C’est moins la relation elle-même que les conditions dans lesquelles elle s’entretient qui intéresse quelques “coureurs”. Ceux-ci déploient toute leur imagination pour compliquer le jeu
Dans l’adultère, certains trouvent une partie de leur plaisir en dehors de l’échange physique. Ce qui les intéresse, c’est le jeu de cache-cache et la dissimulation. En quelque sorte, ils testent leur habileté à maîtriser des situations embrouillées. Chacun de nous a un ami Don Juan qui explique comment il jongle avec plusieurs partenaires. Et chacun de nous connaît une dévoreuse d’hommes qui gère son patrimoine d’amants sans en délaisser un seul. La première histoire que nous proposons aujourd’hui avait commencé avec quelque chose qui n’avait absolu ment rien à voir avec l’adultère. Ce fut un cas de flagrant délit de vol qui mit le feu aux poudres. Il fut commis par Django, un jeune homme résidant dans un des vieux quartiers de la capitale. Il était trois heures du matin lorsque Django s’introduisit chez un certain Madou pour s’emparer du magnétoscope de celui-ci. L’affaire aurait pu se dérouler sans aucune anicroche pour le maraudeur, mais l’orage qui se préparait lui joua un mauvais tour. Au moment où il débrancha l’appareil, un énorme coup de tonnerre retentit tandis qu’un éclair impressionnant zébrait toute la pièce. L’épouse de Madou, Djénéba, réveillée en sursaut, distingua l’ombre fugace du maraudeur et hurla aussitôt “au voleur”. Les jeunes surgirent de partout pour coincer Django avant de découvrir qu’ils avaient mis la main sur quelqu’un bien connu du quartier. Djénéba, arrivée précipitamment, préféra s’en retourner sur ses pas à la vue du voleur. Ce dernier en effet était fort loin d’être un inconnu pour elle qui le protégeait pratiquement envers et contre tous, en dépit des rumeurs insidieuses circulant sur leur compte. “On n’est jamais mieux trahi que par les siens”, murmura-t-elle. Dans la foule, beaucoup se disaient que la présence du jeune homme n’était pas accidentelle, Madou, le mari, se trouvant à ce moment-là en voyage. Du groupe des justiciers, une voix s’éleva pour crier à l’adresse du jeune homme “C’est un sale hypocrite”. Django qui n’avait jusque là pas desserré les dents réagit aussitôt et répliqua. “Ah ça non ! Je ne l’accepterais pas, je suis un voleur d’accord, mais pas un hypocrite”. “Quelle est la différence ?”, rétorqua un de ses anges gardiens. “La différence, c’est que j’ai pris un objet qui ne m’appartient pas, de cela j’en conviens. Mais je n’ai jamais volé la femme d’autrui pour venir sourire le lendemain à son mari”. L’occasion était des plus étranges pour faire ces mises au point, mais Django était à sa manière un gentleman et il voulait ainsi balayer toutes les folles rumeurs qui circulaient depuis belle lurette sur ses rapports avec Djénéba. Dont il était seulement le garçon de course quasi attitré.
Aucun contrôle sur son épouse – Dans la foule se tenait un vieux, Tiéman, qui appuya vigoureusement la protestation du jeune homme. Il fit remarquer que si Djénéba était tant soit peu compromise avec le jeune homme, elle n’aurait certainement pas donné l’alerte. Il conseilla donc une solution raisonnable à l’assistance. Il fallait remettre le magnétoscope à sa place, lui laisser régler à lui Tiéman le soin de régler l’affaire avec l’oncle de l’intéressé et surtout d’abandonner les insinuations malveillantes sur la femme de son neveu, Madou. “Le cri du cœur de ce jeune homme, indiqua le vieux en désignant Django du doigt, est pour moi des plus éloquents. Django admet le vol, mais pas l’hypocrisie. Des deux accusations, laquelle est la plus grave ?”. A peine sa question posée, le vieil homme s’en retourna dans sa chambre sans autre forme de procès. L’ardeur de la foule s’était d’ailleurs refroidie, on relâcha donc Django après lui avoir repris le magnétoscope et fait de vertes admonestations. La question du vieux Tiéman continuait cependant à nous trotter par la tête et nous l’approchâmes le lendemain pour savoir ce qu’elle cachait. Reconnu comme quelqu’un d’un commerce agréable, le vieil enseignant retraité depuis une dizaine d’années était réputé pour sa connaissance des ressorts psychologiques des hommes.
Cette science, il l’avait accumulée à travers ses différents postes qui l’avaient amené aux quatre coins du pays. C’était en outre un conteur hors-pair. “Mon fils, soupira-t-il, s’il y a quelque chose que j’exècre, c’est bien l’hypocrisie et la dissimulation. J’ai passé près de dix ans à enseigner dans les petites classes et j’ai mis tout mon cœur à extirper ces déviations de mes élèves. Car l’enfant a une tendance naturelle à dissimuler dès qu’il sait faire la différence entre le bien et le mal. Il faut dire que l’exemple lui est donné par les adultes. Je vais te raconter un épisode pas banal et tu verras jusqu’où peut aller l’étrangeté de certaines situations. En 1968 j’étais directeur d’école dans un village malinké. Je veillais plus particulièrement sur trois jeunes collègues que j’avais reçus dans mon effectif. Ils étaient vigoureux, célibataires et pleins de vie. Trois bonnes raisons pour qu’ils cherchent toutes les occasions de s’amuser sans retenue. J’ai compris bien vite leur état d’esprit et je leur ai aménagé un emploi du temps qui les laissait libres dès vendredi à midi. Le poste n’étant pas éloigné de Bamako, cela leur offrait l’opportunité d’aller y passer leur week-end. Tous firent ce choix, mais au bout de quatre mois l’un d’eux, Oumar, décrocha. Il passa deux week-ends successif sans bouger. C’est alors que je compris qu’il avait trouvé sur place ce qu’il cherchait auparavant dans la capitale dont il était de surcroît natif. Très vite mes soupçons me guidèrent sur les rapports licencieux qu’il devrait entretenir avec la “petite femme” de Badian. C’était la jeune femme la mieux faite du village et son esprit vif la prédisposait à écouter les roucoulades de mon collègue. L’adultère avait donc fait de cette manière son entrée dans mon école. Le jour où je vis Badian en grande conversation avec Oumar, cela ne m’inquiétait pas, car je savais de quoi il retournait. L’homme n’avait en réalité aucun contrôle sur son épouse et dès que l’infortune lui tombait dessus, il prenait le parti de faire l’ignorant, mais il prenait soin d’exploiter au mieux la situation. Le lendemain j’apostrophai mon collègue en ces termes. “Alors, tu as payé ?” Il écarquilla les yeux, sincèrement étonné par ma question. Quelques jours plus tard je le relançais. “Tu continues à payer ?” Même confusion étonnée. Deux mois passèrent ainsi avant qu’il m’envoie un de ses camarades me demander la signification de mes apostrophes. Je le lui expliquais le jour où on mit les classes en vacances de Pâques. J’organisais chez moi un dîner auquel je conviais mon jeune collègue. Après le repas, je demandais à Oumar de combien Badian l’avait tapé. et j’ajoutais que je savais ses relations avec l’épouse du vieux. Gêné au départ, il se détendit, car certains collègues proches de lui étaient également au parfum de ses rapports avec Ramata.
L’impôt du cocu – “Mon garçon, lui dis-je, je ne sais pas qui de Badian et toi est le plus hypocrite, mais votre jeu ne trompe que vous seuls. Toi, tu feins de croire que cet homme te veut du bien et ignore que tu le trompes avec son épouse. Lui pense que c’est naturel que tu lui verses une compensation pour continuer à profiter de sa femme. En fait il sait la vérité depuis le premier jour. Malheureusement pour lui, il a des faiblesses vis-à-vis de sa “petite femme”. Alors il s’écrase devant elle, mais il essaye d’en tirer un avantage matériel avec toi. En fait il te rançonne. N’as-tu pas trouvé bizarre qu’il vienne te demander de l’argent seulement les lendemains de tes rendez-vous avec Ramata ?”. La lumière jaillit littéralement dans l’esprit de Oumar qui comprit rétrospectivement les sollicitations de Badian. Il était assez mortifié, mais je lui remontais le moral en l’informant qu’il n’était pas le premier qui payait un cocu pour avoir le droit de le tromper impunément. Un gendarme avait vécu ici cette situation avant lui et il banquait gros pour tromper tranquillement le même Badian.
Le cocu, grâce aux fonds ainsi collectés, s’était construit l’une des rares maisons en tôle du village et y avait mis Ramata. Oumar heureusement n’aimait pas ce genre d’arrangement. La nuit suivante, il s’expliqua violemment avec l’épouse adultère et ils rompirent définitivement. L’année d’après, mon collègue demanda et obtint une mutation. Mais je ne fus réellement comblé que le jour où il m’invita à son mariage et surtout quand il jura qu’il n’avait plus vécu d’aventure avec une femme mariée. Oumar n’était pas un dissimulateur, mais si ses relations avec Ramata s’étaient prolongées pendant une ou deux années, il serait devenu à jamais un hypocrite”. J’étais moins catégorique que le vieux Tiéman et pour moi, une aventure même un peu particulière ne pouvait changer définitivement un homme. Le vieux me coupa la parole. “Non non et non, mon fils toute prolongation d’une situation aussi trouble aurait contribué à faire naître chez Oumar une excitation malsaine dont il n’aurait plus jamais su se défaire”. Je finis par admettre que le vieux avait quelque part raison. Il est en effet très facile d’accepter des situations ambiguës et de finir par y trouver un charme pervers. L’évocation au grin de ce long entretien avec Tiéman créa, comme attendu, des polémiques entre les membres et amena une profusion de témoignages. Le plus cocasse est sans doute celui de Moussa. Marié depuis cinq ans seulement, il n’avait jamais eu l’occasion, si l’on ose dire, de tromper sa femme, Kadia. Un beau jour celle-ci partit chez ses parents pour présenter son deuxième fils né quelques semaines auparavant et l’homme n’avait rien d’autre à faire qu’à traîner son ennui dans la maison. Puis il lui vint une idée. Fraîchement promu à un poste de responsabilité, il s’était vu remettre les clés d’une voiture de service neuve. Pourquoi ne pas tester les avantages de son nouveau statut ? Littéralement lâché dans la nature, Tiéman fit pratiquement du racolage en embarquant sur l’avenue Al Qods une belle dame qui demandait à être déposée à son domicile à Djélibougou. La conversation s’engagea et Moussa sentit que s’offrait à lui l’occasion de vivre une aventure. Toute excité à cette idée, il posa clairement son cas à Awa, qui ne le découragea guère. Comme le temps pressait, ils convinrent d’un second rendez-vous deux jours plus tard. Ils se retrouvèrent dans un hôtel de passe au crépuscule et Moussa confia plus tard à des amis à lui qu’au sortir de ce premier rendez-vous il ne savait pas si ses jambes tremblaient d’émotion à l’idée de son premier acte d’adultère ou si c’était sa partenaire qui l’avait vidé. Il y avait un peu des deux, mais, ce qui fut indiscutable, ce fut que cette nuit là, il ne trouva pas le sommeil.
Un “bleu” en matière d’adultère – Awa s’était révélée une amante merveilleuse pleine d’expérience. Mais surtout elle avait su flatter l’orgueil mâle de Moussa en lui susurrant à l’oreille qu’il allait la “tuer de plaisir”, qu’avec un homme aussi bien doté que lui n’importe quelle femme était comblée. De pareils compliments étourdissaient Moussa, déjà enivré par les senteurs de l’encens et du “moro-moro” (fines boulettes odorantes en forme de perles dont les femme se ceignent la taille pour faire l’amour). Notre homme, qui chavirait d’extase à chacune de ses sorties, était devenu complètement “accroché” et baignant dans sa félicité sensuelle il ne voyait pas le temps passé. Si bien que le retour de son épouse le prit complètement au dépourvu. Pris de panique, il alla voir une de ses cousines à qui il raconta ses frasques. Il lui demanda de faire une lessive soigneuse de ses habits qui étaient complètement imprégnés des effluves de Awa. Mais la lessive ne pouvait pas résoudre tous les problèmes : comment continuer à voir Awa et ne pas être trahi par les parfums qu’il allait traîner derrière lui ? Moussa qui était un “bleu” en matière d’adultère demanda conseil à un séducteur de ses amis. Ce dernier lui recommanda de convertir son épouse à la pratique de l’encens et du moro-moro, mais de l’obliger à s’approvisionner avec des produits fabriqués par son amante. Mais, conseilla l’expert, il fallait s’abstenir de revoir Awa, tant que Kadia n’avait pas été complètement initiée aux nouvelles pratiques. C’était là ou le bât blessait.
Car Moussa se sentait incapable d’une longue abstinence. Notre homme tint bon exactement une semaine. Puis il alla voir Awa, s’aspergea d’eau de toilette en la quittant et par ultime précaution, cette nuit-là, il préféra dormir au salon prétextant que les pleurs du bébé troublaient son sommeil. Le coup avait réussi et Moussa le réédita à plusieurs reprises, mais sa méthode lâcha au bout de trois semaines seulement. Un matin, avant de faire mettre les habits de son époux à la lessive, Kadia en fouilla les poches et tomba sur un collier de “moro-moro”, que notre homme avait emprunté comme échantillon à remettre à sa cousine. Moussa un moment affolé se reprit assez vite en affirmant que c’était sa cousine du Badialan qui lui avait remis l’objet avec recommandation de le montrer à Kadia pour savoir si cela lui convenait. L’alerte avait été chaude, mais l’affaire s’était tassée, avant qu’un autre impair ne vienne couler notre homme décidément bien distrait après ses ébats. Il fut piégé par un de ses sous-vêtements qui sentait l’encens de Awa. Le vague soupçon devint alors certitude pour Kadia qui découvrit que son mari la trompait. Le soir, elle lâcha tranquillement. “Alors, c’est encore ta cousine qui t’a demandé de te mettre en slip au dessus de son encensoir pour pouvoir me vanter convenablement le produit ?”. Exprimée en bambara, cette remarque est d’une ironie si mordante que son destinataire en reste obligatoirement coi. Ce que fit notre apprenti-mystificateur. Lamine, lui, pratiquait l’adultère social. Après avoir couché avec une femme mariée, il recherchait l’amitié de l’époux de celle-ci. Cela aurait pu passer pour du remords, mais à la pratique c’était là un très vilain acte d’hypocrisie. Notre homme se livrait à la confidence en commençant d’abord par se lamenter sur sa situation au foyer. Il s’étalait sans fin sur les privations que sa femme lui faisait endurer, ce qui était réel. Car celle-ci, ayant catalogué son époux comme un coureur de “petit pagne” impénitent, ne manquait jamais d’occasion pour exercer des représailles sur lui. Mais Lamine ne racontait pas toute l’histoire à ses nouveaux confidents. Après de violentes disputes, notre homme se mettait à genoux pour implorer la compréhension et le pardon de Ami. Ainsi il la faisait fondre avant que la querelle ne se termine au lit. L’hypocrite de service ne manquait jamais de se dévouer physiquement tout en déversant sur sa femme un flot de louanges. Il regrettait tout haut de l’avoir trompé alors qu’elle était incontestablement la meilleure. “Tu es tellement bonne que je suis vraiment impardonnable de t’avoir joué ce sale tour, se repentait-il. C’est toi, ma femme, toi seule. Tu es unique pour moi, car tu sais combler ton mari”.
Le virus de l’amour à la sauvette – Le lendemain de cette grande scène de réconciliation, Lamine redevenait le chouchou de sa femme et la table copieusement garnie démontrait que Ami s’était mise en quatre pour lui permettre de réparer sa dépense physique de la veille. Lamine poussait alors son avantage : après avoir bien mangé, il faisait trémousser de bonheur Ami en lui disant “Je ne t’échangerais pas pour tout l’or du monde, car tu es la plus merveilleuse épouse que je connaisse. Quand je dis à mes amis ce que tu m’accordes, ils sont morts de jalousie”. Lamine s’offrait ainsi une longue trêve du côté de son épouse, trêve pendant laquelle il reprenait ses batifolages avec ses amantes mariées dont les époux étaient entre temps devenus ses confidents. Lamine ne s’introduisait jamais en douce dans la place. A sa manière il était un pervers qui prenait plaisir à voir les plus timides de ses conquêtes troublées par son audace. En outre, lorsqu’il devenait un habitué des lieux, cela lui procurait des avantages non négligeables qui ajoutaient du piquant à ses aventures. Il lui arrivait de se pointer à des heures creuses pour profiter du lit du cocu, ou de son salon, ou de tout autre recoin tranquille de sa maison. Lamine parvenait de la sorte à instiller le virus de l’amour à la sauvette à des épouses pourtant très vertueuses et surtout respectables. Le coquin bouleversa ainsi la vie sexuelle de beaucoup de femmes. Pour lui, l’amour à la hussarde était le moyen le plus sûr d’éteindre le feu qui brûle en chaque femme, car, concluait-il souvent “elles ont toujours envie, mais jamais elles ne solliciteront un homme pour ce qui sort de l’ordinaire”. Sa chance fut de ne s’être jamais fait prendre en flagrant délit. Tout juste une fois, un bébé de dix mois se réveilla au bruit que faisait le lit et le regarda martyriser sa mère. A partir de ce jour Lamine, qui avait un code de conduite des plus bizarres, jura qu’il n’aurait plus d’aventures avec les femmes mariées ayant des enfants en bas âge. Pour le reste, il croyait dur en sa bonne étoile. “Quand on fait plaisir, avait-il coutume de dire, la chance veille sur vous. Et puis combien de femmes frigides n’ai-je ainsi révélées à elles-mêmes ?
Il y en a qui m’ont remercié du fond du cœur bien que nous ayons cessé nos relations”. Quand l’hypocrisie atteint le degré de raffinement auquel l’a portée Lamine, le jugement devient superflu. Mais les hommes n’ont pas le monopole de la dissimulation. Dans ce domaine, certaines femmes pourraient très avantageusement leur servir de professeurs. Mariée et mère de trois enfants, Fanta avait rencontré par hasard un automobiliste, un dénommé Bakary, qui devint très vite son amant. Tous les samedi, elle demandait la permission à son époux d’aller rendre visite à une de ses tantes à Sotuba. Les plages de sable fin de la chaussée submersible devinrent très vite le refuge des amants. Mais c’était là une liaison très particulière. Car pour Fanta, rien n’était désormais plus excitant que de s’ébattre dans la nature. “Mon aventure, confia-t-elle à une de ses amies (qui nous rapporta son cas) avait commencé en mars au début des fortes chaleurs. Lorsque comme moi on vit dans un coin aussi populeux que Banconi, on saute sur n’importe quelle occasion d’aller prendre un peu d’air frais. Alors Bakary m’amenait à la plage en fin de soirée. Il est le seul homme avec lequel j’ai trompé mon mari en dix ans de vie commune et franchement, j’ai été grisée par ma première expérience extra-conjugale en pleine nature, sur une plage avec le bruit du fleuve en arrière-fond. Je crois que j’étais une sentimentale qui s’ignorait et que sans doute quelque part la tentation de pareils ébats dans un cadre peu ordinaire dormait dans un coin de ma mémoire. Je le dis, parce que ce n’était pas Bakary en tant qu’homme qui m’obsédait après deux ou trois sorties. Pour preuve dès les premières pluies de juin, nos escapades prenaient congé jusqu’au mois de mars de l’année suivante. Nous n’avons jamais cherché un local couvert pour continuer à nous rencontrer. Cette longue attente contribuait à nous attirer encore davantage l’un vers l’autre et à augmenter le plaisir de nos retrouvailles particulières. En fin février, je sentais que mon amant lui aussi ne tenait plus en place. Je m’étais attaché au sable de la plage au point d’en avoir fait transporter jusqu’à mon domicile pour en mettre dans ma cour.
Des remarques très discourtoises – Cela me permit deux ou trois de donner du change à mon mari qui constata en ces occasions que j’avais des grains de sable dans mes cheveux qui s’éparpillaient sur le drap pendant nos joutes amoureuses. Comme mes escapades sentimentales prenaient de longues vacances, je parvenais très facilement à le convaincre que ce sable provenait de chez nous. En fait je n’avais pas trop de mérite à tromper mon mari, toute femme qui sait jouer à l’amoureuse est capable de mettre sous sa coupe son homme. Dieu nous a doté, à mon avis, de ce don très particulier pour compenser quelque part notre infériorité physique vis-à-vis des mâles. Et il n’y a pas meilleure dissimulatrice qu’une épouse ou une amante, pourvu qu’elle veille seulement s’en donner la peine. Bref, mes relations adultères avec Bakary durèrent six bonnes saisons chaudes, avec une seule année d’interruption quand le tombais enceinte fin décembre de mon second enfant. Aucun doute que ce dernier soit bien de mon mari, mais quand je suis en début de grossesse, je supporte mal les rapports. Alors Bakary et moi fîmes l’impasse sur cette année-là, avait de nous retrouver “la saison” suivante. Comme je ne pouvais pas abandonner longuement aux mains de la bonne mon garçon né six mois auparavant, je l’amenais avec moi à mes rendez-vous. Ce fut là une grossière erreur que je regretterai toute ma vie. Pas à cause de la frustration que mon bébé créait en moi en se réveillant pendant que mon amant me rendait hommage avec toute l’ardeur accumulée pendant notre très longue période d’abstinence.
Mais parce que quelque part en moi une fibre jusqu’alors inconnue vibra. Une bonne mère (et j’en suis malgré tout une), ne devrait pas s’abandonner devant son enfant à un homme qui n’est pas son père. Et même si l’enfant ne pouvait pas raconter plus tard ce qu’il avait vu en se réveillant, je compris que ce n’était pas sain qu’il le vit. Deux jours plus tard Bakary m’attendit en vain à notre lieu de rendez-vous, il ne me revit plus jamais. Voilà comment j’ai rompu pour revenir sur le droit chemin. Mais mon histoire connut un rebondissement que je n’aurais jamais imaginé. Deux années plus tard, j’eus la surprise d’entendre mon mari me proposer de l’accompagner à Sotuba. On était en plein mois d’avril. Au retour vers le crépuscule, il a du sans doute sentir l’air frais qui soufflait venant du fleuve et je faillis sursauter quand il vanta la douceur de l’atmosphère en ces lieux. Je n’osais pas croire que l’histoire pour moi allait se répéter sous une forme inattendue, mais le week-end suivant mon mari me demanda de me tenir prête pour qu’on aille respirer hors de la ville. Je ne tenais plus en place à l’idée de me retrouver avec mon époux à la place où je réalisais ma lubie avec mon amant. Et pour tout dire, la chose se passa magnifiquement bien. Nous fîmes alors une seconde escapade, puis une troisième. La manière dont je me transcendais à chaque sortie étonnait et ravissait mon mari. Mais notre évasion connut une fin brutale. Une escouade de police fit une après-midi une descente à la plage et nous surprit dans une posture compromettante. Bien que mon époux ait exhibé sa pièce d’identité et moi la mienne, les policiers ne voulurent pas croire que nous étions maris et femme. L’un d’eux nous exigea notre certificat de mariage comme si cette pièce était un document que l’on amenait partout avec soi. Je me suis emportée et j’ai fait des remarques très discourtoises aux policiers. Ces derniers m’ont donc embarquée pour outrage à agent. Il a fallu que mon époux aille à la maison et revienne au poste payer cinq mille francs pour me délivrer.
Cet épisode mit fin à nos escapades. Avec du recul, j’ai loué la chance que j’avais eue, car ma mésaventure aurait très bien survenir avec mon ancien amant Bakary et j’en serais morte de honte. La philosophie que j’en tire, c’est qu’il y a comme ça des alertes qui vous permettent de vous remettre sur le droit chemin. Mon petit garçon d’abord, la police ensuite. Même si la frustration fut grande, je pus après chaque coup de semonce retrouver mon équilibre. Dieu merci. Ce n’est pas le cas de celles qui n’ont pas fait attention à ces avertissements et qui s’installent définitivement dans la luxure au point d’en devenir des esclaves de leur pulsion. Pour les satisfaire elles ne reculent devant rien. A l’occasion, elles mettent la main au portefeuille, ou alors elles se vendent sans vergogne. Moi, je suis dissimulatrice, je l’admets. Mais vénale, ça jamais ! Car c’est encore, à mon avis, la pire de toutes les déviations auxquelles l’adultère expose une femme, une mère ou tout simplement une épouse”. Fanta a mille fois raison, chers lecteurs, mais cela n’empêche pas la perversion qu’elle décrie de se répandre. Des femmes “banqueuses” et des autres spécialistes de l’adultère vénal, nous parlerons dans le prochain dossier. Si vous le voulez bien.