Femmes : Diplomées au foyer !

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    Certains maris n’hésitent pas à payer le prix fort juste pour que leurs épouses détentrices de diplômes restent à la maison.

    Depuis quelques années, la proportion des femmes qui travaillent dans notre pays ne cesse de progresser. Pour pas mal de couples, cette mutation sociale suppose une remise en question fondamentale des rôles traditionnels. L’image du couple s’est profondément transformé. Les Maliennes sont de plus en plus actives. De plus en plus ce travail correspond aux aspirations profondes de la femme en même temps qu’à une nécessité financière. Ce changement a fait naître des tensions ou même des conflits nouveaux dans la vie quotidienne de certains couples sur le plan matériel et affectif. Plusieurs maris n’hésitent pas à payer le prix fort juste pour que leurs épouses restent à la maison. Mais jusqu’à quand ? Nous avons plusieurs fois tenter de répondre dans cette page des femmes à certaines questions. Comment concilier la vie de couple et le travail ? Comment les conjoints acceptent-ils leurs métiers respectifs ? Quels sont leurs réticences et leurs sujets d’insatisfaction ? Les réponses à ces questions ont permis certainement à plusieurs couples de mieux comprendre leurs problèmes et de les résoudre. Il est vrai que dans notre société, l’éducation des enfants et les tâches domestiques reviennent à la femme. Ainsi, comme l’exigent nos us et coutumes la prise en charge de la famille au plan financier et matériel est réservée à l’homme. Si l’on tient compte du critère financier, le travail de la femme devrait représenter un soulagement pour l’homme, une décision positive à encourager.

    Mais malheureusement, ce n’est toujours pas le cas, car d’autres facteurs interviennent. Longtemps le travail salarié de l’épouse a été perçu dans notre pays comme une preuve de l’incapacité du chef de famille. Il n’est pas rare d’entendre aujourd’hui certains hommes dire : « on n’y arriverait pas sans son salaire, mais dès que j’aurai une augmentation, elle arrêtera de travailler ». C‘est la démonstration que les hommes sont rares qui tirent une fierté du fait que « madame est salariée ». Cette honte inavouée des hommes est aussi reflétée par cette pensée : « ma femme ne travaille plus, elle n’en a plus besoin. Je gagne assez pour deux ». Dans la mentalité de la plupart des gens, le travail de la femme signifie que l’homme a failli à l’un de ses devoirs les plus élémentaires. A cette culpabilité s’ajoute une certaine jalousie qui peut provoquer des réactions d’un autre âge. Bref, tous ces arguments prouvent qu’il existe encore des chefs de famille qui malgré les avancées remarquables dans le domaine du genre dans notre pays, préfèrent que leurs épouses restent au foyer. Dans ce dessein, ils n’hésitent pas à payer le prix fort. Dans la majorité des cas, cette catégorie de maris proposent à leurs conjointes de cesser de travailler. En revanche ils s’engagent à leur payer l’intégralité de leur salaire. Les exemples sont nombreux. Malheureusement, très souvent le contrat est rompu au détriment de la femme. Plusieurs femmes travailleuses au bureau qui ont accepté ce choix de leur mari l’ont regretté. Elles sont nombreuses à recommencer à travailler. Les raisons de cette déconvenue sont expliquées par quelques femmes dont le réveil a été brutal. Sata. D est un cadre supérieur de la place. Elle a fait des longues études et travaillait dans une grande entreprise.

    CINQ ANNEES. Après deux ans de carrière notre interlocutrice s’est mariée avec un riche entrepreneur. Ce dernier la dissuada après la naissance de leur premier enfant de rester à la maison pour s’occuper de ce petit trésor. « Je devais rester à la maison pendant une année avant de reprendre mon travail. J’ai obtenu une disponibilité d’une année » explique S.D. Elle ajoute que tout avait bien commencé. Au bout d’une année, quand notre interlocutrice a voulu comme prévu reprendre son travail son époux s’y opposa catégoriquement. Il soutenait que la place de la femme était au foyer non le contraire. Pour convaincre définitivement notre interlocutrice son mari lui proposa de lui verser l’intégralité de son salaire chaque mois, primes et indemnités comprises. Sata D accepta la proposition. « Au début je l’avoue, j’étais heureuse car j’étais payée pour ne rien faire » avoue-t-elle. La sédentarité au foyer va commencer à attaquer son moral. Se prélasser tous les jours dans le salon l’avait rendue morose. L’épouse diplômée, empêchée d’exercer un emploi, a vécu cinq années cloîtrée au foyer. Un jour son époux entrepreneur décidera de convoler en secondes noces avec une femme travailleuse. « Il m’a expliqué que cette dernière allait comme moi arrêter de travailler » se souvient –elle. La surprise de notre interlocutrice a été grande le jour où son mari est venu lui annoncer qu’il a décidé que sa deuxième femme continuera à travailler. Mais la première devait continuer à garder la maison pour s’occuper de la famille.

    Pour justifier cette décision le mari avança que la première épouse devait jouer le rôle de veille sur la famille. Elle s’occupera désormais du bien -être et de l’épanouissement de toute la famille. Au cours de la discussion « Il m’a lancé que j’étais suffisamment payée par lui pour assurer ce service » souligne Sata. Elle n’avait d’autre choix que de se plier à la décision de son époux. Ce mari décevant n’avait pas terminé de la surprendre. Il est de nouveau revenu à la charge. Cette fois-ci, il annoncera à sa femme qu’il n’est plus en mesure de lui payer l’intégralité de son salaire le coût de la vie étant cher. Cette goutte d’eau fera déborder le vase. La patiente et épouse modèle Sata D se rebiffa contre ce coup de Jarnac. Elle fit la proposition suivante à son mari : ou il continue de lui verser comme prévu l’intégralité de son salaire ou elle recommence à travailler. « Il m’a menacé. Si j’ose faire ce que je dis il va divorcer. Un beau matin je me rappelle très bien c’était un jeudi j’ai pris mon courage à deux mains. Je suis allée voir mon ancien patron » relate-elle. Ce dernier lui conseilla d’aller chercher un emploi dans une autre entreprise. Le poste qu’elle avait occupé était affecté à une autre femme. Le niveau professionnel de Sata lui facilita l’obtention d’un emploi ailleurs. Elle commença comme bénévole dans cette entreprise dont elle est actuellement salariée. Les femmes travailleuses bon gré, mal gré se plient à la volonté du conjoint ingrat qui a opté pour la solution facile : le chantage et la menace pour arriver à leurs fins. Les principes moraux de convivialité, le sens de la responsabilité et du devoir sont carrément gommés. Ces maris butés mettent la pression par tous les moyens pour convaincre leur malheureuse épouse à céder à la loi du plus fort. Le calvaire de Fatou C gestionnaire actuellement dans une entreprise bamakoise a duré longtemps. Cette dame d’une quarantaine d’années a commencé à travailler il y a tout juste deux ans. Elle nous narre les raisons de ce retard. Fatou C avait accepté de ne pas travailler selon le choix de son époux. Cet homme avait les moyens de prendre en charge sa petite famille. Un jour le destin du chef de famille bascula. Il a perdu son emploi. Il restait plus à la maîtresse de maison que de se lancer à la quête d’un boulot stable.

    Après une année de recherche Fatou C décrochera un emploi qui paye bien. Son conjoint qui était resté au chômage plusieurs mois aura la chance de se voir offrir un emploi. La bête qui sommeillait en lui se réveilla. Il demanda à sa femme de démissionner de son poste pour s’occuper uniquement de son foyer. L’épouse refusera catégoriquement. « Je me souviens parfaitement de ce qui nous est arrivé quand il était au chômage. On trouvait à peine à manger, mes enfants qui étaient tous inscrits dans des écoles privées avaient tous été transférés à l’école publique » se rappelle Fatou. Elle regrette les années perdues sans travailler. Nous donnerons la parole aux hommes dans notre prochaine édition pour mieux éclairer nos lecteurs sur une question complexe qui provoque des divorces au Mali.

    Mariam A. Traoré

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