C’est un jour comme tous les autres. Les mêmes visages pâles et crispés, la même discussion, le même stress, les mêmes espoirs et les mêmes déceptions. Telle est la réalité que vivent, chaque semaine, bon nombre de Maliens, mordus de jeux de hasard, comme le PMU.
Ils rêvent tous de gagner le jackpot un jour ou l’autre. Ils veulent que le rêve devienne réalité et qu’ils soient, du jour au lendemain des millionnaires, en remportant le gros lot. Mais sans mesurer la portée de leur passion: quand les jeux du hasard deviennent une obsession, cela ne peut que conduire à la ruine.
De nos jours, le PMU fait presque partie intégrante de la vie de tous les jours de la plupart des Maliens. Tout le monde, ou presque, tente parfois sa chance en espérant gagner le gros lot. Intellectuels, analphabètes, tout le monde y trouve son compte. Cependant, ce jeu a des répercussions graves et directes sur le budget et la vie quotidienne des parieurs. Il est la principale cause de nombreux drames familiaux. Comme tout jeu dont le principe de base est la mise, la tentation de toujours jouer et de miser davantage, plus forte que la raison, conduit directement à la ruine. En effet, c’est un piège qui finit toujours par se refermer sur celui qui croit dur comme fer, que la fortune est au bout de l’augmentation et la multiplication de la mise. En effet, il suffit de gagner une quelconque somme pour que le parieur se dise que la chance va lui sourire encore une fois, sinon plusieurs fois. Où encore, il suffit qu’on annonce qu’une course a payé une somme colossale, comme le cas du weekend dernier, pour qu’il y ait plus d’adhérents.
Il y a des adeptes de ces jeux de hasard qui sont logés à la même enseigne que les drogués tant il leur faut, quelque soit le moyen à utiliser, trouver leur dose, pardon, l’argent à miser. Finalement, certains se tournent vers les usuriers pour entamer une véritable descente aux enfers, tandis que d’autres commencent à brader des biens personnels (montre, portable, etc.). Le principe de ces parieurs: «La chance ne sourit qu’aux plus audacieux et le turf est le seul parent de nos jours qui peut donner des millions». A noter que leur quotidien se résume à un thé le matin, accompagné d’un long voyage entre les journaux spécialisés pour dénicher les chevaux gagnants. Une fois le pari enregistré, ils sont sous l’emprise du stress dans l’attente angoissée de la proclamation des résultats. La rue du VOX à Bamako est témoin tous les jours de la présence massive de ces parieurs attendant la liste de chiffres qui les délivrera de leur angoisse.
A l’arrivée des chevaux, quelques rares gagnants ont le visage souriant et n’osent jamais révéler qu’ils sont les heureux gagnants du jour. Mais ils ne font pas légion car pour la plupart des parieurs, c’est la déception totale. Les uns «insultent» les jockeys et les autres trouvent que ce n’est rien d’autre que de la triche. Mais n’empêche, ils reviendront jouer dès le lendemain.
Un des parieurs du PMU, qui a voulu garder l’anonymat, décrit ainsi le fléau en des termes assez évocateurs: «C’est une drogue. J’ai divorcé à cause du Turf. Je ne pensais plus qu’à parier et suivre les courses. Aujourd’hui, je ne peux plus m’en passer. C’est une vraie maladie chronique. Cependant, je ne peux pas nier que, grâce au turf, j’ai pu ouvrir deux boutiques de vêtements, ce qui assurera l’avenir de mes enfants. Sans les paris, c’était impossible à réaliser». Mais tout le monde a-t-il la même chance que lui. C’est ça le vrai débat.
Ibrahim M. GUEYE