Avec des faux billets de banque, il n’a pas hésité à acheter des béliers à l’occasion de l’Aïd-El Kébir. Mais la providence veillait sur le commerçant de bétail.
C’est un constat général. Les fêtes populaires du genre Tabaski sont des occasions pour les malfrats de sévir. Ils agissent ainsi tout simplement parce qu’ils tiennent coûte que coûte à passer une « très bonne fête », comme on le dit. Au même moment, ils feignent oublier qu’ils prennent le risque de passer par la case prison, voire s’exposer à un lynchage en pleine rue.
Mohamed Koné et Yamoussa Sidibé, les deux héros de cette histoire ont, certes, échappé à un lynchage. Mais ils croupissent dernière les barreaux avant de comparaître devant des juges pour « contrefaçon et utilisation de faux billets de banque ». Ces deux individus viennent de tomber dans les mailles des filets des hommes du commissaire divisionnaire Sory Keïta en charge du commissariat de police du 1er arrondissement pour les infractions sus citées.
C’était à quelques jours seulement de la fête de Tabaski ou « fête du mouton » que la communauté musulmane de notre pays vient de célébrer il y a quelques semaines. Ce jour-là, aux environs de 20 heures, le trentenaire Mohamed, informaticien de son état, s’est présenté chez un certain Seydou Sagara, commerçant de bétail relativement bien dans le milieu.
A l’occasion de cette fête, cet homme disposait de plusieurs dizaines de têtes de béliers qu’il voulait écouler. Lorsque Mohamed arriva au marché, il trouva Seydou débout aux côtés de ses animaux quelque part, dans les environs de l’école publique de Kalabancoura, en Commune V du district de Bamako.
Face au commerçant de bétail, Mohamed exprima son besoin d’acheter neuf moutons sur place. Devant une telle opportunité, le vendeur ne perdit pas de temps pour engager le marchandage avec ce client un peu particulier.
Les deux ne tarderont pas à convenir sur 980.000 Fcfa à payer pour l’acquisition des bêtes choisies par le client. Et tout est allé vite. Sans même broncher, Mohamed paya cash.
Les animaux ainsi achetés ont été embarqués dans une Toyota 4×4 double cabine qu’il avait amenée pour la circonstance. Sans même perdre le moindre temps, une fois qu’il avait les bêtes entassées à l’arrière de son véhicule, le client redémarra en trombe devant le commerçant de bétail visiblement aux anges.
Mais le commerçant semblait avoir oublié de faire ce qu’il aurait dû faire avant le départ de son client. Juste peu de temps après que ce dernier se soit éloigné, le vendeur de moutons a eu la présence d’esprit de vérifier les coupures de billets de banque avec lesquelles le nommé Mohamed est venu faire ses achats.
Au cours de la vérification, il se rendra compte que son client lui avait filé des fausses coupures de billets de banque, non pliées. Autrement dit, il avait acheté les neuf moutons avec des faux billets de banque. Et lorsque le commerçant s’en est aperçu sur place, il a failli tomber en syncope, selon nos sources.
Néanmoins, il est parvenu à maîtriser ses émotions. Il se donna un temps de réflexion avant de se lancer à la recherche de l’indélicat client qui vient d’acheter neuf béliers d’un seul coup. Le commerçant de bétail savait que cela n’était pas gagné d’avance. Il commença alors à prier de tout son cœur, Dieu le Tout Puissant, pour qu’il puisse mettre la main sur cet homme qui vient de partir avec ses animaux en échange de faux billets de banque. Heureusement pour lui, ses prières avaient été entendues par le Tout Puissant.
Le faussaire Mohamed était tombé dans des problèmes juste lorsqu’il avait pris la route pour partir avec les moutons. Par malheur, il avait fait un accident de la circulation en cours de route au niveau du quartier Garantiguibougou, un quartier voisin de l’endroit même où il avait acheté les neuf animaux.
Pendant qu’il cherchait à se frayer un chemin pour disparaitre de la circulation, son véhicule avait cogné celui d’un autre usager en pleine circulation. Comme un malheur vient rarement seul, le conducteur victime a demandé l’aide des policiers de CCR (Compagnie de la circulation routière) en faction à ce niveau pour faire un constat sur place. C’est là que les choses ont commencé à tourner au vinaigre pour l’indélicat acheteur de moutons.
Au même moment, presque à bout de souffle, le commerçant de moutons qui le recherchait depuis des minutes, était de passage à l’endroit précis où l’accident a lieu. C’est ainsi qu’il est tombé sur le client indélicat. Lancé en pleine discussion, celui-ci était en train d’en découdre avec les policiers à côté de l’autre usager victime de l’accident. Dès qu’il a vu Mohamed, le commerçant n’a pu que remercier Dieu d’avoir exaucé ses vœux. Aussitôt les événements ont pris une autre tournure en pleine circulation devant des passants éberlués.
Dans la foulée, le vendeur d’animaux s’est approché des policiers pour leur relater les faits dont il venait d’être victime de la part de cet homme impliqué dans cet accident de véhicule quelques instants plus tôt. Les policiers ont prêté une oreille attentive à ce que le commerçant de bétail disait.
Sans perdre de temps ils ont coincé l’homme pour le conduire dans les locaux du commissariat cité plus haut. C’est en ce moment que le capitaine de police Robert Diakité, chef de la brigade des recherches dudit commissariat a pris les choses en main pour tirer cette histoire de faux billets au clair. Entre-temps, le problème d’accident a été mis en veilleuse, le temps de clarifier l’affaire de faux billets.
Interrogé sommairement, le suspect a reconnu les faits qui lui sont reprochés. Il en a profité pour dévoiler la façon dont il s’est retrouvé dans cette histoire de fausses coupures de billets de banque.
C’est ainsi que les investigations des limiers ont permis de mettre la main sur son complice, un certain Yamoussa Sidibé, avec qui Mohamed dit avoir acquis les faux billets de banque. De fil en aiguille, au cours de leurs enquêtes le capitaine de police Diakité et ses hommes ont découvert que la source de ces faux billets remontait jusqu’au Nigeria, pays dans lequel Yamoussa aurait, au cours d’un récent séjour, acheté une certaine quantité de fausses coupures de billets de banque. Au moment de son interpellation, Yamoussa détenait encore la somme de 530.000 F cfa, de billets de banque.
Preuve qu’il évoluait dans l’usage du faux. Les deux ont été déférés devant le parquet du Tribunal de grande instance de la Commune III du district de Bamako pour être fixés sur leur sort. Ils auront peu de chance de s’en sortir, car les preuves de leur implication crèvent les yeux.
Yaya DIAKITÉ