« Femmes sans avenir » : Une leçon de vie

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    L’ouvrage d’Hanane Keïta souligne les maux dont souffrent les épouses africaines. Il donne une réponse à certaines cohabitations heurtées.

    « Femmes sans avenir » d’Hanane Keïta, épouse Traoré, est un récit qui met en relief tous les maux de la femme africaine. De l’excision, à la mortalité maternelle en passant par la polygamie, la trahison, l’auteur n’oublie rien. Toutes les souffrances de l’épouse malienne sont décrites de façon simple et compréhensive. Ce livre facile à livre expose des situations vécues par nous tous dans nos familles. La trame du texte est donc facile à comprendre. Le thème de l’excision apparait dès le premier chapitre. L’auteur décrit une scène déchirante qui met e n scène une femme et sa fille de quatre ans blessée dans sa chair intime. L’héroïne déclare : « Je compris que sa fille, âgée de quatre ans, était gravement blessée, qu’elle se vidait de tout son sang ( …). Au moment où j’atteignis la sortie, j’entendis Fatim crier d’une voix stridente. Un cri qui ébranla tout mon être. Je fus saisie d’un dilemme : continuer pour aller payer l’ordonnance ou retourner sur mes pas ? Je retournais… Le même corridor me parut encore plus long. J’avais l’impression d’avoir dépassé la chambre lorsque je vis Fatim, assise sur le lit serrant l’enfant contre elle. (…) La scène était pitoyable : l’enfant n’était plus de ce monde ! ».

    La petite fille vient de succomber des suites de l’excision. Sa grand-mère avait profité de l’absence de sa mère pour la faire exciser. Le comble c’est que la pauvre femme même après avoir perdu sa fille n’a ni le droit de pleurer encore moins de se plaindre. Comme seule consolation on lui demande de ne pas se lamenter parce que c’est son premier enfant. Elle en aura d’autres. En évoquant le thème de l’excision l’auteur vomit toute son indignation contre une pratique ancestrale. Les femmes continuent d’en être victimes, malgré les campagnes de sensibilisation et d’information contre les méfaits de cette pratique. « Femmes sans avenir » c’est aussi la vie d’un couple d’intellectuels : Karim et Kady. Les deux conjoints vivaient en parfaite harmonie et en complicité jusqu’au moment où le mari décida de prendre une seconde épouse. Ainsi commença la descente en enfer d’un couple que tout le monde admirait. Ce couple sans problème avait toujours su faire face aux difficultés de la vie. Le triste jour où les nuages sombres croulèrent sur ce calme foyer conjugal, le malheur arriva par un simple coup de fil. Karim qui avait une mine d’enterrement au milieu des siens devint soudain joyeux. Le doute s’insinua dans la tête de Kady. Elle se posa des questions. Comment en quelques secondes quelqu’un qui boudait tout le monde peut changer d’humeur ? Qui peut-être cette personne qui le rend si jovial, si heureux ? Kady qui n’avait jamais vu son homme aussi heureux est choquée par ce comportement. Très jalouse, elle décida d’engager le débat avec son époux. Comme tout mari qui éveille des soupçons d’infidélité dans l’esprit de sa conjointe, Karim ment à sa femme. Ce fut le début de la routine dans le couple.

    Inefficace. Kady ne se confiait jusque là à personne. Mais elle ira ouvrir son cœur à une tante. Cette conseillère la persuada d’aller consulter un marabout. La principale cause qui pousse sous nos cieux une épouse à aller consulter un marabout a trait à sa vie de couple. Comment préserver cette vie de couple ? Comment réussir à garder son homme uniquement pour soi même ? Cet exercice était inefficace. La preuve ? Le marabout n’avait jamais pu empêcher le mari de la tante de Kady de prendre une seconde épouse. Ce devin n’a rien pu faire pour Kady dont la vie bascula après l’arrivée dans son foyer conjugal de sa coépouse. Petit à petit l’épouse frustrée comprit que son mari lui mentait. Elle se rendit compte de l’évidence : son homme courtisait une autre femme. Karim se décidera enfin à annoncer à sa femme sa décision de prendre une seconde épouse. En le faisant il se fiait à la bonne communication et à l’esprit de dialogue que le couple avait privilégié jusque-là. Dès cette annonce, la vie de notre héroïne a tourné au vinaigre. Elle ne mangeait et ne dormait plus. C’est ainsi que commença la descente en enfer de Kady. Ses tourments lui feront même négliger l’éducation de ses enfants. « Femmes sans avenir » traduit la révolte d’une femme qui refusa de se plier à la polygamie et à la trahison de son mari. Au bord de la folie, Kady commença à entrevoir sa vie sans Karim. Elle refusa catégoriquement de se conformer à ce nouveau mode de vie que son mari lui proposait.

    Dans sa quête de renouveau, sinon de renaître Kady décida de divorcer. Ces quelques phrases témoignent de la souffrance et du désespoir de Kady : « L’avenir sans Karim ? (…) Je voulais renaître à la vie ! J’avais envie de renaître (…) J’étais décidée à prendre tout simplement ma liberté, mon indépendance. Toutefois je ne souhaite à aucune femme de vivre les mêmes tourments, les mêmes souffrances que j’ai vécus. Et je souhaite que les générations futures échappent à cette tyrannie qui est le destin des femmes ». La fin de la belle histoire d’amour, qui tourne mal, est douloureuse. Le roman « Femme sans avenir » traite aussi du thème de la pauvreté. La misère n’est pas seulement économique, elle est également intellectuelle. L’auteur fait allusion aux gaspillages inutiles des femmes lors des cérémonies sociales, notamment, les mariages et les baptêmes. Le livre pose également la problématique de l’immigration sous toutes ses formes. Les causes et les conséquences sont largement détaillées. Le thème de la mortalité maternelle apparaît pour la première fois comme une fatalité. Tout le monde semble se résigner. C’est « Dieu qui l’a voulu ainsi ». Mais l’auteur prouve que la mortalité maternelle est due pour la plupart du temps à la négligence de certains praticiens de la médecine. Mme Traoré Hanane Kéïta fait apparaître clairement que la mortalité maternelle et infantile n’est pas une fatalité. Bien au contraire, elle est évitable : « Elles meurent à cause de la négligence de certains praticiens de la médecine qui n’ont ni amour pour leur métier, ni pour le serment qu’ils ont prêté. (…) La mortalité maternelle et infantile n’est pas une fatalité ». Dans cette belle œuvre littéraire la femme écrivain et militante pour la cause des Maliennes souhaite aux générations futures des épouses d’échapper à cette tyrannie, qui est le destin des femmes. Mais comment ? Le titre du livre est évocateur et accrocheur. Le sort des femmes est sans issue, sans avenir. Mais est- ce réellement le cas ? Le roman « Femmes sans avenir » donne une leçon de vie. Mais il reste un roman. Dans la réalité chaque épouse malienne bâtit son foyer selon sa vision de nos valeurs sociales. Malgré les écueils elle voit l’avenir en rose.

    Le livre est en vente dans les librairies « Ba », de l’hôtel Laico de l’Amitié, de l’hôtel Radisson Blu au prix de 7000 Fcfa.

     

    Mariam A. Traoré

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