Fait divers : L''OR de SIGUIRI

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    La quantité de métal jaune était importante : 150 kg. Les négociants européens étaient si pressés de l”acquérir à un prix dérisoire qu”ils oublièrent toute règle de prudence.

    L”or, ce métal précieux, est capable de procurer du bonheur ou d”attirer le malheur sur celui qui en possède. L”or est sacré dans notre culture. Celui qui se l”approprie de façon frauduleuse portera toute sa vie la guigne, selon nos croyances ancestrales. Valeur refuge, l”or est devenu le domaine des belles affaires, mais aussi des coups fourrés. Il attire donc naturellement les adeptes du gain facile. Des escroqueries sur l”or sont monnaie courante dans notre pays connu pour sa richesse en la matière. De nombreux acheteurs ont été victimes des malfaiteurs officiant dans le domaine, parmi lesquels notre héros d”aujourd”hui répondant aux initiales de M.F.

    MENSONGE ÉHONTÉ

    M. F, est un ingénieur agronome à la retraite anticipée. Ce quinquagénaire a fini de dépenser les derniers centimes de ses indemnités de départ volontaire depuis belle lurette. Ne sachant plus à quel saint se vouer pour assurer le "quotidien" de sa famille, M.F. se convertit en opérateur minier pour soutirer de l”argent aux gens.

    Devenu escroc, M.F. se présentait comme le directeur d”une société d”orpaillage basée à Conakry en Guinée. Ce mensonge éhonté marche plutôt bien. Le quinquagénaire indélicat est parvenu à se faire remettre plus de 12 millions par des étrangers vivant au Mali depuis peu. Les Belges F.S. et H.A. qui mènent des activités commerciales et minières sont tombés dans les filets de l”ingénieur à la retraite.

    F.S., 48 ans, est actionnaire dans la société "Sunrise développement mining project" sise à Banankabougou, non loin de la brigade de la gendarmerie. Son compatriote H.A. en est le président directeur général (PDG). Leur société minière existe à Bamako depuis seulement quatre mois.

    F.S. et son co-actionnaire H.A. ont rencontré pour la première fois M.F. à l”hôtel de l”Amitié en décembre dernier. Ils l”ont connu par le biais de Y.G., un autre Belge prospecteur d”or résidant à Dakar. L”ancien fonctionnaire et faux opérateur minier a annoncé ç l”Européen que sa société dispose d”une importante quantité d”or, environ 150 kilogrammes à Siguiri. Quelques jours plus tard les Belges emménagent dans un nouveau siège flambant neuf à Banankabougou. Les deux hommes étaient toujours en relation avec M.F. qui leur rendait régulièrement visite à leur nouveau siège. M.F. est ainsi parvenu à avoir la confiance des deux Belges.

    Un jour, notre escroc se présenta dans leurs bureaux, accompagné de deux hommes, dont un certain Diabaté présenté comme son transitaire. Le nom de son deuxième acolyte doit être tu pour le moment pour les besoins de l”enquête. Avant de déménager, les Belges avaient déjà conclu un marché avec M.F. sur son prétendu stock d”or conservé à Siguiri. Ils s”étaient accordés sur six millions de Fcfa, un montant dérisoire vue la quantité annoncée de métal jaune. Mais au cas où M.F. présenterait un or de bonne qualité, le prix était susceptible d”être renégocié à la hausse.
    Une semaine plus tard, l”ingénieur à la retraite, après avoir écumé les salons de plusieurs hôtels de la capitale pour collecter des données sur le marché de l”or, est venu informer ses "partenaires" de l”arrivée de la marchandise. Elle resterait en dépôt dans un quartier de Bamako. Les Belges et M.F. sont allés sur place constater que le métal en poudre était effectivement disponible. Les acheteurs potentiels ont prélevé un échantillon pour le tester. Le métal se révéla être du bel et bon or.

    M.F. pouvait passer à la deuxième partie de l”arnaque. Il demanda à ses clients de fondre la poudre en lingots en les persuadant que la législation malienne n”autorisait pas l”exportation d”or en poudre. Les Belges n”avaient aucune raison de refuser cette proposition car l”or est plus facile à transporter en lingots. Notre maître escroc réclama deux millions, soit un million de francs par caissette, pour confectionner les lingots. Il reviendra réclamer aux Belges 750.000 Fcfa pour des frais imprévus. Deux jours plus tard, il leur redemande 1.250.000 Fcfa.

    DES BRIQUETTES DE TITANE ET DE BRONZE : L”argent pompé, l”arnaqueur remplira les deux caissettes avec des briquettes de titane et de bronze. Il demandera ensuite aux acheteurs de venir enlever leurs lingots d”or. Les Belges exigèrent que les deux caissettes soient déposées au domicile de leur associé C.L. à Banankabougou. Le transfert fut effectué mais M.F. conserva les clefs des coffrets. Le pseudo transitaire Diabaté se rendra plus tard à la société "Sunrise" réclamer le règlement de 3 millions de Fcfa de "prestations de service". Fatigués de débourser de l”argent, les Belges refusent. Ils prennent son adresse mais lui expliquent que leur société commerciale et minière est déjà liée à un autre transitaire.

    M.F. sentit que le moment était venu de conclure. Il se présenta au siège de la société escorté d”un vieux répondant au nom de Sanogo. Il présenta le septuagénaire comme étant le propriétaire des 150 kg d”or. Les Belges, certainement trop heureux du prix proposé, lui versent sur le champ 12 millions Fcfa, sans vérifier une nouvelle fois la marchandise. La transaction effectuée, les partenaires se quittèrent satisfaits.

    Impatients de découvrir leur bien, F.S. et H.A. ouvrirent alors les caissettes. A l”aide d”un gros marteau et de tenailles, ils firent sauter les serrures et constatèrent que les coffrets contenaient effectivement de les lingots. Les deux hommes examinèrent en professionnels le tas d”or, échangeant leurs points de vue sur la métal jaune contenu dans les caissettes. F.S. jugea la marchandise de bonne qualité. Mais H.A., plus pointu, affichait un visage défait. Il murmura qu”ils s”étaient fait avoir et qu”ils venaient d”acheter du vulgaire titane en lieu et place de l”or.

    Pour en avoir le cœur net, ils décidèrent de faire analyser leur stock de métal jaune par un laboratoire spécialisé. Les résultats ont prouvé que les lingots sont en fait un mélange de titane, de bronze, de cuivre. Les deux Belges ne s”effondrèrent pas pour autant. Méthodiquement, ils se mirent en chasse des fripouilles et finirent par mettre la main sur l”ingénieur arnaqueur.

    Frustrés et furieux d”avoir été grugés comme des bleus, les Belges auraient séquestré l”escroc dans une villa. Ils l”auraient passé à tabac avant de le soumettre à une sévère diète. M.F. aurait ainsi passé des jours sans manger, ni boire. C”est un informateur anonyme qui avertira les policiers du 7è arrondissement de la séquestration de M.F. dans une villa occupée par des Européens à Banankabougou, près de la brigade de la gendarmerie. Une équipe dirigée par l”inspecteur Mamadou Diakité dit Bedos, s”est rendue au lieu indiqué pour des investigations.

    Le reste est ainsi résumé dans le P. V de police : "le 10 janvier 2007, à 11h30, avons été avisés par un coup de téléphone qu”un homme serait séquestré dans une villa occupée par des Occidentaux à Banankabougou, près de la brigade de gendarmerie… A leur retour nos éléments conduisent et mettent à notre disposition deux individus dont un Malien et un Belge qui se bagarraient autour d”une affaire de métal jaune".
    Aujourd”hui les protagonistes de ce dossier ont été mis à la disposition de la justice de la Commune VI.

    Daouda I. DIAWARA

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