Gare routière de Guinée à Djicoroni-para : Plaque tournante du trafic d'armes et de drogue à Bamako

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    L’autogare de Guinée, communément appelée " la guinée place " sise au quartier de Djicoroni para en CIV du district de Bamako est le point de convergence des véhicules de transport de l’axe Bamako-Conakry. Ce coin, devenu aujourd’hui un haut lieu de la délinquance, ressemble finalement à  un farwest américain où les gangs règnent en maîtres absolus et régentent toutes les activités.  En effet, à côté de l’atmosphère ordinaire de gare routière qu’affiche cette place pendant la journée, l’autogare de Guinée se transforme, une fois la nuit tombée, en un véritable maquis à ciel ouvert, qui abrite un marché florissant d’alcool, de cocaïne, de sexe, de chanvre indien, de comprimés barbituriques, etc. Une vraie débauche, dans une sorte de no man’s land où l’on peut se procurer aussi des armes à feu, avec leurs munitions, pour la modique somme de cent mille francs CFA. Qui l’eut vraiment cru?

    Au bas mot, pas moins de trois à quatre bars se disputent la clientèle dans cet espace réduit où se nouent des relations  sordides, avec son lot de business : trafic d’armes, de drogue, prostitution à outrance. Une pratique qui annihile l’effort de modernisation entamé par certaines grandes compagnies de transport de la place, qui ont déjà investi une fortune en vue d’offrir un meilleur cadre aux voyageurs.

    Dans un passé récent, l’autogare de Sogoniko avait défrayé la chronique et plastronnait en tête des gares les plus perfides du Mali, en raison des actes qui y étaient commis. La gare de Sogoniko, pour rappel, s’était illustrée dans la prostitution et l’attentat à la pudeur, qu’on y exerçait dans des proportions inquiétantes. La consommation de stupéfiants et le  trafic de jeunes gens vers  certains pays de la sous-région, pour servir de boys, complétaient ce décor. Toutes choses qui avaient poussé le maire du district de l’époque, feu Badoulaye Traoré, à se lancer dans une grande opération courageuse de démolition des maisons closes et taudis mitoyens à la gare routière, obligeant ainsi les proxénètes et tous ceux qui alimentaient les différents réseaux, à s’éloigner de la gare routière de Sogoniko. Une mesure qui avait été saluée à sa juste valeur par les populations du district de Bamako.

    Selon un responsable de la police malienne dont nous tairons le nom pour garantir sa sécurité et son efficacité sur le terrain: " La drogue est consommée et vendue partout. Outre certains quartiers de Bamako, les gares routières sont pratiquement des zones d’introduction, de consommation à outrance et de trafic de stupéfiants ". En effet, l’autogare de la Guinée ne fait pas exception à la règle. Nous allons nous permettre une petite description des lieux pour amener nos lecteurs à mieux comprendre la déliquescence de la situation. L’autogare se divise en deux grandes parties : le côté cour et le côté jardin.

    L’autogare côté cour et côté jardin

    Lorsque le voyageur ou le simple visiteur y met le pied pour la première fois, il est submergé par l’ambiance ordinaire de la gare, avec son vacarme assourdissant. Les travailleurs des petites et grandes compagnies s’activent, aidés en cela par une kyrielle de rabatteurs (coxeurs) qui rivalisent d’ardeur, en vue de se faire le maximum de clients. Les vendeurs à la criée se débattent et se frayent un couloir à travers cette masse humaine compacte. Jusque-là, rien d’anormal. Mais il faut visiter le couloir des hors-la-loi qui jouxte le stade flambant neuf que vient de construire l’AS Réal de Bamako.

    Cette zone, cest l’autogare côté jardin. Un coin discret.  Tous les actes ignobles qui ne sont pas permis dans la grande cour de l’autogare, en plein jour, ont droit de cité dans cet endroit précis.

    Le spectacle est des plus horribles: des tas d’immondice, des taudis, des hangars de fortune qui ne servent pas seulement à l’activité commerciale. Des gens y ont élu domicile et dorment dans ces abris implantés de façon anarchique. Le trafic de chanvre indien y est très développé. Non seulement on en fume, mais on en vend au petit commerçant qui, après, le ventile à travers la ville. A la devanture d’une cantine métallique brinquebalante, certains jouent aux cartes, tandis que d’autres prennent leur dose de café mélangé à de l’alcool de menthe ou à des barbutiriques.

    Le tout dans un vacarme assourdissant qui s’accommode de la saleté ambiante. L’odeur fétide des ordures cache mal celle du chanvre indien fumé au su et vu de tout le monde.

    Dès que la nuit tombe, on ne reconnait plus la même gare routière. Comme par miracle, le moindre espace vide est pris d’assaut par d’éventuels tenanciers de bistrots. En effet, des bars de fortune sont installés çà et là. Quatre y sont répertoriés, tous en plein air. Trois à l’intérieur de la gare routière, le quatrième donnant directement sur la devanture de l’autogare pour s’étendre jusque sur la voie réservée aux automobilistes. Des stupéfiants, comme l’herbe de cannabis, des comprimés à savoir l’éphédrine communément appelé " quatorze ", le drastin ou " samani ", le diasepen ou " bleu-bleu " y foisonnent. Ces comprimés sont parfois dilués dans du café.

     Cocaïne livrée sur commande

    A en croire l’un des habitués des lieux, à une certaine heure de la soirée, chaque vert de café vendu contient une trace de stupéfiants.  Toujours est-il que dans le registre des substances disponibles, il faut aussi ajouter la cocaïne. Cette substance est à peine visible. Mais nos interlocuteurs nous ont fait savoir que la cocaïne est livrée sur commande et qu’à la gare sa consommation est réservée à quelques rares privilégiés.

    Parmi les ivrognes et les  gangs, se faufilent des jeunes filles de mœurs légères, habillées de jupes et de culottes juste-aux-fesses. La tentation est telle que ces dernières ont l’audace de se signaler au premier venu. La concurrence étant très féroce entre prostituées, certaines se postent à l’entrée de l’autogare alors que d’autres préfèrent s’aligner tout au long du mur de clôture du terrain de l’As Real de Bamako, sur la voie publique pour racoler les usagers.

    Il y a une frange de jeunes filles venues de la Guinée qu’on surnomme Al Qaïda dans le milieu. Elles sont les plus belles et très convoitées. Mais les plus redoutables. Elles sont impliquées dans beaucoup de combines. Elles ont dévalisé plus d’un. Leur zone de prédilection est le centre ville où elles sont logées et nourries par de gros bonnets du pays. Ces derniers ne se rendent compte de leur capacité de nuisance qu’après leur départ. Mais toutes leurs opérations partent de la gare routière de Guinée, où elles sont gérées par des protecteurs qui les mettent dans la premier taxi à destination de Conakry, pour les faire filer en cas de danger.

    Il nous a été rapporté, au cours de nos investigations, que la drogue est acheminée jusqu’à Bamako par de gros porteurs. Elle est  méticuleusement dissimulée dans des pneus de rechange. Cela se fait-il à l’insu des chauffeurs ou sont -ils bien au courant de la cargaison qu’ils introduisent chez nous ? On nous apprend que, le plus souvent, ceux qui trafiquent des devises pour le marché informel du change les cachent aussi dans des pneus. Cela, pour non seulement tromper la vigilance de nos agents, mais aussi pour mettre l’argent à l’abri d’éventuels bandits.

    Un vaste réseau de trafic d’armes

    Avec la somme de cent mille francs CFA, l’on peut se procurer un pistolet automatique et des cartouches. On y trouve aussi des armes de guerre. Celles-ci sont tout simplement livrées sur commande. Il s’agit d’armes qui ont servi dans les théâtres d’opération au Libéria, en Sierra Léone et en Guinée Bissau. Qui sont ceux ou celles qui alimentent ce réseau ? Un doigt accusateur est porté sur des femmes d’origine libérienne.

    Elles font jouer leur relation pour entretenir ce réseau. Dès qu’un preneur se présente et dont la discrétion  ne souffre d’aucun problème, on fait la commande. Ces armes passent par la Guinée pour aboutir à Bamako, à travers des itinéraires de brousse. La question qu’on est en droit de se poser est de savoir : comment les transporte-t-on jusqu’à Bamako?

    Il nous est revenu que ces armes sont amenées jusqu’aux portes de Bamako, à vélo. Les cyclistes, une bonne dizaine de jeunes gens, embarquent le plus souvent au su et au vu de tout le monde  depuis l’autogare de la Guinée, vers le petit soir, à bord d’un muni bus affrété pour la cause et dans lequel ils font aussi embarquer leur vélo. Le voyage  se poursuit jusqu’à Kouremalé, à la frontière entre le Mali et la Guinée.

    Arrivés à cet endroit précis, les vélos sont débarqués et les mystérieux voyageurs disparaissent dans la nature pour se retrouver en territoire guinéen. Sur place, ils chargent leur vélo et font le chemin du retour. Curieusement, on les voit embarquer, mais personne ne les voit jamais arriver à Bamako, à leur retour. Ils ne réapparaissent à la gare routière que pour embarquer de nouveau avec leur vélo. Peut-être que les agents des forces de sécurité parviendront-ils un jour à dénouer ce mystère.

    Des éléments de la sécurité, approchés par nos soins, rassurent que la police veille au grain en menant des patrouilles à l’autogare entre 22  et 23 heures. "  Nous avons besoin de la coopération des usagers de l’autogare. Mais les uns et les autres préfèrent ne pas parler. Le comble est qu’il règne une véritable complicité " a soutenu un policier.

    En tout cas, les plus hautes autorités du pays ont une lourde responsabilité engagée dans cette affaire car les autogares, comme celle de la place de la Guinée, constituent une vitrine pour notre pays. Non seulement elles doivent être propres et saines, mais elles doivent aussi présenter toutes les conditions de sécurité pour les usagers.

    Abdoulaye DIARRA

     

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