Seydou avait tous les attributs d’un garde national. Y compris un numéro matricule.
L’inspecteur Papary Sanogo vient de mettre le grappin sur l’un des plus grands usurpateurs du pays. L’homme qui vient d’être arrêté s’appelle Seydou Traoré. Il se faisait passer pour un agent de la Garde nationale. Il possède tous les attributs de ce corps, réputé l’un des plus disciplinés de notre pays. L’audacieux Seydou, en plus de la tenue et des galons de garde national, s’est attribué un numéro matricule authentique mais appartenant déjà à un vrai agent. Seydou Traoré résidait auparavant dans la région de Kayes où il poursuivait des études dans une école publique. En 2009, il écrivit une lettre à son père pour lui annoncer qu’il venait de passer au concours de la Garde nationale. Le vieux le félicita et lui fit des bénédictions. Peu de temps après cette première lettre, l’élève informa son géniteur qu’il était à Markala, où il suivait la formation de base. La réponse du père lui arriva sous forme d’encouragements et de félicitations. Après cette dernière lettre, Seydou ne fit plus signe de vie. Son père répondait à quiconque lui demandait la position de son fils qu’il se trouvait en service du côté de Markala.
Puis un matin, le jeune homme est apparu dans la famille portant un sac -à – dos, une tenue militaire, des bottes et un galon de soldat. On organisa une petite fête en son honneur. Tous les voisins de sa famille furent invités. Seydou Traoré distribua le pécule qu’il a apporté à tous les proches. Il demanda en retour des bénédictions le jour de son départ de sa famille, après un mois de congé supposé. Une nouvelle fois, le jeune ne donna plus signe de vie. Les siens pensaient qu’il avait été affecté à un poste très éloigné où le problème de réseau se posait avec acuité. D’ailleurs c’était ce qu’il leur avait fait croire avant de partir. Mais en réalité Seydou s’était rendu à Ouéléssebougou où il lia amitié avec les gendarmes. Il les fréquentait comme un frère d’armes. Il s’était particulièrement lié d’amitié avec l’un d’eux. C’était chez cet ami qu’il prenait les repas. Il dormait même dans la cour de ce gendarme. Un jour il emprunta sa moto pour aller faire une petite course. Il promit d’aller remettre l’engin à son hôte à la gendarmerie. Seydou ne revint jamais de cette course. Le gendarme le rechercha partout. Mais en vain.
Faux garde. La moto du gendarme transporta notre faux garde à Ségou où il la vendit sans état d’âme et sans un regret envers son logeur de Ouéléssebougou. L’inconscient Seydou séjourna dans la capitale des Balanzan pendant un certain temps. Pendant son séjour il se faisait toujours passer pour un agent de la Garde nationale. Lorsque des soupçons commencèrent à peser sur lui, il prit un car pour Bamako. Il atterrit à ATTbougou aux 759 Logements. Dans ce quartier également il se fit passer pour un agent. Mais très vite les gens commencèrent à douter de sa bonne foi et de son appartenance au corps des Gardes. Ayant vite découvert qu’il était sur le point d’être démasqué, Seydou prit son sac-à-dos débarqua chez un autre gendarme dans un autre quartier. Il expliqua à ce dernier qu’il venait d’être affecté dans la capitale. Il voulait passer quelques jours chez lui avant de s’installer.
Le gendarme lui offrit l’hospitalité et le logea dans une chambre munie de toutes les commodités. Seydou se sentait à l’aise. Il sortait le matin et ne revenait que le soir en se donnant l’apparence d’un agent qui a travaillé dur durant une longue journée. A côté de son hôte, Seydou prenait le thé et discutait du corps des porteurs d’uniforme. Le gendarme témoignera plus tard que l’homme avait une bonne connaissance de la Garde nationale et des principes qui régissent les corps habillés. Salutations correctes tous les matins et soirs, tenue toujours bien repassée, Rangers bien cirés et lacets correctement noués. Rien ne pouvait laisser voir que l’hôte du gendarme n’était qu’un faux garde, un usurpateur aguerri. Mais comme on le dit, les habitudes ont la dent dure. Seydou était habitué à tromper la bonne foi de tout le monde, y compris de ses propres parents. Un martin, il emprunta la moto d’un membre de la famille du gendarme qui l’hébergeait et disparut comme ce fut le cas à Ouélessebougou, quelques mois plutôt. Après des jours de recherche, le propriétaire se résolut à porter plainte contre le garde.
Les agents de la brigade de recherche et de renseignements du 13e arrondissement se mirent à ses trousses. Très vite un informateur anonyme permit de localiser Seydou. Mais les policiers ne voulaient pas créer de problèmes à la Garde nationale. L’inspecteur Papary et ses collègues prirent le soin de prendre le maximum d’informations sur Seydou, dont le numéro matricule sous lequel il se présentait à ses victimes. En possession de ce numéro, ils se rendirent à l’état-major de la Garde nationale pour vérification. Les gardes apprirent aux policiers que le numéro matricule dont il demandent l’authentification existe bel et bien. Mais il appartenait à un autre garde encore en service. Poussant la bonne collaboration à un degré très apprécié par les policiers, la hiérarchie de la Garde nationale fit venir le garde national, le vrai, qui répondait au numéro matricule en question. Il fut présenté aux policiers.
L’équipe de Papary venait d’avoir l’assurance de ne pas commettre une méprise en arrêtant Seydou Traoré. Elle se lança à la chasse à l’usurpateur Seydou. Il sera cueilli dans la nuit du jeudi à vendredi dernier. Conduit au commissariat, Seydou réalisa qu’il avait été démasqué. Il demanda aux enquêteurs de la police d’informer son père au village. La brigade de recherche accéda à cette requête. Le père de Seydou, un vieil homme de près de 70 ans, arriva dans les jours qui suivirent son arrestation. Il fut surpris d’apprendre que son fils n’a jamais été incorporé à la Garde nationale. Il a fallu de longues minutes d’explication pour que le vieillard comprenne qu’il avait été grugé par son propre enfant. Le vieux reprit le chemin du village abandonnant le malhonnête dans les mains des enquêteurs du commissaire principal Tokoun Niaré. Seydou avouera qu’il avait acheté tout le paquetage du garde national avec une femme résidant au camp des gardes de N’Tomikorobougou. La femme en question a été entendue sur PV puis relâchée. L’usurpateur de fonction Seydou devait être déféré hier au parquet de la commune. Il apprendra pendant son séjour en taule que n’importe qui ne s’improvise pas Garde national, sans passer par un centre d’instruction.