Fait divers : Petite meprise

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    La péripatéticienne avait hâtivement jugé son client à l”aune de ses propres travers. Elle s”était trompée.
    Le phénomène de la prostitution prend de l”ampleur dans la capitale. Pour s”en convaincre, il suffit, la nuit, de faire un tour de ville. Des jeunes filles, en tenues légères, jalonnent les artères principales de certains quartiers chauds de Bamako.

     Dans les rues, les maisons closes se signalent soit par des enseignes clinquantes et multicolores qui flashent le passant.

    Sous le couvert de bars ou d”auberges, les maisons closes côtoient des habitations au coeur des quartiers populaires de la capitale. Cette proximité gêne les chefs de famille, témoins impuissants de la débauche à leur porte.

    Les anecdotes ne manquent pas sur les spectacles vécus. Il se raconte que la maison d”un haut cadre de l”administration, faisait face à une maison close en Commune V. Chaque soir, le pauvre était contraint de fermer sa porte et d”interdire à ses enfants de sortir. Ce chef de famille a fini par baisser la garde par lassitude. Il ne pouvait rien contre le déferlement des jeunes filles en tenue provocante sur les trottoirs. Il en avait assez, par ailleurs, avant de pénétrer chez lui, de croiser souvent certains de ses collègues en galante compagnie. Ces épicuriens ne se doutaient pas que la maison en face du bar appartenait à une connaissance. Notre haut cadre a décidé de mettre sa maison en vente et de quitter le coin.

    A Bacodjicoroni, un couple a cru bien faire en alertant la justice des activités immorales qu”abritait une villa cossue contiguë à sa maison. Cette habitation, louée par des étrangers, sert d”hôtel de passe à des filles mineures accrochées au bras d”hommes ayant l”âge de leurs pères et même de leurs grands-pères. Le geste de bonne volonté de la prude famille est resté sans suite.

    BIRIBOUGOU.

    Ces commentaires sur l”ampleur de la prostitution à Bamako servent juste d”introduction à une histoire qui s”est déroulée mercredi dernier à Sogoniko. Comme les lecteurs assidus de cette rubrique le savent déjà, dans ce quartier de Bamako, existe un endroit connu sous le nom de "Biribougou". En langue bambara, "Biribougou" signifie "l”endroit où l”on se baisse". Mais les habitués du lieu savent que le sobriquet est le nom de code d”un sordide marché de l”amour tarifé. Les noctambules y rencontrent des prostituées en plein air. Ils payent le prix de la passe et la femme s”appuie contre un mur pour le service rétribué.

    "Biribougou" n”est pas électrifié. C”est une ruelle qui longe les côtés Est et Nord de la gare routière de Sogoniko. Les amateurs de sensations fortes se camouflent dans la pénombre pour héler des jeunes femmes et des adolescentes à la recherche d”une clientèle. L”endroit est sale et l”atmosphère est oppressante. Les déjections, les restes d”aliments en décomposition dégagent une odeur pestilentielle qui rend l”air lourd et irrespirable. Ni le bourdonnement des moustiques, ni le bruit des moteurs pétaradant sur la voie express, ne dérangent les couples, tout à leur occupation.

    C”est dans ce monde trouble que Fati, une jeune fille de nationalité burkinabé, exerce le plus vieux métier du monde. Elle "travaille" en compagnie de Maliennes, de Guinéennes et de ressortissantes des pays anglophones de la sous-région.
    Dans la nuit du 25 au 26 septembre, Fati dont les charmes sont loin d”être fanés, rencontre Xavier à "Biribougou". L”homme est un Malien de l”extérieur venu passer ses vacances à Bamako. Il a préféré loger dans une auberge de la place. Arrivé depuis trois semaines, il refuse obstinément de déménager dans sa grande famille. Ses parents ont insisté pour le loger, mais il a refusé.

    TENAILLÉ PAR LA FAIM.

    Xavier est un sportif. Tous les jours entre 18 et 19 heures, il longe l”avenue de l”Union africaine. Il effectue parfois des excursions à l”intérieur des quartiers. Ce jour-là, c”est en revenant de son footing que le hasard mit Xavier sur le chemin de la jeune Fati. Il la salua et discuta avec elle pendant quelques instants. Il l”invita à le retrouver à son hôtel un peu plus tard, lorsqu”il aura achevé de prendre un bain. Fati donna son accord. Peu de temps après, elle le rejoignit. Le jeune homme ne passa pas par mille chemins. Il demanda directement à son hôtesse combien coûtait une nuit en sa douce compagnie. Elle répondit 10.000 Fcfa sans marchandage. Xavier accepta le prix et l”invita à se mettre à l”aise. Fati ne se fit pas prier et se jeta sur le lit. Et la nuit commença comme convenu.

    Vers minuit, le jeune homme fut tenaillé par la faim. Il sortit et revint avec des victuailles qu”il partagea avec Fati. Puis ils s”endormirent profondément jusqu”au petit matin. A 5 heures, comme d”habitude, Xavier se mit en tenue de sport et sortit sans avertir la jeune fille qui ronflait encore. Il ne reviendra de sa séance de footing qu”aux environs de 8 heures. Fati n”était plus là. Elle s”était réveillée vers 6 heures. Ne voyant pas Xavier, elle crut qu”il avait abusé d”elle et s”en était allé sans payer. Elle ne prêta même pas attention aux affaires de son client soigneusement rangées dans une armoire.

    Elle jeta un regard autour d”elle et ne vit que 2000 Fcfa déposés sur une tablette. Elle prit la somme et sortit chercher un taxi. Lorsqu”elle en trouva un, elle mit le cap directement sur le commissariat de police du 10è arrondissement à Niamakoro, Cité UNICEF. Elle expliqua son problème au poste et porta plainte contre Xavier. Des agents se rendirent à l”auberge et cueillirent le vacancier dans son bain. Ils le conduisirent au commissariat. A son grand étonnement, Fati l”y attendait très remontée contre lui. Quand il la salua, elle répondit qu”elle était à la police pour récupérer son dû.

    Sans autre forme de procès, Xavier sortit 10.000 Fcfa qu”il remit à l”agent en lui expliquant que son intention n”était pas de la tromper. Mais qu”il est quelqu”un qui croit fort aux vertus du sport. Il était sorti pour effectuer son jogging matinal. Puisque la jeune fille dormait profondément au moment où il quittait la chambre, il n”avait pas jugé nécessaire de la déranger. Le policier n”eut qu”à remplir les formalités et à remettre l”argent à Fati.

    Désarçonnée sûrement par l”honnêteté du jeune homme, la jeune fille prit l”argent, le plia en deux puis le déchira avant de le jeter dans sa bouche. Elle mâcha longtemps le billet et l”avala. Les policiers, pris de cours, n”avaient rien compris du geste de Fati. Croyant avoir affaire à une folle, les agents la prièrent de quitter les lieux. Elle se couvrit les cheveux et s”en alla, la tête baissée.

    Xavier présenta ses excuses aux agents, quitta à son tour les locaux de la police et regagna son hôtel. Cette mésaventure lui servira de leçon. Il ne jettera plus son dévolu sur la première sirène rencontrée dans les rues de "Bamako by night".

    G. A. DICKO

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