La jeune dame était prête à tout pour garder la poule aux œufs d”or. Même à l”usage de faux.
rn
rnL”amour, dit-on, rend aveugle. L”histoire que nous vous proposons constitue une confirmation supplémentaire de cette vérité. Débutée en novembre 2006, elle aurait pu connaître son épilogue depuis plusieurs mois si l”un des protagonistes n”avait pas pendant longtemps refusé d”admettre l”évidence. Ce protagoniste est un homme dénommé Aliou Kanté, jeune commerçant très en vue dans le milieu des affaires à Faladié.
rn
rnPendant plusieurs années, il a vécu une idylle apparemment sans nuages avec la belle Ami Konaté. Aliou Kanté possédait, aux yeux de la jeune fille, deux grandes qualités. Il était aisé (son commerce de pièces détachées lui apportait de solides revenus) et il était généreux. Ayant eu le coup de foudre pour cette superbe créature, le jeune businessman s”efforçait de la retenir par tous les moyens possibles et portait la main au portefeuille, chaque fois que la jeune fille exprimait un vœu, voire tout simplement un caprice.
rn
rnAmi ne se privait pas d”exploiter cette prodigalité et n”était jamais à court de stratagèmes pour soutirer de l”argent à l”homme. Mais comme le dit le proverbe, tant va la cruche à l”eau qu”à la fin elle se casse. Ami commença à sentir à un moment donné une certaine lassitude de son amant. Elle décida alors d”user d”une arme qu”elle gardait en réserve depuis un bout de temps. Elle connaissait un des plus grands chagrins de Alou. Ce dernier, bien que marié depuis plusieurs années, courait toujours derrière le bonheur d”être père. Son amante décida donc de jouer sur le désir d”enfants que son compagnon avait exprimé à plusieurs reprises.
rn
rnLe 30 novembre 2006, elle se rendit à la clinique Kabala pour y faire une échographie. Le docteur Boubacar Diarra, le spécialiste maison qui procéda à l”examen, rendit un diagnostic sans ambiguïté. Il établit un document écrit qui constatait l”absence de grossesse chez Ami. On aurait pu croire notre jeune dame effondrée par cette nouvelle. Mais le papier qu”elle avait obtenu était destiné par elle à une autre fin. Ami Konaté se rendit dans un centre de santé de référence de la ville où, avec l”aide d”un employé de la structure, elle fit scanner la signature et le cachet du docteur Diarra pour les transférer sur un faux document d”analyse établissant cette fois-ci un début de grossesse, remontant à douze semaines.
rn
rnUne pluie d”ordonnances : Ami se précipita donc pour annoncer la "bonne nouvelle" à son amant à qui elle montra les résultats de la fameuse échographie. Inutile de dire que l”idée de devenir père provoqua chez Alou une indescriptible euphorie. Il annonça à tous ses parents, amis et proches qu”il aurait sous peu une merveilleuse petite fille. Ami se félicita de la réussite de son plan et jugea qu”elle pouvait désormais passer sans danger à la vitesse supérieure. Ce qu”elle fit avec une belle détermination. Il ne se passait pas de semaine sans que la jeune fille ne présentât une ordonnance à son amant. Le "futur père" dépensait l”argent sans compter pour le traitement et les visites médicales. Il était d”autant plus motivé pour le faire que sa mère, mise au courant de l”état de Ami, avait conseillé à son fils de ne pas lésiner sur les dépenses en faveur de la mère de sa future petite-fille.
rn
rnLes choses s”étirèrent ainsi pendant des mois. Le terme de la grossesse était épuisé sans que l”heureux événement ne se produise. Alou, qui au début s”inventait des raisons de ne pas être inquiet, finit par émettre de sérieux doutes sur l”état de sa copine. Il lui demanda finalement de lui apporter le premier diagnostic et lui fit faire une autre échographie par un de ses amis médecins. Les résultats furent sans équivoque. Ami n”attendait pas d”enfant. Alou Kanté commença par le plus pressé : ouvrir les yeux à sa propre mère qui ces derniers mois ne jurait plus que par le nom de Ami. La vieille ne fut pas facile à convaincre, tant était enracinée en elle l”attente du bébé. Mais elle finit par admettre que son fils avait été victime d”une grossière escroquerie.
rn
rnAlou consulta ensuite ses amis sur la conduite à tenir. Ces derniers lui conseillèrent de porter l”affaire à la police. Kanté ne montrait pas un enthousiasme excessif pour cette solution. Il était partisan de se séparer purement et simplement de son amante. Cependant un ami policier lui conseilla de ne pas laisser tomber aussi facilement cette histoire. Car elle avait un fond délictuel. Le policier décida donc d”ouvrir une enquête. Il appela le Dr Diarra au téléphone et les deux hommes tombèrent d”accord sur un rendez-vous fixé à 14 heures au commissariat, le même jour qui était un vendredi.
rn
rnComme une tentative d”intimidation : Le docteur se présenta à l”heure convenue et ne trouva pas sur place le commissaire, parti pour la pause de la mi-journée. Boubacar Diarra n”apprécia pas du tout ce faux-bond qu”il considérait comme le signe d”une attitude plus que désinvolte à son égard. Il voulut donc s”en retourner aussitôt à son cabinet, pour, dit-il, s”occuper de ses patients. Un commissaire stagiaire lui demanda de rester, le temps que revienne son chef hiérarchique. Le docteur accepta, mais à contre-coeur.
rn
rnLorsque le commissaire arriva, il expliqua au praticien le fond de l”affaire. Boubacar Diarra demanda à voir le document qu”il aurait signé de sa main le 30 novembre 2006. Après l”avoir regardé soigneusement, il indiqua aux enquêteurs que le cachet et la signature étaient bien les siens, mais que le texte manuscrit établissant les résultats de l”échographie n”avait pas été rédigé par lui. Il releva même dans les formules utilisées des incongruités dont il ne pouvait en aucun cas être l”auteur.
rn
rnLa manière précise dont le docteur avait analysé le document et en avait démonté les faiblesses convainquit les enquêteurs qu”ils se trouvaient en présence d”un faux, délibérément commandé par Konaté à des fins d”extorsion de fond. Pour finir de convaincre les policiers, le docteur Diarra les invita à le suivre à sa clinique pour jeter un coup d”œil au registre des consultations. Deux jeunes commissaires l”accompagnèrent donc et purent constater que dans ledit registre, la mention "pas de grossesse" était bel et bien portée devant le nom de la patiente n° 7 du 30 novembre 2006. Les deux policiers conseillèrent alors avec insistance au toubib de porter plainte contre la jeune fille.
rn
rnMais le p
raticien ne suivit pas ce conseil. Il avait très modérément apprécié la manière dont on l”avait fait attendre au commissariat et il avait très peu goûté les plaisanteries que les deux jeunes commissaires avaient fait sur le confort sommaire de son cabinet. Le docteur Diarra considéra donc comme une tentative d”intimidation l”obstination des policiers à le voir entrer dans une confrontation avec Ami Konaté. Il décida de prendre conseil auprès de l”Ordre des médecins du Mali et l”Association des médecins libéraux. Ces deux structures lui conseillèrent de réagir par un communiqué écrit.
rn
rnMais le médecin jugea qu”il n”y avait pour lui aucune nécessité d”en arriver à cette extrémité. Il a préféré nous relater toute cette affaire. "Si je viens à vous, c”est pour que les gens et surtout les jeunes médecins sachent les risques que certains patients peuvent nous faire encourir en trompant notre bonne foi", nous a expliqué le médecin. Le propriétaire de la clinique Kabala, le docteur Djédi Kaba Diakité, adhère à la démarche de son collègue. Pour lui, les policiers ne devraient pas exercer une pression indue sur un médecin qui se soucie avant tout de s”occuper de ses patients.
rn
rnDe leur côté, les deux jeunes policiers regrettent que le docteur Boubacar Diarra, qui est en âge d”être leurs oncles (son neveu est d”ailleurs de leur promotion), ait pris leurs plaisanteries pour un signe de discourtoisie et une forme d”intimidation. Les policiers reconnaissent que leurs blagues n”avaient pas été du meilleur goût, mais se défendent d”avoir tenté de pousser le praticien à entrer en guerre contre son ex-patiente.
rn
rnQuant à Ami Konaté, elle a complètement disparu de la circulation. Son téléphone ne répond plus et elle a quitté la concession familiale. Elle s”est sans doute rendu compte que sa cupidité lui avait fait franchir la frontière qui sépare le mensonge banal du délit de faux et d”usage de faux. Délit qui peut lui coûter cher, si la police lui met la main dessus. Il reste à savoir jusqu”où peut se prolonger la cavale de la dame. Assez loin si l”on en juge par la peur qui semble l”habiter.
rn
rnG. A. DICKO
rn
“