Ayouba se croyait en sécurité après avoir quitté la capitale pour se réfugier à Bla. Il avait mal calculé.
Les événements exceptionnels ont ceci de particulier : ils secrètent de tout. Aussi bien des actes de bravoure et de dévouement que d’incroyables bassesses. L’on trouve des personnes capables de sacrifier une situation personnelle confortable pour venir en aide à de parfaits inconnus. Tout comme on rencontre des opportunistes qui n’hésitent pas une seconde à abuser de la naïveté ou de la faiblesse d’autrui pour se remplir les poches. La crise qu’a traversée pendant un an et demi notre pays a elle aussi favorisé ces deux types de conduite. Autant il s’est rencontré des personnes généreuses, courageuses et désintéressées, autant il s’est vu de vrais profiteurs, capables du cynisme le plus complet.
Le plus souvent, le second type d’individus rôdait autour des étrangers venus nous apporter leur aide et nous manifester leur solidarité. Pour les malfaiteurs, les nouveaux venus, constitués la plupart du temps par des travailleurs humanitaires, étaient de véritables « trous à sous » qu’il faut dépouiller rapidement avant qu’ils ne s’habituent au pays et deviennent plus méfiants. Des mésaventures désagréables sont donc arrivées à ces hommes et à ces femmes qui n’imaginaient se faire prendre dans le filet des bandits, dont certains surveillaient tous leurs faits et gestes durant plusieurs semaines avant d’agir. C’est un des cas malheureux qui fait l’objet de notre histoire du jour.
La victime, ressortissant d’un pays partenaire du nôtre depuis bien avant l’éclatement de cette crise est arrivé au Mali il y a de cela quelques mois. Il était venudans le cadre d’une mission humanitaire et se nommait Békir S. Comme le faisaient la plupart des missionnaires, il se chercha et trouva un logement à un prix abordable dans un de ces nombreux hôtels de la rive droite de Bamako. Il y logera plusieurs semaines durant. Ce que notre humanitaire ignorait c’est le fait qu’un personne mal intentionnée surveillait ses moindres faits et gestes depuis le jour où il avait élu domicile à l’hôtel en question qui sans être mal famé se trouvait dans un quartier populaire. Comme le font la plupart des voleurs aguerris, celui qui avait tout particulièrement ciblé S. ne se pressa pour passer à l’action. Il a, comme le dit la formule célèbre, préféré donner du temps au temps pour pouvoir opérer à coup sûr.
APRÈS UNE TRES LONGUE OBSERVATION. Dans le vol perpétré aux dépens de ce missionnaire, un détail troublant s’impose. Et il est de taille. C’est le fait que le voleur sera identifié par la suite comme étant l’un des employés de l’hôtel même où résidait la victime. Le jeune homme en question se nomme Ayouba C. et il est âgé d’un peu plus de la trentaine. Après avoir commis son forfait, il prit la poudre d’escampette pour aller se réfugier à Bla. C’est là que se terminera sa course. Il sera mis aux arrêts suite aux différentes informations que les gendarmes se sont échangé concernant cette affaire. Une affaire qui a commencé à Bamako en début du mois d’octobre dernier. Ce jour là, le missionnaire comme à son habitude se réveilla tôt. Il prit sa douche et commença à se préparer pour aller vaquer à ses affaires au centre-ville. Il ignorait à ce moment que son futur voleur avait décidé après une très longue observation de passer à l’acte. Il sentait que l’humanitaire rassuré par son séjour prolongé à l’hôtel, séjour au cours duquel il n’y avait eu aucune alerte, était devenu moins vigilant dans la sécurisation de ses affaires. L’employé pouvait d’autant plus facilement perpétrer son forfait qu’il s’était procuré le double des clés de la chambre de sa future victime. Personne ne l’avait vu s’emparer du précieux trousseau qui allait lui permettre d’entrer sans effraction.
Ayouba « se mit au travail » dès qu’il se fut assuré que S. avait bien quitté l’hôtel. Seul dans la chambre à coucher avec sa conscience, il se mit à fouiller dans les affaires de l’étranger. Et tomba soudain pile sur le portefeuille du client négligemment fourré au fond d’un sac. Ayouba n’en crut pas ses yeux quand il vit les liasses de billets de banque craquant neufs. Le tout en euros. Le voleur s’empara d’une somme estimée à 9.120 euros (plus de 5.980.000 FCFA). Il la fourra dans une de ses poches et remit le porte-monnaie à sa place. Il sortit de la chambre à coucher sans rencontrer âme qui vive.
Le butin était suffisamment important pour que Ayouba ne prenne pas le risque de se faire prendre en restant sur place. Pour lui, fuir n’était peut-être pas la solution idéale, mais c’était la moins mauvaise de toutes celles qui lui traversaient l’esprit. Il prit donc la tangente et décida d’abandonner carrément Bamako. C’était à son avis la manière la plus efficace de brouiller entièrement les pistes. C’est ainsi qu’il alla se réfugier à Bla. Dans ses calculs, il s’était suffisamment éloigné du lieu de son forfait et se trouvait en totale sécurité. Il ne lui restait plus qu’à rester tranquille jusqu’à ce que retombe l’émotion suscitée par le vol. Malheureusement pour lui, il devait vite déchanter.
LE TOUT EN EUROS. Sa victime après avoir constaté le vol qui venait d’avoir lieu dans chambre, alla déposer illico une plainte contre l’hôtel où il résidait. Immédiatement, policiers et gendarmes contactés ont ouvert une enquête. Au cours celle-ci, ils seront informés de la présence de l’employé voleur de l’hôtel dans la localité ci-dessus citée. Ils prirent contact avec leurs homologues de Bla. Sans tarder ces derniers se mirent à la recherche du jeune homme. Leurs efforts seront couronnés de succès le 17 octobre dernier dans la journée. Ce jour là, aux environs de 14 heures 30, le commandant de la brigade territoriale de la gendarmerie de Bla, le major Mohammed Lamine Ould Mohamed qui pilotait l’enquête reçut un appel anonyme. Son interlocuteur du bout du fil l’informait du lieu où il pouvait trouver le jeune employé qui avait commis le vol dans un hôtel à Bamako. Sans perdre de temps, le major et ses hommes interpellèrent l’homme. Les vérifications de son identité feront savoir aux pandores que le jeune homme était natif de Bobo-Dioulasso (Burkina Faso) et se trouvait domicilié à Kati Koko (à 15 kilomètres de Bamako).
Escorté par les gendarmes, le jeune Ayouba sera conduit dans les locaux de la BT de Bla. Là, il fut soumis à un interrogatoire au terme duquel il se mit à table. Il a déclaré être effectivement employé de l’hôtel en question sis dans un quartier populaire de la capitale. Avant même l’interrogatoire, les fouilles avaient permis de révéler qu’il avait un porte-monnaie sur lui, contenant divers billets de banque en euros. Interrogé sur la provenance de cette somme, le jeune Ayouba n’a pas cherché à se disculper. Il a avoué l’avoir soustraite frauduleusement des bagages d’un client.
Les pandores pouvaient conclure une affaire pour laquelle leurs investigations avaient été rondement menées. Ils firent venir le travailleur humanitaire jusqu’à Bla pour l’entendre à son tour. C’était aussi une manière pour eux de procéder à une confrontation dans le but d’établir toute la vérité. Cette dernière étape se passa au mieux. L’humanitaire Békir S. a pu apporter la preuve que la somme volée dans ses bagages à Bamako était bien celle retrouvée à plusieurs centaines de kilomètres de là et qu’elle lui appartenait effectivement. Les gendarmes lui ont restitué son bien, recevant en retour la marque de sa gratitude et surtout ses félicitations pour la rapidité avec laquelle l’affaire avait été dénouée.
Quant au jeune voleur employé de l’hôtel, il médite actuellement sur son sort à la maison d’arrêt de Bla.
Bakary Keïta
AMAP/Bla
i kéita,mr le journliste !
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