Inculpé d’atteinte aux biens publics : Hamidou Dembélé, ancien receveur-percepteur, condamné à 15 ans de prison ferme et au paiement de 500 000 F CFA

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    Comparu le jeudi 24 juin 2021 devant la Cour d’assises pour le détournement de 134 475 853 F CFA, Hamidou Dembélé (receveur-percepteur de Madougou, cercle de Koro à l’époque des faits) a été jugé  et condamné à 15 ans de prison ferme et au paiement d’une amende de 500 000 F CFA.

    l ressort du dossier qu’en sa qualité de receveur-percepteur de Madougou, cercle de Koro, Hamidou Dembélé (né vers 1980 à Daragongo, cercle de Yorosso) avait comme missions de percevoir les impôts et taxes et de procéder au paiement des mandats des collectivités territoriales de son ressort.

    C’est dans ce cadre qu’il a perçu les contributions des cotisations de la Caisse malienne de sécurité sociale (CMSS) et de la CMSS-Amo dont il avait la charge de reverser dans le compte de celles-ci.  Au lieu de procéder ainsi, après perception desdits montants, Hamidou Dembélé les utilisait à des fins personnelles.

    La direction régionale de la Caisse malienne de sécurité sociale ayant constaté ce manque à payer, enregistré au versement des cotisations CMSS et CMSS-Amo, saisit le trésorier-payeur de Mopti, lequel initia une mission de contrôle, qui permit de relever les montants de 98 358 676 FCFA et 110 022 048 FCFA, recouvrés, respectivement au titre des cotisations CMSS-Amo et CMSS,  pour le compte de la Caisse malienne de sécurité sociale, mais non reversés au compte de celles-ci.  Suite à ce constat, le trésorier-payeur de Mopti dénonça ces faits au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Mopti, en charge du Pôle économique, lequel instruisit à la brigade du Pôle économique et financier de Mopti d’ouvrir une enquête.

    A la réception de la procédure établie suivant PV n°05/2021 du 23 février 2021, le Parquet ouvrit une information judiciaire contre Hamidou Dembélé, pour des faits d’atteinte aux biens publics par abus de confiance, sur le fondement des dispositions des articles 106, 107 et 282 du Code pénal.

    Il a reconnu lesdits faits sans ambages, tant à l’enquête préliminaire que devant le magistrat instructeur en expliquant qu’à la veille de son arrestation, il a fait un acompte sur les sommes détournées, si bien qu’à la  date d’aujourd’hui, il ne reste devoir que la somme reliquataire de 134 475 853 FCFA.

    Suivant chèque n°0182006 Bcéao du 8 février 2021, le trésorier-payeur de Mopti a payé la somme de 132 928 767 FCFA à la CMSS pour règlement partiel du montant reproché à Hamidou Dembélé. L’inculpé a expliqué en outre qu’il a utilisé les fonds détournés pour acheter une maison à Koutiala, avant de s’engager à rembourser lesdits fonds à lui reprochés.

    Au-delà de cet aveu de l’inculpé, il ressort toujours des pièces du dossier, notamment le rapport de la mission de contrôle, en date du 8 févier 2021, que l’inculpé, en sa qualité de receveur-percepteur de la Commune de Madougou, a perçu des fonds, à charge de les verser au compte de la Caisse malienne de sécurité sociale, mais qu’il les a utilisés à des fins personnelles, sans jamais parvenir à les rendre ou les représenter.

    Considérant que les fonds détournés ont un caractère de biens publics au sens des dispositions de l’article 106 du code pénal, en ce qu’ils appartiennent à la Caisse malienne de sécurité sociale, qui est un établissement public et que dès lors, il ne fait l’ombre d’aucun doute que les faits d’atteinte aux biens publics par abus de confiance reprochés à l’inculpé Hamidou Dembélé sont établis à son encontre et lui sont également imputables.

    De tout ce qui précède, il convient de conclure qu’il résulte d’information charges suffisantes contre Hamidou Dembélé, d’avoir à Madougou, cercle de Koro, du 1er avril 2015 au 31 décembre 2020, en tout cas depuis moins de  10 ans, porté atteinte aux biens publics de l’Etat, par détournement de la somme de 134 475 853 FCFA, représentant le montant des  cotisations CMSS et CMSS-Amo, qui ne lui avaient pas été remis qu’à charge pour lui de le rendre ou de le représenter.

    Ces faits sont prévus et punis par les articles 106, 107 et 282 du code pénal et peuvent donner lieu à l’application de peines criminelles. Le certificat d’expertise mentale du 17 mars 2021 versé au dossier, atteste qu’il ne souffre d’aucune anomalie physique ou psychique de nature à influer sur sa responsabilité pénale. Les renseignements de moralité recueillis sur son compte lui sont favorables.

    L’ordonnance de clôture a été notifiée le 6 mai 2021 à l’inculpé en application de l’article 200 du code de procédure pénale. A ce jour, aucun mémoire n’a été produit par lui. Par ces motifs, statuant en chambre du conseil, en matière criminelle et en dernier ressort, la Cour déclare suffisamment établi contre l’inculpé Hamidou Dembélé de la prévention des faits ci-dessus spécifiés et qualifiés, prononce sa mise en accusation en raison de ces faits, ordonne qu’il soit pris de corps et renvoyé devant la Cour d’assises de Mopti pour y être jugé conformément à la loi.

     Hamidou Dembélé se met à table

    A la barre, Hamidou Dembélé, sans ambages, a reconnu les faits qui lui sont reprochés. Il a justifié son acte par le fait qu’en tant que receveur-percepteur chargé du recouvrement et des versements des cotisations CMSS et CMSS-Amo et le paiement des salaires, il n’a jamais subi de contrôle de la part de sa hiérarchie. Profitant de ce vide, il s’est permis des détournements jusqu’à ce que ses indélicatesses soient découvertes par les contrôleurs der la direction régionale du trésor de Mopti. “S’il y avait des contrôles périodiques, je n’aurais pas eu le temps de détourner. Je regrette amèrement l’acte que j’ai posé. Je reconnais avoir détourné les de 134 475 853 F CFA”, a-t-il indiqué. Il a expliqué qu’il a investi l’argent détourné dans la construction d’une maison d’une valeur de 94 millions FCFA.

    Interrogé par le ministère public s’il reconnaît avoir détourné et utilisé l’argent public, Hamidou Dembélé n’est pas allé avec le dos de la cuillère. Il a répondu par l’affirmative. Et comment procédait-il ? Il a répondu qu’il procédait par prélèvement par chèque.

    Dans sa plaidoirie, le ministère public a dit que Hamidou Dembélé, en sa qualité de receveur-percepteur a été courageux en reconnaissant les faits qui lui sont reprochés. Mais il n’a pas compris pour l’inculpé s’est comporté de la sorte. “J’ai du mal à croire qu’il puisse détourner et utiliser seul cette faramineuse somme de 134 475 853 FCFA. Je n’ai aucun doute sur la culpabilité de l’inculpé. Il doit être retenu dans les liens de l’accusation. Et il ne mérite pas de circonstance atténuante ni la clémence de la Cour”, a-t-il soutenu. L’avocat de l’accusé, Me Boubacar Guindo, a plaidé que son client n’a pas nié les faits et les a même regrettés. “Mon client a avoué sa culpabilité. Mais les circonstances de son détournement ont été créées. Un aveu est une conviction qui doit être circonstancié et apprécié par la Cour. Je ne comprends pas le déficit de vérification de l’administration. Ce qui équivaut à un laxisme. Mon client ne cherche pas à se recontacter ou à se dédouaner. Il mérite des circonstances atténuantes. Pour montrer sa bonne foi, il a hypothéqué sa maison d’une valeur de 94 millions F CFA. Les faits sont constants. Mon client a été naïf, il n’a jamais eu de démêlé avec la justice. Il mérite la clémence de la Cour”, a-t-il dit.

    Comme dernier mot, Hamidou Dembélé a demandé la clémence de la Cour. Car, a-t-il dit, “j’ai fauté”.

    Dans sa délibération, la Cour a reconnu Hamidou Dembélé coupable des faits qui lui étaient reprochés mais avec des circonstances atténuantes. Le ministère public a regretté ces circonstances accordées à l’inculpé. Il a requis a peine maximale entre 5 et 20 ans. Son avocat s’est réjoui des circonstances atténuantes accordées à son client qui, à ses dires, n’a jamais de problème avec la justice. Il a sollicité la peine de sursis pour que l’accusé puisse retrouver sa famille.

    Dans son arrêt de condamnation, la Cour a infligé à l’accusé la peine de 15 ans de prison et le paiement d’une amende de 500 000 FCFA. En action civile, la partie civile, Moussa Cissé, a réclamé le remboursement des 134 475 853 FCFA.

    Le ministère public a demandé de retenir la maison de Hamidou Dembélé comme caution. L’accusé s’est engagé à rembourser la somme détournée.

             Siaka Doumbia, envoyé spécial

     

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