En mission cartographiqee, deux géologues maliens et leur chauffeur sont enlevés non loin de Kita à la frontière guinéenne et maltraités par des hommes en armes.
Un incident est intervenu récemment à la frontière avec la Guinée lors des travaux de réalisation de la "cartographie géologique et de la prospection des fouilles de Sirakoro et Bafing-Makana" du projet SYSMIN. Une mission d”ingénieurs géologues de la Direction nationale de la géologie et mines (DNGM) s”était alors rendue à la frontière guinéenne pour des travaux de prospection. Les deux agents de la DNGM, Lassina Goïta et Adama N”Golo Traoré, sont partis de Bamako à bord d”un 4X4 conduit par Boubacar Kéîta. Les trois hommes se sont rendus à Sirakoro dans la zone à cartographier, située sur le territoire malien. Parvenus à destination, ils demandent au chauffeur de les attendre le temps d”inspecter le terrain à prospecter.
PEINE PERDUE.
Les géologues relèvent les coordonnées du point de rendez-vous dans leur GPS pour ne pas se perdre dans la nature. Après le travail, ils reviennent donc vers le véhicule. A leur grande surprise, pas plus de véhicule que de chauffeur à l”endroit prévu. Plus tard, ils sauront que le 4X4 et son conducteur ont été enlevés par quatre militaires guinéens armés de Kalachnikov. Ces derniers, selon le récit du chauffeur des géologues, se sont adressés à lui en des termes menaçants: "haut les mains, au moindre geste nous te tuerons. Tu es un vagabond, un brigand. Tu es sur le territoire guinéen. Prends le véhicule et on y va !".
Le chauffeur tente de les convaincre de ne rien lui faire. Il leur explique qu”il n”est pas un malfaiteur, mais simplement un chauffeur affecté à des géologues qui travaillent en ce moment dans la brousse. Peine perdue. Malgré toutes ses explications, il ne sera pas compris. Pas écouté, certainement. Les militaires le conduisent dans un village proche sensé être en territoire guinéen. Les hommes en arme tirent à balles réelles dans toutes les directions certainement pour impressionner leur prisonnier qui est soumis à un rude interrogatoire pour savoir ce qu”il faisait sur "le territoire guinéen". Pour convaincre la troupe surexcitée, le chauffeur exhibe sa carte d”identité puis son permis de conduire. Ces papiers ne font pas le moindre effet sur les soldats. Le chauffeur est déshabillé, ligoté et maltraité.
Il faut dire que le témoignage des villageois n”a pas arrangé les affaires du "prisonnier". Ils assurent qu”ils connaissent ce chauffeur qui a dépouillés à une date récente des trafiquants guinéens de toutes leurs marchandises. Les paysans suggèrent de l”exécuter sans autre forme de procès. Heureusement pour le "condamné", les géologues sont arrivés à ce moment. Ils ont suivi les traces de leur véhicule jusqu”au village situé à environ trois kilomètres de l”endroit où ils avaient quitté leur chauffeur. A la vue des ingénieurs, l”un des militaires s”est dirigé vers eux en braquant son fusil et en hurlant : "vous êtes en état d”arrestation !". Les arrivants furent, en effet, arrêtés et conduits manu militari, entourés par la troupe et les villageois auprès des autorités locales guinéennes.
Sans ménagement, les géologues seront alors soumis à un interrogatoire par le chef du poste de gendarmerie de la localité. "La zone où le véhicule était stationné fait-elle partie du territoire malien où du territoire guinéen ?", questionne-t-il. L”un des géologues répond que "d”après la carte et les coordonnées que nous avons, la zone où le véhicule était stationné se trouve sur le territoire malien". Le chef de poste de gendarmerie n”est, évidemment, pas d”accord avec ce point de vue car, indique-t-il, sa section a la garde de la zone depuis des années. A aucun moment, il ne leur a été signifié que cette partie était malienne.
NOUVEL INTERROGATOIRE.
Les militaires finissent par décider que le problème ne peut être résolu à Tombalé mais dans la localité de Niagassola en Guinée. Les "prisonniers" y seront reçus par un capitaine de l”armée guinéenne, le sous préfet étant en mission. Le chef de poste de Tombalé a relaté les faits à l”officier pour justifier l”interpellation des géologues et de leur chauffeur.
Ceux-ci subissent un nouvel interrogatoire. Les géologues expliquent, pièces justificatives à l”appui, la raison de leur présence dans la zone. Les ordres de mission auraient, logiquement, du suffire à lever tout équivoque sur leur moralité et convaincre de la véracité de leur mission.
Le capitaine guinéen reste pourtant sceptique et envisage, un moment, de conduire ses prisonniers à Siguiri. Mais après réflexion, il finit par les libérer. Les géologues sont escortés par des militaires jusqu”à la frontière, contre la volonté de la population de Tombalé qui, furieuse, voulait les lyncher et brûler leur véhicule.
Une des victimes de cette histoire, un agent de la DNGM, a tenu à attirer l”attention des autorités maliennes sur le fait avéré qu”ils ont été enlevés sur le territoire malien et non guinéen. Les coordonnées de la zone de stationnement du véhicule, relevées sur le GPS, prouvent, en effet, que l”endroit se situe bien à l”intérieur des limites territoriales maliennes.
Faut-il croire dans ce cas que les militaires guinéens interviennent, de bonne ou de mauvaise foi, sur le territoire malien ? À l”évidence une clarification s”impose avant qu”une simple méprise ne dégénère en incident frontalier.
Mh. TRAORÉ
L”Essor du 23 juillet 2007
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