Pour satifaire aux caprices de son épouse, un homme n’a trouvé de mieux que de lui offrir un complet basin qu’il a volé chez des amis empeseurs.
Les anecdotes liées aux basins riches dans notre pays sont nombreuses. Elles parlent de vol, d’arnaque. Elles font la part belle aux escrocs. Ces malicieux ponctionnent quotidiennement les marchandises des teinturières, des couturiers, des vendeurs de cette étoffe précieuse. Ils vont se le procurer même chez les empeseurs.
Les tissus basin sont devenus en un temps record l’habillement préféré des Maliens et particulièrement des femmes. Il y a unanimité sur le fait que le basin est entré dans nos mœurs. L’offre sur le marché le confirme. Du coup, ce sont des dizaines de petits métiers qui ont vu le jour et prospèrent dans le domaine. Vendeurs, teinturières, tailleurs et stylistes se frottent les mains.
Ce tissu est importé généralement d’Allemagne, d’Autriche ou de la Chine. Le basin est particulièrement recherché pendant les fêtes traditionnelles et les cérémonies de réjouissances sociales. Ce tissu constitue un véritable baromètre. Il détermine la place de celui ou de celle qui le porte dans la société. Il visualise son assise financière et matérielle. Ce tissu connaît un grand succès dans notre pays et dans la sous-région.
La qualité du basin malien a traversé nos frontières grâce à l’agilité et au savoir-faire d’une catégorie d’opérateurs communément appelés les batteurs. Il s’agit des empeseurs. Ces ouvriers vivent de la force des poignets. Ils sont installés près des grands centres de teinture ou à l’intérieur des quartiers ou sous des hangars de fortune. Leurs bicoques résonnent nuit et jour de coups saccadés ou cadencés qu’il assènent aux tissus nouvellement teints. Pour les rendre brillants et craquants.
Ces derniers temps les empeseurs de basin, désignés sous d’autres cieux sous le vocable font l’objet de critiques de la part de certaines de leurs clientes. Des lots de basin devant être empesés sont souvent abîmés, échangés ou même perdus. Ils sont même souvent victimes de vols et contraints dans certains cas de rembourser le prix de l’habit ou le complet qui leur a été volé. Pour éviter certaines surprises désagréables, la plupart des empeseurs ont institué le système de reçus.
La cliente ou le client amène son lot d’habits à battre, l’empeseur compte soigneusement le nombre de pièces contenues dans le colis, évalue le prix et remet le reçu à l’interssée.
Malheureusement ce ne fut pas le cas de l’empeseur de notre recit d’ajourd’hui. Une semaine avant la fête de Tabaski, Madame Mariam a apporté un lot de tissus basin chez le batteur du quartier. L’ouvrier, sans ouvrir le colis donna rendez-vous à sa cliente dans les deux jours qui suivent. Mariam également n’eut pas la présence d’idée de dire à l’empeseur le nombre de complets qu’elle venait de déposer.
Comme prévu, elle est revenue deux jours plus tard récupérer son colis. Comme le jour de remise de habits, Mariam ne se donna pas la peine de contrôler si tous ses habits étaient là. Elle se contenta de payer le prix que lui fixa l’ouvrier, prit son lot d’habits et s’éloigna Des jours passèrent, des semaines aussi sans qu’elle ait pris soin de défaire le colis pour s’assurer que tous ses habits étaient au complet.
Au lendemain de la fête de Tabaski passée, Mariam décida de porter un de ses basin riches bien teinté et bien brillant. Un boubou qu’elle adore particulièrement. En défaisant le colis elle remarquera l’absence de son complet bleu brodé de fil rouge. Elle ne crut pas à ses yeux. La pauvre dame fouilla les coins et les recoins de la maison sans succès. Elle fit mettre ses aides-ménagères sous surveillance afin de se rassurer que ce n’est une d’entre-elles qui lui a fait ce mauvais tour. Mais hélas ce ne fut pas le cas. Elle finit par s’en remettre à Dieu. Un climat de crainte et de suspicion s’installa dans la famille.
ENVAHIE PAR LA COLERE. Comme on dit chez nous « le tout Puissant veille sur ce qu’il y a dans l’œuf et sur les plumes de la poule qui le couve ». Le samedi passé, alors qu’elle était assise devant la porte de sa concession un couple (un homme et une femme) apparement heureux vient passer devant elle. La femme portait un enfant au dos. Elle salua chaleureusement Mariam avant de continuer son chemin. Tout de suite Mariam fut tiquée par l’habit que portait la dame. Elle remarquera, qu’en plus de la couleur bleue, le tissu est brodé de la même façon et avec le même fil rouge que son basin disparu. Mariam ne parvint pas à se contenir. Elle interpella le couple. « Excusez-moi ! Madame, vous avez un joli complet », fit-elle, avant d’être envahie par une très vive colère. Puis sans prendre le temps de souffler, elle continua: « où avez vous eu ce complet ? » demanda-t-elle.
La dame répondit sans hésiter « C’est mon mari qui me l’a offert à l’occasion de la fête de Tabaski passée. N’est-ce pas chéri ? ». Et l’inconnue se tourna vers son époux pour recevoir la confirmation de ce qu’elle venait de dire. Ce dernier tout troublé répliqua d’une voix craintive: « oui, c’est moi qui ai acheté ce basin brodé pour ma femme. Y a t-il un problème ? ». Mariam répondit « Oui ! Ce basin m’appartient. Je ne sais où ni comment tu l’as eu, mais c’est qui est sûr, c’est qu’il est à moi ».
Choquée par la réaction du couple, Mariam cria pour faire appel aux autres membres de sa famille. Tous, dès le premier regard, crièrent « c’est bien ton basin que tu cherchais depuis quelques temps ! Non ?. »
Le mari de la dame incriminée répondit « j’ai acheté ce basin à Ségou pour ma femme, allez chercher le vôtre ailleurs ». Ces allégations ne plurent pas à Mariam et aux autres membres de sa famille. Ils proposèrent aussitôt à l’homme de se rendre ensemble au commissariat du 5ème arrondissement.
Cette perspective n’a pas été du goût de l’homme. Il proposera de gérer la situation à l’amiable. Il demanda à rencontrer le mari de Mariam en privé. A ce dernier il expliquera qu’il a volé effectivement l’habit en question chez des amis empeseurs. Il allait tuer le temps auprès de ces ouvriers. Il ajouta qu’il avait agi ainsi parce que sa femme lui faisait vivre des misères pour avoir "ses habits" de fête de la tabaski.
Ces explications, bien que convaincantes, n’emballèrent pas le mari de Mariam. Il pria le voleur de le conduire chez l’empeseur en question. Ils embarquèrent pour le lieu indiqué. Sur place les empeseurs reconnurent le voleur comme étant effectivement un camarade. Ils confirmèrent que l’homme venait souvent bavarder avec eux. Mais ce qu’ils ignoraient, ce que celui qui se faisait passer pour leur ami n’était qu’un vulgaire voleur.
Sans perdre de temps, Mariam accompagna le voleur et sa femme chez eux pour récupérer son habit. L’homme compromis se mit à supplier Mariam et son mari qui voulaient porter plainte contre lui. Il parvint à obtenir leur clémence. Mariam finit par avoir pitié de la femme. Elle lui offrit en cadeau le complet basin qui lui allait d’ailleurs à merveille.
Ainsi prit fin une histoire qui a failli tourner au vinaigre. Le couple avait eu la chance de tomber sur des gens au bon cœur.
Doussou DJIRE