attribuent aussi sa fulgurante ascension aux atouts de son épouse Binta. Il y avait une base à ces médisances. Le garçon avait fait de bonnes études et pendant qu’il terminait son cycle dans un pays européen, une de ses tantes lui avait choisi sa femme. Avec les appuis de la mère, on fit venir la promise auprès de Madfing. Binta était indiscutablement belle, nous-mêmes, femmes, devions le reconnaître franchement. En plus elle était bien faite physiquement, une taille de guêpe et une chute de reins à rendre envieuses les mieux dotées d’entre nous. Le couple revint au pays avec une fille mignonne comme tout. Il eut un garçon deux ans après que Madfing (un surnom qui lui venait de ce que celui dont il portait le prénom était très noir de teint) ait pris fonction dans la haute administration. Au milieu des années 80, notre jeune loup s’était hissé à une place plus qu’enviée et rien ne paraissait devoir l’arrêter. Cadre sérieux, il s’était fait une réputation d’homme de dossiers au point qu’on pensa même à lui confier un portefeuille ministériel. Si cela ne se réalisa pas, ce fut dû un peu, je crois, à l’impuissance sexuelle qui le frappa en pleine force de l’âge. En tous les cas, les services spécialisés, à qui fut confiée une enquête sur lui, mirent cet handicap en avant pour qu’on le raye de la liste des ministrables. La cause, peu de gens la soupçonnaient, même si son infortune finit par se savoir de tout le monde. La chose survint un soir quand Madfing vint présenter un dossier confidentiel à un gros ponte de la politique. Sachant que le VIP aimait se retirer dans à son pied à terre, le jeune homme qui entretenait avec lui les relations les plus étroites s’y rendit sans hésiter. Arrivé au repaire, il ne trouva personne au salon, mais par la porte entrouverte de la chambre à coucher s’échappaient des grognements éloquents. Alors qu’il aurait pu tranquillement attendre son interlocuteur dans le salon cossu aménagé pour ce genre de visite, je ne sais pas quel instinct malsain de voyeur poussa Madfing à faire le fatidique pas en avant qui lui permit de voir les auteurs du ramdam amoureux.

    AUCUN REPENTIR : Dans le lit se trouvaient sa femme et son “parrain”. Madfing resta pétrifié devant le spectacle qui se déroulait devant ses yeux et il resta sans bouger au moins une bonne minute. Qui lui parut toute une éternité avant de tourner les talons et de refermer la porte. Ce fut le claquement de la serrure qui interrompit les amants. L’homme tout en sueur sortit alors pratiquement nu et vit de dos son protégé qui s’en allait vers sa voiture, tel un automate. Quelques heures plus tard, la femme d’abord, puis le parrain dix minutes après elle débarquèrent à la maison. Binta avait compris ce qui s’était passé, mais elle n’était pas troublée pour autant. Elle lança hargneusement à l’adresse du cocu “Si tu me suivais pas à la trace, tu ne verrais pas ce que tu ne devrais pas voir”. Pour le parrain, ce fut un autre son de cloche. “Pour l’amour de Dieu, murmura-t-il, garde ce que tu as vu pour toi et préserve-nous tous de la honte”. Madfing resta sans voix devant cette supplication. Il prit toute la nuit pour réfléchir et le lendemain il finit par aller voir sa tante pour lui demander d’aller chercher Binta et ses enfants. Mise au parfum, celle-ci se démena comme un beau diable pour raccommoder la situation. Elle alla jusqu’à demander et obtenir cinq millions du parrain pour rapiécer le ménage. Le couple se remit ensemble et donna le change à son entourage, mais Madfing était un homme fini. Pour bien comprendre ce qui lui arrivait, il faudrait savoir que Binta était la seule femme qu’il avait auparavant connue, plongé qu’il était dans ses études. Il avait eu la naïveté de croire que l’adoration qu’il lui portait était réciproque, en quoi il s’était lourdement trompé. Mais pour lui le plus cruel était encore à venir. Son épouse qui n’éprouvait aucun repentir raconta par le menu ce qui s’était passé à sa meilleure amie avant de lui dire plus tard que son mari était devenu impuissant. Et comme celle-ci est une de mes clientes pour les colliers de taille et l’encens, elle me rapporta toute l’aventure. Les faits remontent maintenant à huit ans et à ma connaissance, le pauvre n’a toujours pas retrouvé sa virilité. Toute son énergie se trouve investie dans la haine féroce qu’il voue désormais à son parrain. Il parvient cependant à sauver les apparences et prend soin de son aspect extérieur. Si bien qu’en le voyant aujourd’hui, personne ne penserait que cet homme d’à peine quarante-cinq ans est un impuissant. Binta s’est recyclée et elle a fait son entrée dans le milieu des femmes vénales, comme nous actuellement. Mais elle a commis l’imprudence d’accueillir trop d’hommes sur sa poitrine au point qu’elle s’est réellement fanée. Ce danger de vieillissement précoce guette les femmes adultères insatiables, parce que dans notre milieu féminin, on ne pratique pas la gymnastique pour être une épouse accomplie et experte au lit. Je te dirais après le pourquoi et le comment”.

    Le silence s’installa avant que Mâh ne reprenne sa narration. “Aucun homme n’ira jusqu’à reconnaître qu’il n’en est pas un digne de ce nom. Et même s’il lui arrive d’effleurer son impuissance physique, il s’empressera de la mettre au compte d’une fatigue passagère ou des soucis que son affaire ou son travail administratif lui cause. Cependant tu connais ma faculté à me faire des amis masculins, je ne parle pas de mes amants, mais des confidents comme toi. Une de nos connaissances communes m’a conté par le menu ce qui lui est arrivé. D’après ce que je te dirais, tu sauras très bien de qui je parle. Lui était reconnu comme un époux exceptionnel. La nature l’a vraiment gâté en le dotant d’un organe hors norme. La nouvelle a filtré et bien que sa réputation d’époux fidèle ait été bien établie, les convoitises féminines pour un pareil étalon n’ont pas manqué. Cependant lui restait sur le bon chemin. Une copine à son épouse, qui allait récolter tous les détails croustillants sur les ébats du couple, rapportait que la femme sortait vraiment moulue des joutes conjugales. Mais, s’empressait-elle d’ajouter à ses ragots, le mari avait “une “grosse paresseuse”, puisqu’il ne rendait hommage à sa femme pratiquement qu’une fois par mois, ou deux dans les meilleurs cas.

    UN APPÉTIT FIÉVREUX : Malgré tout, une épouse comblée de la sorte devrait se contenter d’avoir la qualité à défaut de la fréquence et n’avait aucune raison d’aller prospecter dehors. Mais la nature féminine est pleine de contradictions. Notre ami resta absent près de quatre mois et le jour où il revint pratiquement à l’improviste, il trouva dans son lit, son copain d’enfance et ami intime Siaka. Il n’y eut pas de clash, le Judas s’en alla et quitta même le pays abandonnant sa femme et ses enfants. Notre ami n’ouvrit jamais la bouche pour parler de l’infidélité de son épouse. Devant cette indifférence, celle-ci un jour explosa et s’en alla dans sa famille tout déballer devant ses parents. On appela l’homme, il ne pipa mot, mais en réalité quelque chose était cassé en lui. Ce que sa femme prenait pour de l’indifférence s’était mû dans sa douleur silencieuse en impuissance. “La grosse” était devenue définitivement “paresseuse”. Le couple choisit le divorce comme solution. Ça fait dix ans que cela s’est passé, mais personne n’a plus revu depuis notre ami avec une femme. C’est lui-même qui eut le courage d’avouer à sa tante qu’il avait perdu à jamais sa virilité. Celle-ci eut beau rameuter tous les tradipraticiens, rien à faire. Si j’ai évité de nommer le héros malheureux de mon histoire, c’est parce que je suis actuellement sa confidente préférée. Il m’a tout raconté et à cause de notre amitié je me garderai de te donner même à toi certains détails. Mais autant que tu le saches, beaucoup de drames pareils se nouent autour de toi. Par expérience je te dirai qu’un homme sur dix est un cocu et deux sur cent sont des impuissants victimes de leur infortune conjugale”. Le rapport me semblait exorbitant, mais Mâh y tenait mordicus. Pour elle, l’homme est une mécanique fragile et il suffit de peu pour qu’elle casse. Ainsi que l’a fait celle de Samba. Mâh rappela la mésaventure survenue onze ans plus tôt à cet homme qui avait fui le pays après avoir divorcé de sa femme. Certains avaient cru qu’il était allé se mettre à l’abri après avoir détourné les deniers publics. Mais la réalité est toute différente. Tout est parti de son épouse Niama qui était très portée sur la chose. Ce fut elle, véritable nymphomane, qui lui donna des complexes, à force de la relancer quand il était littéralement vidé. “Sa sollicitation pressante et son appétit fiévreux, qui s’exprimaient par un flot ininterrompu de paroles, achevaient de désorienter Samba troublé par une telle insistance. Et lorsqu’il se levait pour aller se débarbouiller, il entendait inévitablement dans son dos sa femme lancer un bruit de bouche prolongé et méprisant qui signifiait qu’elle était restée sur sa faim. Lorsqu’elle était particulièrement dépitée, Niama ajoutait ce commentaire venimeux “Moi qui croyais avoir un homme dans mon lit”. Ce harcèlement aurait donné des complexes à un homme moralement plus solide que Samba. Celui-ci appréhendait désormais les joutes conjugales avec anxiété. Mais il se rendit compte un moment que sa femme avait cessé ses exigences et qu’au lit elle ne sollicitait plus. Il en conclut donc qu’elle avait un amant et un beau jour il s’avisa de la suivre. Mal lui en prit. Voyant sa femme entrer dans une chambre de passe, il se faufila jusqu’à la fenêtre de celle-ci et se haussa sur la pointe des pieds pour suivre les ébats des deux amants. Plongé dans sa curiosité malsaine, il ne put se détacher du spectacle et à la fin des étreintes, il entendit son épouse couvrir de compliments l’étalon.

    Mais elle ne s’arrêta pas là et se répandit en commentaires désobligeants sur la virilité de l’époux qu’elle avait à la maison. Ces propos humiliants ont cassé un ressort chez Samba et même s’il arrive à ce dernier de regarder avec concupiscence sa propre femme, rien ne bougeait en dessous de sa ceinture. Il évitait même d’affronter le regard plein de défi de son épouse qui se doutait de quelque chose. Il trouvait désormais son plaisir en suivant l’infidèle et en faisant le voyeur. Mâh avait raison d’évoquer le traumatisme qui conduit à l’impuissance, mais elle ne détient qu’une parcelle de vérité. Femme de la grande ville, elle a sous les yeux, les turpitudes urbaines qu’emmène la dissolution des mœurs. Mais dans le pays profond règnent d’autres règles et dominent des pratiques animistes restées très fortes malgré les conquêtes de l’Islam. Là-bas, c’est à travers les forces occultes qu’on atteint les hommes adultères. Celui qui cocufie encourt souvent le courroux du mari outragé et il se trouve condamné à l’impuissance. En vouant le principal fautif aux sortilèges, l’homme se venge donc de l’homme. Mais de cela nous parlerons dans notre prochain épisode, si vous le voulez bien.

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