Fait divers : Tension à Sirakoro Dounfing

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    La chefferie du village revient depuis toujours aux Niaré. Aujourd’hui leur autorité est contestée, créant ainsi une situation inédite explosive.

    Dans notre pays le respect de la chefferie est une tradition bien ancrée dans nos valeurs depuis des siècles. Dans certaines localités du pays (villages, hameaux, bourgades etc.) selon une règle non écrite, le statut de chef du village est détenu par seule famille de génération en génération. Et cette régence peut durer plusieurs décennies. Du fait de cette situation dont bénéficie la famille régnante, elle ne se fait généralement pas de souci pour la gestion des affaires du village. Car le chef est convaincu qu’après sa mort la succession à la tête du village ne peut ou ne saurait être assurée que par un des siens. Généralement avant de mourir, le chef du village désigne un successeur. Cela se fait avec, plus ou moins, l’assentiment des populations du village. Souvent il arrive que le successeur désigné pour régner sur le village ne fasse pas l’unanimité au sein des populations pour telles ou telles raisons. Souvent, il en résulte des « oppositions » à la famille régnante qui perd petit à petit tous ses privilèges. Et, dans la foulée on n’hésite pas à désigner un autre, cette fois-ci d’une autre famille. Ce qui fait naturellement des mécontents du côté de la famille qui a régné des années durant sur les destinées du village. Celle-là se sentira lésée et blessée dans son honneur. Le camp adverse ne respecte plus aucune décision venant de l’autre, en tout cas pour tout ce qui concerne la gestion du village. Les deux camps cohabitent difficilement et se regardent en chiens de faïence. Et il suffit d’un rien pour que la situation dégénère en conflit fratricide aux conséquences imprévisibles. Le différend nécessite souvent l’intervention des autorités du pays pour remettre de l’ordre dans le village. Notre histoire du jour porte sur un fait similaire qui s’est déroulé à Sirakoro Dounfing. Un quartier périphérique de la commune III du district de Bamako.

    Le vendredi 2 février aux environs de 11 heures, deux hommes se rendirent au commissariat du deuxième arrondissement pour expliquer leur mésaventure. Le plus âgé est un septuagénaire du nom de Souleymane Niaré. Il affirme être le premier conseiller du chef de village de Sirakoro Dounfing. Selon lui, Sirakoro Dounfing est un village vieux comme la terre de ce pays. Le village aurait été dirigé depuis des siècles par un membre de la famille Niaré. « A Sirakoro Dounfig le rôle de chef de village a toujours été détenu par la famille Niaré depuis nos grands parents », explique notre interlocuteur. Pour le moment le dernier qui a régné sur le village est un certain Fâh Niaré qui vient de décéder en mars dernier. Un membre de la famille du nom de Lassine Niaré le succéda. Ce dernier est le treizième chef de village de Sirakoro Dounfing. Le jour de son intronisation, (le 15 janvier dernier) ce fût une grande fête dans tout le village. Des autorités communales et certains partenaires du village auraient même pris part à la cérémonie. Après l’intronisation de Lassine Niaré commencèrent les problèmes. Un groupe de gens que nous n’avons pas pu identifier commença à contester le nouveau chef de village. Ces frondeurs auraient même proposé un autre villageois de leur camp. Ce dernier n’est pas un autochtone du village. Il serait arrivé dans le village vers la fin des années 1980.

    Selon toujours nos sources, le groupe en question incitait les populations à la désobéissance au chef en récusant son autorité. Mais les Niaré en aucun moment n’ont réagi. Bien au contraire, ils continuent d’ailleurs à soutenir leur « chef » malgré tout. Cette situation dura pendant un bon moment. Les populations vivaient dans une certaine psychose et redoutaient que la situation ne se détériore d’avantage entre les deux camps. Mais en aucun moment les autorités de tutelles n’ont été mis au courant de ce qui se passe à Sirakoro Dounfig. La goûte d’eau qui déborda le vase a été un don de matériel destiné au village. Il y a quelques semaines, le village a reçu un don. D’habitude, nous explique-t-on, tous les dons qui viennent au nom du village atterrissent d’abord chez le chef de village, les Niaré. Mais pour cette fois-ci ce ne fût pas le cas. Au lieu de passer par le chef de village officiellement intronisé, le don est tombé entre les mains du camp adverse. Les esprits commencèrent à s’échauffer et les deux camps étaient prêts à en venir aux mains. « Nous ne savons pas comment cela est arrivé. D’habitude tous les dons que nous recevions passaient par le chef de village officiellement reconnu de tous. Mais cette fois nous ne savons pas pourquoi il a été détourné au profit de ceux qui ne jouent pas ce rôle dans notre village », s’est interrogé notre interlocuteur.

    Apparemment confus dans cette situation, celui-ci pointe du doigt les autorités communales qui font l’intermédiaire entre le village et ses partenaires pour la réception de dons. Ensuite, le chef de village et ses conseillers organisent une cérémonie officielle de réception de don. Au commissariat où nous l’avons rencontré, son téléphone ne cessait de sonner. Au bout du fil un correspondant lui décrivait la situation sur le terrain et lui à son tour rendait compte aux policiers. Qui tentaient de le calmer en le rassurant de tout mettre en œuvre pour que la situation ne dégénère pas. Sur le terrain, à Sirakoro-Dounfing où notre équipe de reportage s’est rendue, il y’ avait plus de peur que de mal. Les populations vaquaient normalement à leurs affaires. Au niveau de la mairie de la commune III d’où relève le village, nous n’avons pas pu accéder au maire pour connaître son point de vue sur la situation. Il serait débordé par le « travail » et son programme ne le permettrait pas de nous recevoir. Toutefois, l’attitude de Souleymane Niaré, que nous avons rencontré au commissariat du deuxième arrondissement, prouve qu’il y a une tension latente à Sirakoro Dounfing. Et si rien n’est fait pour désamorcer la crise, elle pourrait exploser à tout moment.

     

    Mohamed Traoré

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    1 commentaire

    1. Souvant quand la famille du chef est pauvre,certains qui pensent avoir de l’argent essayent de renverser la chefferie,pusqu’ils ont le moyen financier avec la complicite des autoritees communales.Qu’Allah aide les Niares a garder leur trone.

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