Histoire… D’un mort

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    Tout commença ce 30 avril, lorsque, le corps d’un homme d’environ 65 ans avait été repêché par des Bozos dans le fleuve qui longe Djikoroni. L’homme, apparemment victime de noyade la veille, a été identifié : il s’agit de M. N’Golo, jardinier domicilié à Djikoroni qui prenait toujours un bain au fleuve après son travail, pour ensuite, rentrer à la maison.

    Informée de la triste nouvelle, la famille du défunt, transporta le corps à la maison tout en s’abstenant d’informer les voisins, en attendant « d’arranger » le cadavre qui était resté en « position assise ».

    Toute la journée a été consacrée au corps, afin de le faire « coucher », mais en vain.

    Enfin, vers 10 heures, grâce au concours d’un « médecin » traditionnel, les hanches et les jambes du cadavre ont fini par céder et le voilà notre mort, comme tous les morts « ordinaires » : bien « couché ».

    Pour se rassurer, les membres de la famille ont suggéré au « médecin » d’attacher solidement le corps afin qu’il ne revienne à la position initiale (assise), mais le médecin a été ferme : « il restera couché jusque dans sa tombe. Il a déjà été trop malmené et un mort mérite le respect. N’attachez rien », a-t-il conclu.

    La nouvelle du décès de M. N’Golo a alors été annoncée à tous les voisins qui prirent d’assaut le domicile du défunt dont l’enterrement a été finalement fixée à 16 heures.

    Ponctuels, plusieurs fidèles étaient là devant le domicile du défunt dont le corps a été peu après, installé devant le foule pour la dernière prière qui devait l’accompagner. L’imam devant tout le monde, non loin du corps, les fidèles derrière… et la cérémonie commença.

    Malheur ! L’imam s’effondra. Pris d’un malaise soudain ?

    On le saura plus tard. Mais, avant, quelques fidèles s’empressèrent de chercher de l’eau glacée et arrosèrent le marabout qui se releva peu après, chancelant et prononçant une phrase inaudible. Parmi ceux qui l’entouraient, quelques uns  avaient compris le message. L’imam expliquait que le corps exposé devant lui, faisait des mouvements. A peine terminait-il la phrase assez claire finalement, que le cadavre se redressa et reprit cette fois, sa position assise du 30 avril. Ce qui s’en suivit est facile à imaginer. L’imam retomba évanoui et la foule se dispersa dans tous les sens. Cinq minutes après, il n’y avait sur place que le corps « assis » et l’imam… endormi. Tout autour, des babouches, chapelets, bicyclettes et charrettes.

    La famille du défunt qui comprit ce qui venait de se passer, s’empressa de loger de nouveau le corps dans une chambre et dépêcha des émissaires dans le quartier afin d’expliquer aux voisins ce qui s’était passé.

    Pendant ce temps, l’imam qui revint de nouveau à lui avança qu’il devait se rendre au chevet d’un parent très malade, et s’éclipsa. La sensibilisation des voisins n’aura cependant servi à rien.

    Personne n’est retourné sur les lieux du mort « ressuscité », ni même pour récupérer les babouches et chapelets recueillis dans un sac.

    Vers 17 heures, la famille Diarra n’eut d’autre choix que de procéder à l’enterrement du défunt avec l’aide d’une dizaine de personnes venue sur les lieux, après le fiasco.

    Riche ou pauvre, petit ou grand, vieux ou jeune, malade ou bien portant, religieux ou mécréant, tout homme serein, a peur de la mort, cet inévitable voyage sans retour.

    L’histoire de notre vieil homme en est une de plus qui édifie sur l’instinct de préservation de l’homme, et sur le fait que, si la mort de manière visible, nous courait après (quelque soit la longueur de ses jambes ou le volume de ses poumons) elle ne rattraperait personne.

    Mais si seulement cela peut pouvait inspirer les uns et les autres à plus d’humilité, de tolérance et de solidarité, le monde ici bas serait si beau.

     

    Boubacar Sankaré

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