Fait divers : Unis jusque dans la mort

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    Deux enfants Mahawa Bagayogo et Abdoul Karim Sy sont nés à deux jours d’intervalle. Et sont morts le même jour dans de circonstances étranges.

    Le destin est souvent cruel. Ce ne sont pas les familles Bagayogo et Sy à Badadialan II en Commune III du District de Bamako qui diront le contraire. Les Bagayogo et les Sy sont des voisins qui vivent en parfaite harmonie. Les enfants de la famille Bagayogo sont toujours les bienvenus chez les Sy et vice-versa. En 2008, la Providence a gratifié les Sy d’un garçon. Il sera nommé Abdoul Karim. Deux jours plus tard, les Bagayogo ont vu l’arrivée de la petite fille Mahawa Bagayogo dans leur foyer. Les deux enfants étaient comme des jumeaux et personne, dans les deux familles, ne faisait de grande différence entre eux. Ayant grandi ensemble, les deux mioches sortaient tout le temps ensemble et passaient le plus clair de la journée à jouer ensemble.

    Jeudi dernier, le chef de la famille Bagayogo acheta un joli mouton pour la fête de Tabaski. La petite Mahawa toute contente de l’animal de fête qui venait d’arriver dans la cour demanda à ses parents l’autorisation d’aller informer son ami de l’arrivée du bélier. La permission lui fut accordée et elle sortit toute joyeuse pour apporter la bonne nouvelle à son camarade. Elle l’invita à venir voir l’animal. Les deux mioches sortirent et se rendirent chez les Bagayogo. Ils tournèrent longtemps autour de la bête avant de sortir ensuite à l’insu des autres membres de la famille. Ils se dirigèrent vers une vieille voiture garée devant un atelier de tôlerie. Le véhicule avait été parqué là par son propriétaire qui avait l’intention de refaire la tôlerie et la peinture. Pour des raisons d’espace, le garagiste Adama Diakité, avait déplacé le véhicule vers le marigot dans un endroit visible à partir de son atelier. Les deux enfants arrivèrent près de la voiture et sans aucune peine l’ouvrirent pour y pénétrer avant de refermer la portière derrière eux. Il était sûrement peu avant midi.

    La chaleur de ces derniers temps étant étouffante, les deux amis commencèrent à transpirer et personne dans les deux familles ne pensa à les chercher. Chez les Sy, on avait la conviction que le petit garçon se trouvait avec sa petite camarade. Chez les Bagayogo également on croyait fermement que Mahawa était dans la famille voisine. Personne donc ne s’était donné la peine de les chercher jusqu’à la fin de la prière du vendredi. Au retour de la mosquée des parents, le père du petit Abdoul Karim Sy le chercha et, ne l’ayant pas vu, il envoya quelqu’un le chercher chez les Bagayogo. Là également le garçon et son amie étaient absents. L’alerte fut ainsi donnée et les recherches ont commencé. On fouilla dans les environs et dans toutes les chambres des maisons des deux concessions avant de se résoudre à élargir le champ de recherche. Puis, tout d’un coup, une personne évoqua le nom d’Allah avant de crier que les deux enfants étaient dans la vieille voiture devant l’atelier de Diakité le tôlier. Les parents, les amis et les voisins accoururent pour sortir les deux gamins qui étaient visiblement très mal à l’aise. On tenta d’ouvrir la porte mais elle était coincée de l’intérieur et il fallut l’intervention du propriétaire de l’atelier même pour faire céder les portières.

    Les deux enfants ne se sentaient pas bien. Ils transpiraient beaucoup et avaient même commencé à se déshydrater. On les sortit avec beaucoup de peine pour les évacuer d’urgence à l’hôpital Gabriel Touré. Le garçon décéda en cours de route. Les parents continuèrent en accélérant davantage pour sauver la fille. Elle était déjà inconsciente. Quelques minutes après son admission aux urgences du centre hospitalier universitaire, elle rendra l’âme comme son camarade. Les corps des deux enfants furent alors déposés à la morgue et les parents invités à aller à la police pour une réquisition à un docteur et un ordre d’enlèvement de corps. Les deux chefs de famille se présentèrent chez le commissaire Abdoulaye Coulibaly adjoint au commissariat du 2e Arrondissement de police communément appelé « Poudrière » pour les documents demandés. Le policier demanda alors ce qui s’était passé. Les deux parents très éprouvés lui firent un compte rendu succinct de la situation. Le commissaire Coulibaly décida alors de se rendre sur les lieux pour établir un constat. Là, il se fit raconter différentes versions par plusieurs personnes. Ayant fait la synthèse de toutes les versions, il délivra une convocation au tôlier et remit une réquisition à docteur pour les parents. L’ordre d’enlèvement des corps surviendra plus tard. Les résultats donnés par le médecin légiste sont surprenants à plus d’un titre : mobilité anormale du cou pour les deux enfants.

    Fracture cervicale pour la petite Mahawa Bagayogo. Egratignure sur la lèvre inférieure et ecchymose au-dessus du sein droit pour le garçon. Au vu de ces résultats, le commissaire Abdoulaye Coulibaly, tout comme son chef, le contrôleur général Madi Fofana n’avaient d’autre choix que d’ouvrir une enquête. Comment les enfants s’étaient-ils introduits dans le véhicule alors même que le tôlier Adama Diakité a affirmé que les portières étaient fermées ? Qui avait intérêt dans la mort des deux gamins ? Avaient-ils été affaiblis avant d’être jetés dans la voiture ? Comment la fracture cervicale de la petite était-elle survenue ? Les deux enfants ont-ils été blessés dans leur tentative de sortir du guet-apens dans lequel ils s’étaient fourrés ? Autant de questions auxquelles les éléments du 2e arrondissement de police tentent de répondre depuis la mort pitoyable des deux gamins. Mais qui resteront sûrement longtemps sans réponses quand on sait que dans notre pays la collaboration avec les services de police n’est pas une vertu très partagée. Il faut rappeler que ce n’est pas la première fois qu’un accident de ce genre survient dans le même quartier. Il y a quelques années, au milieu des années 90, trois enfants étaient retrouvés morts dans les mêmes circonstances et dans le même secteur. Paix à leurs âmes à tous.

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