Elles sont nombreuses à Bamako, les épouses qui s’adonnent à cette pratique sans l’avis de leurs conjoints.
Les interruptions volontaires de grossesse ou IVG représentent un phénomène sociétal qui se déroule très souvent dans des conditions de clandestinité. Dans notre pays, l’avortement reste copieusement mal perçu compte tenu de notre culture, nos traditions, nos religions entre autres. Toutefois, la réalité sociale est tout autre et la pratique illégale est très courante dans notre pays. L’ampleur du phénomène inquiète plus d’un. La population cible au Mali exposée à des avortements sont surtout les jeunes filles célibataires. Si dans notre pays il est reconnu de tous que l’avortement est l’affaire des jeunes filles célibataires, cependant il est constaté qu’actuellement des femmes mariées ou fiancées font également recours à cette pratique ignoble et hors la loi. Les raisons évoquées sont sans fondement. Le phénomène révèle des raisons personnelles de la femme. Il peut s’agir de raisons financières insuffisantes des raisons éthiques (femme mariée ayant commis l’adultère). Le pire c’est que certaines soutiennent qu’elles ont avorté parce que leurs ménages ne supportent pas la venue d’un autre enfant. Pour d’autres, leur couple est mal au point, ils ne se comprennent plus, et la venue d’un enfant ne fera que compliquer les choses.
Cependant la raison la plus méprisable est celle que les nouvelles mariées soutiennent, en disant qu’elles veulent très bien profiter de leurs noces alors pas question de grossesse. Si malheureusement la problématique se pose, ces dames n’hésitent même pas à se faire avorter bien sûr à l’insu de leurs époux. Ce qui est inquiétant dans cette affaire c’est le fait que ces dames n’éprouvent pas de regret après leurs forfaits bien au contraire ! C’est une source de fierté pour pas mal d’entre elles. Et c’est souvent cette attitude de dire à qui veut l’entendre qu’elles ont eu à se faire avorter que le pot aux roses se découvre. Alors bonjour les dégâts, les maris très souvent frappés dans leur orgueil font recours purement et simplement au divorce. Ces cas sont fréquents ce ne sont pas nos lecteurs qui vont soutenir le contraire. Ils ont été nombreux, nos interlocuteurs à nous narrer le cas d’une sœur, d’une amie ou d’une collègue ou simplement d’une connaissance. Touré est gynécologue obstétricien, il indique qu’il a eu à prendre en charge plusieurs femmes mariées dont l’avortement clandestin a tourné au drame. S’il a pu sauver la vie à la plupart d’entre elles, cependant il n’a rien pu faire contre le fait que ces femmes puissent de nouveau procréer. C’est à dire que dans la majorité des cas, ces femmes ne peuvent plus avoir d’enfant. L’interruption volontaire de grossesse est punie par la loi malienne.
AUTORISE. Cependant, a affirmé notre spécialiste en la matière, il y a des cas ou l’avortement est autorisé. Il est autorisé par la loi dans un cadre très précis. Deux types d’interruptions de grossesse sont autorisés par la loi. Il s’agit de l’avortement thérapeutique. Pour notre gynécologue, ce dernier peut être pratiqué dans le cas où la grossesse met gravement en danger la santé de la femme ou s’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une maladie incurable « Ce qui est très rare » a précisé le médecin. Qui ajoute que cet état doit être attesté par deux médecins qualifiés et différents. « C’est seulement dans ces conditions que l’avortement est autorisé et l’on peut le faire à n’importe quel stade de la grossesse », a fait remarquer le Dr Touré. Qui juge qu’une grossesse non désirée est une situation pénible pour la femme ou un couple, mais que l’avortement n’est certainement pas une meilleure solution sauf dans les cas cités plus haut. « Il faut que les femmes comprennent que le respect de la vie est la source de toutes les autres valeurs : générosité, entraide, justice, compassion etc », a fait comprendre le Toubib. Avant d’ajouter que rien ne justifie l’interruption volontaire de grossesse d’une femme surtout celle mariée. Fifi, une jeune universitaire nous raconte le cas d’une cousine. Cette dernière venait de se marier.
Tout naturellement elle tomba enceinte au cours des trois mois qui ont suivi son mariage. Dans cette condition la grossesse est salutaire et est source de joie et de fierté pour le nouveau couple. Mais cependant, la cousine de notre interlocutrice ne voyait pas sa grossesse sous cet angle. Elle disait à ses proches qu’elle va se débarrasser de cette grossesse par ce que selon elle, il serait trop tôt pour avoir un enfant. « J’avoue que quand elle m’a parlé, j’ai cru sincèrement qu’elle plaisantait. Comment croire à ce qu’elle me disait ? C’était difficile d’autant plus qu’elle n’avait pas d’argument solide », indique Fifi. A la surprise générale, la cousine de notre interlocutrice est allée se faire avorter malgré les sages conseils de son entourage. Le mari sera informé par la meilleure amie de sa femme. Cette dernière était choquée par le comportement odieux de son amie. Une fois après vérification, l’époux alla porter plainte contre sa femme pour l’assassinat de son enfant et le divorce. Sans l’intervention des uns et des autres à dissuader le mari à retirer sa plainte, la cousine de Fifi serait actuellement en prison. Mais par son acte ignoble elle a dit adieu à son foyer. Ce cas n’est pas le seul. Oumou Mariko explique également le cas d’une tante. Cette dernière a avorté par ce que tout simplement elle a contracté une grossesse rapprochée. Elle indiquait qu’elle ne voulait pas passer comme une ridicule et que la meilleure conduite à tenir dans son cas est l’avortement. Pour mettre en place son plan machiavélique et convaincre son mari à l’adopter, la tante d’Oumou fait comprendre à son mari qu’elle a une grossesse extra-utérine.
Ensemble le couple décida ainsi de mettre fin à cette grossesse qui menaçait la vie de la maman. Par la suite l’opération se passa mal, et c’est là que le mari comprendra le comportement odieux et inexplicable de son épouse. Ce qui est étonnant dans cette histoire c’est que le couple n’a pas de problème d’argent et pouvait convenablement subvenir aux besoins de deux enfants. Le problème a été que la femme ne pouvait plus avoir d’enfant, le mari décida alors de prendre une seconde épouse. Le cas de cette dame est pathétique. Cette mère de 4 enfants trouva la mort à la suite d’un avortement clandestin. La bonne dame avait décidé de retourner dans sa famille paternelle après dix ans de vie conjugale avec le père de ses enfants. C’était à la suite d’une dispute. Malheureusement elle constata qu’elle était enceinte et avoir un enfant dans sa situation l’imposerait à retourner dans son foyer, elle décida alors d’avorter. L’avortement s’est mal passé elle rendra l’âme dans un grand hôpital de la place des suites d’hémorragie. Le mari de la défunte décida de ne pas assister aux funérailles de sa regrettée épouse. A côté de ces dames qui volontairement et sans l’accord de leurs époux décident pour une raison quelque d’avorter, il y a également des maris qui poussent leurs conjointes à avorter sous prétexte qu’ils n’ont pas les moyens de prendre en charge plusieurs enfants. Les exemples ne manquent pas là dessus. L’ironie du sort est qu’il y a des femmes qui cherchent en vain un enfant, pendant ce temps d’autres refusent simplement d’en avoir. Quel dommage !
Le syndrome post-ivg
L’interruption volontaire de la grossesse (IVG), bien qu’elle soit aujourd’hui très médicalisée, n’est pas un acte anodin. Même pratiquée dans les meilleures conditions, elle affecte le psychisme de la femme au plus profond d’elle-même car cet acte médicalisé ne guérit pas une affection mais arrête un processus de vie déjà enclenché et distinct de celui de la mère. Dans toutes les civili-sations, la fécondité chez la femme en âge de procréer, est promesse de maternité. Après avoir subit un avortement, la femme éprouve des sentiments contradictoires. Elle fait souvent un déni complet du processus de vie qui l’habitait : L’embryon n’est qu’un amas de cellule, Ce n’était pas une personne parce qu’il n’y avait pas de projet parental. C’est mon corps, c’était donc « mon droit » et je ne reconnais à personne le droit de décider à ma place. Elle invoque encore le fatalisme et le déterminisme : Je ne pouvais pas faire autrement, Je n’avais pas le choix, J’y ai été contrainte, c’est à cause de mon ami, de mes parents, de ma situation économique, etc.… Dans ces deux cas on retrouve d’abord la tentative de justification de l’acte. La justification est une attitude fondamentalement humaine. Mais l’explication, le lien de causalité ne doit pas priver l’agir humain de sa dimension responsable qui fait aussi sa grandeur et sa valeur. Les circonstances dans lesquelles est accompli habituellement un acte, atténuent la responsabilité des personnes. Mais cela ne retire pas pour autant le sentiment de culpabilité qui ronge la personne et provoque un véritable mal-être.
Le sentiment de culpabilité est une réalité psychologique que l’on trouve à un degré plus ou moins fort dans le psychisme de chaque l’être humain. Le poids des structures sociales, religieuses ou culturelles qui peuvent être « culpabilisantes » n’expliquent que très partiellement la notion de culpabilité. Pour beaucoup de psychologues, ce sentiment lorsqu’il n’est pas de nature névrotique (ou disproportionnée) est sain et ne doit pas être refoulé. Wanda Poltawska, psychiatre à Cracovie, a constaté que l’avortement entraine souvent, à des degrés divers, et pas toujours immédiatement (souvent à l’occasion d’événements postérieurs), des troubles psychiques et que, contrairement à ce qu’on prétend, le sentiment de culpabilité ressenti n’est pas lié à des pressions extérieures, sociales ou religieuses. Ainsi au Japon, où l’avortement est depuis longtemps autorisé, les femmes, (qui ne sont pourtant pas chrétiennes), développent ce sentiment. Pour décharger leur conscience, un “temple des enfants” a été construit où elles apportent les restes de leurs enfants avortés et y font des pèlerinages à caractère pénitentiel. W. Poltawska explique cela par les racines qui sont au plus profond de la nature humaine et surtout féminine. Car l’enfant est un mystère profond de la vie et une femme est profondément impliquée dans ce mystère qu’elle en soit consciente ou non. L’auto-justification excessive de l’IVG empêche celle qui s’y livre à comprendre “en vérité” l’acte commis.