Et ce gaspillage se fait sans que personne n’en parle. Même ceux qui sont au courant ne l’évoquent pas ouvertement. Mais à Bamako, même les affaires les plus discrètement traitées font l’objet de conversations sous forme de faits divers dans les bars de la place.
Une voiture, sinon plus d’école
Ces derniers temps, deux ministres du Gouvernement et quatre directeurs d’institutions, pourtant très discrets, ont maille à partir avec leurs enfants. A peine atteint l’âge de la majorité, ces enfants en question circulent déjà à bord de voitures qu’ils viennent de se procurer. Quelques temps après, la voiture de marque d’un des ces enfants a été immatriculée, mais elle perdra aussitôt sa plaque minéralogique. Des rumeurs du quartier font état d’une manœuvre de cet enfant visant à tromper la vigilance de ses parents qui commençaient à se poser beaucoup de questions. Les habitants du quartier découvriront un matin que l’enfant du ministre était devenu piéton (sa moto était hors d’usage). Le retrait de la voiture lui a porté un coup si dur qu’il refuse de retourner à l’école si on ne lui restituait pas son moyen de locomotion. L’enfant d’un autre ministre se serait illustré dans l’achat d’une voiture ; comme pour montrer au fils du camarade de son papa qu’il en était capable. Il se serait procuré une petite voiture dont le bruit ne laisse personne indifférent sur son passage. Mais dès que les parents ont été mis au courant, ce dernier perdra également sa voiture, tout comme ce fut le cas du premier. Les deux enfants se promenaient ensemble dans la capitale au volant de leurs « acquisitions » (les voitures) sans que l’on ne sache s’ils les avaient achetées sans l’accord des parents. Les voitures ont été retirées des mains de ces mômes par la manière forte et garées en lieu sûr.
Selon certaines informations, chacune des voitures a été achetée à plus de 3 millions de FCFA. Dès qu’elles ont été saisies, les revendeurs des voitures ont été contactés. Pour se défendre, ces derniers se cachent derrière l’argument selon lequel ils seraient des commerçants et auraient livré les voitures à des personnes demandeuses. Mais avant d’entrer en possession de leurs voitures, il leur a été demandé de rembourser les sommes perçues avec les enfants. Depuis ce jour, on ignore où ils se trouvent parce qu’ils ont disparu dans la nature. Ainsi ils ont livré des voitures à des enfants sans tenir compte de leur âge et de leur situation sociale ! La discrétion avec laquelle ces deux affaires ont été traitées fait dire que les uns et les autres ne tiennent pas à ce qu’elles soient connues du grand public.
Les voitures ne sont qu’un échantillon !
Cette affaire est la goutte d’eau de plus dans le fleuve Djoliba : deux histoires de vol d’argent dans la famille de deux directeurs. Le premier concerne la somme de 4 millions dans la maison du premier et dont l’auteur serait un des enfants de ce dernier. Quant à la seconde histoire, elle était relative à un vol qui porte sur la somme de 1 million par la fille d’un autre directeur. Le phénomène devient de plus en plus récurent. Des enfants de ministres et de directeurs d’institutions ne cessent de concurrencer des enfants d’opérateurs économiques et de nouveaux riches du pays.
Il ne se passe pas un week-end sans qu’on soit témoin de scènes de gaspillage d’argent dans les lieux huppés de la capitale. S’ils ne distribuent pas de billets de banque à des animateurs de maquis encore appelés DJ (Disque joker) juste pour qu’ils chantent leurs louanges au micro, ils achètent de simples bouteilles de bière ou de vin mousseux à des prix dépassant 10 fois leur prix normal. Souvent, ces scènes se déroulent alors que leurs camarades en classe : ce qui signifie qu’ils ont simplement « mis en berne » leurs cours, voire leurs études. La plupart des auteurs de ces actes étant mineurs, ils sont exposés à la tentation de tomber dans la consommation de stupéfiants dont les maquis et boîtes de nuit sont les lieux de circulation et de prédilection.
Qu’en-est-il de l’application de la mesure concernant l’interdiction des mineurs dans les débits de boisson ? Ce qui est certain, c’est que cette mesure ne semble pas concerner ces enfants qui aiment menacer quiconque de le faire embarquer par les forces de l’ordre parce que « mon papa est ministre ou directeur ». A la lumière de ces faits, la question qu’on se pose est de savoir où ces enfants trouvent-ils toutes ces sommes d’argent ? En général, les ministres et directeurs « se recrutent parmi les fonctionnaires du pays. Si les enfants ont pu se servir » sans la permission de leurs parents pour financer leurs parties de plaisir, on se demande combien les parents disposent-ils d’argent et surtout combien peuvent-ils en dépenser par jour ?
Paul N’guessan