Une mangueraie, des locaux d”apparence anodine. Et pourtant une fabrication intensive d”armes artisanales.
Les armes légères pullulent dans notre pays malgré les efforts entrepris par les pouvoirs publics pour éradiquer leur trafic. L”État, pour faire face au problème et à ses conséquences, a créé depuis des années un service rattaché à la présidence : la commission nationale de récupération des armes légères. Elle est placée sous la houlette du colonel Sirakoro Sangaré et s”emploie sans relâche à débarrasser notre pays de ce fléau déstabilisateur. Malgré tout, le problème de la circulation illicite d”armes de petit calibre reste d”importance. L”équipe du colonel Sangaré a pourtant enregistré des résultats positifs, grâce à une vigoureuse campagne de sensibilisation sur l”ensemble du territoire.
MACHINES A TUER :
Les armes légères entrent chez nous par des voies multiples. Nombre de pays voisins ou proches connaissent des troubles ou vivent une guerre civile. Certains combattants de ces pays, considérant qu”ils sont mal payés, profitent de l”hospitalité malienne pour venir écouler le surplus de leurs engins de mort sur notre territoire. Il faut reconnaître aussi que la rébellion touarègue dans le nord a été pour beaucoup dans la prolifération des armes à feu. Plusieurs hameaux dans le nord abritent des quantités importantes de ces machines à tuer. Les propriétaires promettent de les rendre chaque fois qu”une mission de la commission se rend chez eux. Mais ils ne tiennent jamais leur promesse.
La Flamme de la Paix d”avril 1996 n”a pas atteint tous ses objectifs d”incitation et de dissuasion. Il s”agissait de créer un sentiment de répulsion envers les armes légères et les armes de guerre, de provoquer un sentiment de culpabilité chez les détenteurs d”armes et de mobiliser les populations locales pour qu”elles adhérent au programme de désarmement. Elles devaient, elles mêmes, collecter les armes et les détruire pour ne plus semer la désolation et le deuil dans les familles maliennes.
Malheureusement, aujourd”hui encore, il est relativement aisé de se procurer une arme de guerre dans des officines louches et dans les villages frontaliers de certains pays qui connaissent des crises politiques opposant des fractions armées. Il y a moins d”un mois, des éléments de la brigade des mœurs ont mis la main sur une grosse cargaison d”armes et de munitions en provenance de Guinée. D”autres petites saisies sont régulièrement opérées par les enquêteurs des brigades recherche et de renseignement des différents commissariats.
Il existe aussi une florissante industrie artisanale de fabrication d”armes légères dans la capitale et dans plusieurs localités du pays. Les forgerons dogon sont devenus inégalables en matière d”imitation des marques européennes de fusils de chasse. Les "Simplex" et autre "Baïkal" sont produits avec succès dans les ateliers de nos artisans. La plupart des attaques à main armée se font avec des pistolets de fabrication artisanale. Il n”y a pas un commissariat de police à Bamako qui ne possède sa collection d”armes de fabrication locale saisies sur les malfrats.
DANS LA MANGUERAIE :
Le commissariat du 4e arrondissement dirigé par le commissaire divisionnaire Moumini Séri, vient de démasquer trois fabriques illégales d”armes légères à Bacodjicoroni. Elles sont dirigées par Lamine Diallo, Moussa Kassongué et Békaye Koné. "Les usines" du trio sont camouflées dans la mangueraie du quartier. Les portes sont éternellement closes pour ne pas éveiller la curiosité sur l”activité illicite menée à l”intérieur. Et pourtant, c”est derrière ces volets opaques que sont assemblées la plupart des pistolets artisanaux qui ôtent la vie aux paisibles citoyens pendant la nuit dans les rues de la capitale.
Lamine Diallo, Moussa Kassongué et Békaye Koné ont développé chacun un réseau de distribution difficile à démasquer. Ils fabriquent sur commande. Depuis plusieurs mois, la police est en possession d”informations faisant état de l”existence des trois fabriques clandestines d”armes dans la mangueraie de Bacodjicoroni. Toutes les tentatives pour découvrir l”atelier clandestin et les fabricants sont restées vaines.
Mais les bons policiers sont les plus obstinés. L”inspecteur Bourama Doumbia est de la race des limiers accrocheurs. Il dispose d”un réseau efficace d”informateurs. Il a ainsi reçu la semaine dernière un appel décrivant avec précision les emplacements des fameuses unités de production d”armes légères. L”indicateur du policier l”a averti de ne pas se fier aux apparences calmes de l”endroit. Il l”a aussi prévenu de ne pas se laisser abuser par les portes closes des trois maisons. Elles sont d”ailleurs toujours fermées.
Le limier Doumbia rassembla quelques-uns de ses collaborateurs pour aller vérifier le tuyau qu”on venait de lui refiler. Il tomba sur un premier bâtiment effectivement fermé. Les policiers y pénétrèrent et découvrirent un stock d”armes neuves prêtes à être écoulées sur le marché. Les enquêteurs mirent le cap sur le second puis le troisième édifice. Les stocks découverts dans les deux bâtiments étaient importants.
Lamine Diallo, Moussa Kassongué et Békaye Koné ont été conduits au commissariat pour audition. Ils ont voulu jouer aux ignorants, jurant ne pas savoir pas qu”il fallait une autorisation pour fabriquer des armes à feu. Les trafiquants d”armes ont poussé la mauvaise foi jusqu”à prétendre que leur activité relevait de l”artisanat. Ils vendaient les fusils à quiconque leur en demandait. Mais les délinquants n”ont pas pu expliquer pourquoi ils devaient se cacher pour fabriquer la marchandise prétendument légale.
Après leur audition, les trois hommes ont été déférés devant le parquet du tribunal de première instance de la Commune V.
D. I. DIAWARA
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