Hippodrome, Badalabougou, Faladjé… La foire au sexe

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    Que ça soit à l’Hippodrome, Faladjé, Badalabougou et bien d’autres quartiers de notre capitale, les  prostituées écument les trottoirs et les rues à la tombée de la nuit. La période des vacances est plus propice pour beaucoup de filles élèves et étudiantes qui concluent des formes de contrats d’abonnement avec des clients.

    Mercredi 7 septembre dernier, il est 21 heures sur la rue Bla-Bla de l’Hippodrome. Une dizaine de prostituées se fait déjà remarquer sur les lieux. Il y en a qui sont à l’attente dans l’obscurité avec un cigare coincé entre les mandibules. D’autres se campent au bord de la voie, apparemment insensibles au regard moqueur des passants. C’est ainsi que cette grande voie change de monde quand la nuit tombe. En plus des usagers habituels, d’autres catégories de personnes l’envahissent. Elles sont jeunes pour la plupart. Mais on y rencontre aussi des femmes adultes, dépassant souvent la quarantaine. Leur  tenue est extravagante et ultra sexy. Du côté de la clientèle, les âges et les nationalités s’entremêle. Ainsi, il est 22h 45 lorsqu’un Libanais se pointe, à bord d’une petite Mercedes, couleur grise. Il s’appelle Ali, la trentaine environ et s’en défend, sans gêne: «C’est un plaisir qui aide à absorber le stress après une longue journée de travail».  Johnson, un jeune Nigérian aussi s’amène : « C’est le moyen le plus facile d’avoir un rapport avec une très belle femme de son choix et à bas prix », avoue-t-il.     Panafricaniste sexuel ou obsédé de haut niveau, notre interlocuteur lâche : « je veux faire le tour de l’Afrique de l’Ouest, sur place à travers ces jolies nanas». Avant de presser les pas vers l’une d’elles. Tout bas, il jongle quelques mots avant de prendre un taxi avec sa proie pour se fondre dans les entrailles de la nuit. Mieux, Il jette un coup d’œil derrière et fait un «V»  avec ses doigts en signe de victoire. Direction : un hôtel du coin. La fille, apparemment est satisfaite du montant proposé.

    20 ans de prostitution
    Akoss, une Ghanéenne de 40 ans, est une ancienne des lieux. Elle nous signale avoir parcouru plusieurs autres «coins chauds» de Bamako, avant d’atterrir ici, il y a exactement 7 ans : « je vis de ce métier depuis une vingtaine d’années », déclare-t-elle avec enthousiaste. Elle a ses propres raisons. C’est le seul moyen, dit-elle, pour pouvoir prendre en charge sa famille et payer la scolarité de ses enfants, depuis la mort de son mari : « mon fils aîné est en fin de formation en Relation Publique  au Ghana. Je dois tout faire pour qu’il s’accroche, sans difficultés financières ».   

    Bintou, une Guinéenne de 35 ans est plus ouverte. Les prix qu’elle propose aux clients pour la passe, varient entre 5.000 et 10.000F CFA. Tout dépend de la manière dont la négociation a été conduite. Il arrive qu’elle accepte moins : parfois 2.000F CFA. «Chaque client est traité selon le prix qu’il a payé. Celui qui paye une petite somme est d’office privé de caresses», explique-t-elle, sans gêne. Certaines prostituées affirment ne plus porter de sous-vêtements quant elles sont au «travail ». Rachelle, une ivoirienne de 24 ans explique: « nous sommes souvent pressées de satisfaire nos clients, pour en prendre d’autres en un temps record. Cependant, d’autres prostitués peuvent prendre, dès fois dans la nuit, jusqu’à une vingtaine d’hommes ». A la question de savoir pourquoi avoir choisi ce « boulot », elle répond : «Il est difficile d’habiter à Bamako, car la vie est cher. Quand je suis arrivée ici en 2009, c’était pour travailler dans le salon de coiffure d’une malienne. Mais cette dernière me disait que les garçons de Bamako ne sont pas du tout stylés et que je pouvais m’enrichir en si peu de temps. Et elle avait raison, car en peu de temps, j’ai puis me faire une fortune. Et aujourd’hui j’ai mon propre salon de coiffure, mais je viens de temps à autres dans la rue pour arrondir mes dépenses  à la fin du mois ».

    Des jeunes filles sous  la tutelle d’une  grande prostituée

    Parmi ces filles, nombreuses  sont celles qui ne viennent pas dans la prostitution de leur gré. Tout est question de réseau. Akouvi, 36 ans d’origine togolaise, déclare avoir déjà recruté 25 jeunes filles qu’elle exploite dans l’activité. Moyennant, un salaire mensuel qu’elle verse à chacune d’elles. Elle s’accapare donc de toutes celles qui pénètrent son territoire : «j’ai des relations, parce que j’exerce ce métier depuis 15 ans. J’envoie parfois mes filles mettre mes clients à l’aise chez eux. Et après, elles sont rémunérées ».        

    Claire, une jeune fille de 35 ans d’origine Congolaise est la présidente d’un groupe appelé «Tendance vacances». Ce qui sous-entend les «filles de classe supérieure». Ces dernières sont placées sous un abonnement et payées par mois par les clients dont la plupart sont des Libanais, les expatriés, les artistes etc.       

    A en croire la dame Claire, l’abonnement est pris par le client après l’exhibition d’une fiche d’analyse de sang à l’hôpital. Histoire pour ce dernier d’avoir le cœur net par rapport à la sérologie de sa proie. Linda, (une Nigériane de 19 ans), l’une de ces filles de joie de Claire, avoue: « je préfère les Libanais parce qu’ils connaissent la valeur de notre métier. Ils sont des sponsors de classe». Pendant la période des vacances, plusieurs jeunes filles, des élèves, et des étudiantes en général, qui quittent divers pays pour rendre visite à une sœur, tante, cousine et autres relations, se lancent également dans cette activité. A l’abri des regards indiscrets. C’est le cas d’Oumou, une fille âgée de 18 ans qui passe en terminale cette année. «Je suis venue à Bamako pour mes vacances dans l’intention d’avoir quelques sous auprès de ma grande sœur pour ma scolarité. Mais à ma grande surprise, elle me fait comprendre que je suis assez grande pour exercer ce métier la prostitution. Dès lors, pour ne pas mettre fin à mes études, j’ai suivi ses conseils», raconte-t-elle. A la différence de la dame Oumou qui a échappé belle, elles sont un nombre important de jeunes filles qui sont contraints de se livrer au plus vieux métier du monde, pour atteindre un objectif.    

    Sali, est originaire de Ségou, après son baccalauréat, elle a mis le cap sur Bamako pour continuer les études. Mais une fois dans la capitale, loin des parents, elle a été contrainte à s’élancer dans le commerce du sexe pour subvenir à ces besoins.    Oumar un enseignant de lycée, à qui nous avons posé la question de savoir pourquoi sa fréquentation des filles de joie au niveau du Halles de Bamako ? Il nous confie : « après ma formation à l’ENSUP et à peine que j’ai commencé à travailler, mes parents m’imposèrent une femme du village. Un choix que j’ai refusé. Mais ces derniers m’ont fait savoir qu’ils allaient me renier. Un ami à moi, qui est un habitué des filles de joie m’a proposé à plusieurs reprises de faire un tour avec lui. A fausse d’inciter j’ai accepté sa proposition. C’est ainsi que ce jour là, il m’a présenté une jeune camerounaise ». Avant de poursuivre : « j’avoue que depuis ma vie de couple, je n’ai jamais su que dans l’amour il y a de l’art. Mais en cette nuit là, j’ai compris pourquoi mon ami fréquentait ces filles de joie. Des vraies professionnelles du sexe ». Il ajoute : « depuis ce jour là, quand je me sens stressé, je fais un tour au dehors pour me déstresser, car à vraie dire, ma femme malgré que cela fais 10 ans que nous sommes ensemble, je n’éprouve pas de sentiment pour elle, car je ne l’aime pas comme je voudrais puisqu’on me l’a imposée… ». Ce récit est sujet à discussion. Comme dans tout commerce, la concurrence est rude dans les rues entre les prostituées. En ces temps si, les plus sollicitées sont les élèves et étudiantes maliennes qui sont rentrées dans la danse. Elles envahissent les coins chauds de la capitale.    

    Chrystelle, une ressortissante du pays des hommes intègres raconte : « depuis qu’elles sont sur le terrain, nous n’avons plus la paix, car ces dernières ont pour la plupart des amis policiers ou gendarmes. Pour  la moindre chose, elles font appel à ces derniers qui viennent nous arrêter et nous rançonner ». Kady, une prostituée de 17 ans explique «  j’habite à Faladjé, je viens dans la rue par curiosité. Je suis très capricieuse donc je voudrais imiter les scénarios dans les séries télévisées ». Safi quant à elle se plaint du comportement des nouvelles filles venues dans ce métier que sont les élèves et étudiantes : « elles ont envahi les rues, mais ce qu’elles ignorent, c’est que faire de l’amour est un art et la plupart de leurs clients leur abandonnent car elles sont des novices ». Une situation confirmée par un jeune homme que nous avons rencontré devant la boîte de nuit « Ibiza ». Il dit avoir du goût pour les étrangères car elles sont des professionnelles et n’a aucun regret par rapport aux sous qu’il dépense au cours de la soirée. En plus de cette concurrence que des pros du sexe trouvent déloyale,  certaines filles de joie font savoir qu’elles sollicitent l’aide des marabouts pour se tailler beaucoup plus de clients.   

    Mais ce qui est sûr et certain dans cette pratique, c’est que la couche la plus touchée par le fléau reste les plus pauvres d’entre les pauvres.

     Paul N’guessan

     

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