Fait divers : L''Âme Damnée

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    Ce fils de "bonne famille" ressent une forte attirance pour les délinquants. Ses fréquentations le conduisent aujourd”hui en prison.

    Être de "bonne famille" ne met pas automatiquement au-dessus de tout soupçon. Les policiers et les gendarmes appliquent sans états d”âme ce distinguo. Ainsi, lorsqu”une enquête est ouverte contre X, toutes les voies sont explorées. Et tout le monde, aux yeux des enquêteurs, peut être suspect. Les faits donnent souvent raison aux agents chargés des investigations qui ne font jamais aveuglément confiance à un citoyen, aussi respectable soit-il. Il arrive que les policiers resserrent l”étau sur des hommes ou des femmes que nul ne soupçonne d”appartenir à un gang de délinquants.

    En Italie, dans la traque de la Mafia et de Cosa Nostra, les carabiniers ont souvent dû affronter de grands hommes politiques, des patrons d”entreprises, des universitaires de renom et des idéologues des grands partis du pays. Il se trouve que ceux-ci sont parfois impliqués dans les affaires de la pègre italienne. Ces mafiosi de haut vol ont des couvertures si épaisses que nul n”ose porter le moindre soupçon à leur encontre.

    Dans notre pays, lorsque l”enfant d”une "grande famille" est impliqué dans une sale affaire, l”indignation et la consternation laissent les siens sans voix. Des voisins compatissent à ce qu”ils considèrent comme un signe de malédiction pour la famille souillée par le scandale. D”autres profitent de ce "malheur" pour régler des comptes. Ils rient sous cape ou se répandent en médisances contre la famille touchée.

    DE BONNE FAMILLE :

    Il arrive que les enfants de "bonnes familles" impliqués dans des actes délictueux aient été entraînés par des amis appartenant à un milieu défavorisé. Chez les Kel Tamacheq noirs, un adage conseille de toujours choisir un ami meilleur à soi-même sur tous les plans. Il devient le modèle, le mentor qui vous apprend beaucoup de choses. Cet enseignement protège contre les dérives. Et le bénéficiaire est sûr de ne pas être entraîné sur de mauvaises voies.

    Balla Touré n”a sûrement jamais appris cet adage. S”il l”a entendu une fois dans sa vie, il n”a jamais voulu l”appliquer. Le jeune Touré appartient à une famille respectable de la capitale. Ses parents sont à l”abri du besoin. Ils ont veillé à lui donner une éducation correcte mais ne lui refusent pas grand-chose. Pour lui faire plaisir, ils lui ont acheté toutes les marques d”engins à deux roues désirées. Le prix du carburant et l”argent de poche sont garantis par le chef de famille. Balla Touré aurait tout eu pour être heureux s”il ne se sentait à l”aise qu”au milieu des voyous. Il les fréquente dans les quartiers périphériques et les approvisionne même souvent en drogue et en alcool.

    Dans la nuit du 15 au 16 avril, Balla a été invité par son meilleur ami, Tahirou Doumbia, pour une virée à Ségou. Il n”ignorait pas que cet ami est un caïd, un repris de justice endurci et un récidiviste notoire. Le malfrat est connu de tous les commissariats de Bamako. Le voyage, suggéra Tahirou Doumbia, leur permettra de changer d”air et de revenir avec au moins un engin à deux roues à écouler sur le marché bamakois. Balla accepta la proposition. Aux environs de 17 heures, le 15 avril dernier, les deux compères étaient confortablement installés dans un autobus à destination de la capitale des Balanzans.

    A l”escale de Konobougou, localité d”origine de Tahirou, les deux amis décidèrent d”interrompre leur voyage et de passer la nuit là. Ils décidèrent de reprendre la route le lendemain. A peine eurent-ils mis pied à terre que Tahirou fut assailli d”idées de coups de main. Il savait qu”un certain Sidi Sangho résidant à Konobougou était propriétaire d”une moto chinoise qu”il venait d”acheter dans la capitale. Très rapidement, Tahirou concocta un plan à exécuter avec l”aide de Balla Touré. Les deux mauvais garçons utilisèrent une cabine téléphonique pour appeler Sidi Sangho. Tahirou annonça à son interlocuteur qu”il venait d”arriver dans le village et qu”il avait un colis à lui remettre. Pour retirer le paquet, Sidi devait le rejoindre à un endroit précis au marché du village.

    Le nommé Sidi est un jeune commerçant qui connaît bien Tahirou. Il sait que ce dernier n”a pas bonne presse à Konobougou. Prudent, il répondit qu”il ne pouvait pas venir sur le champ à cause de ses occupations. Il avait beaucoup à faire dans son petit établissement, une boutique située à l”entrée de la cour familiale. Loin de se décourager, Tahirou et son compagnon annoncèrent à Sidi qu”ils viendraient eux-mêmes lui apporter le colis. Le commerçant accepta la proposition. Quelques minutes plus tard, Tahirou arriva seul pour apprendre à Sidi Sangho que le colis était trop lourd à porter et qu”il l”avait confié à son ami Balla Touré qui les attendait à un pâté de maisons de là.

    UN CORPS INERTE :

    Tahirou suggéra au commerçant de l”amener avec sa moto pour aller récupérer le bagage. Cela épargnerait une perte de temps, a-t-il argumenté. Il ajouta qu”il devait continuer son chemin la même nuit sur Ségou. Sidi se laissa convaincre par les arguments développés par Tahirou et le transporta à l”endroit indiqué. A leur arrivée sur les lieux, le commerçant constata qu”il n”y avait point de colis. Mais il n”eut pas le temps d”exprimer sa remarque. Le caïd Tahirou l”assomma d”un coup de bâton asséné sur la nuque. Puis avec l”aide de Balla Touré, il le balança près d”un tas d”ordures, le laissant pour mort. Les deux compères sautèrent sur la moto et prirent la direction de la capitale.

    Une douzaine de minutes plus tard, des passants remarquèrent le corps inerte d”un homme gisant sur le bas-côté. Ils s”approchèrent et reconnurent Sidi Sangho. L”alerte fut donnée. Tout le monde conclut que l”agression avait été perpétré par Tahirou qui avait été aperçu dans le village puis avait disparu comme par enchantement. Certains s”occupèrent du blessé qui, après avoir recouvré ses esprits, confirma ce que tout le monde subodorait déjà. Le poste de police de Fana fut immédiatement averti.

    Peu de temps après l”alerte, Tahirou et Balla arrivèrent au poste. Les gendarmes et les douaniers les reconnurent à partir de la description des habitants de Konobougou. Ils voulurent les arrêter. Balla, le passager, sauta de l”engin et disparut dans l”obscurité. Tahirou, très habile conducteur de moto, tenta de semer les agents. Mais il se rendit vite compte que sa tentative de fuite était vaine. Il fit faire à l”engin une figure acrobatique et descendit, laissant la moto filer droit dans un tas de paille. Les poursuivants tombèrent dans le panneau. Ils crurent à un accident et allèrent à la moto qui ronflait encore. Tahirou en a profité pour s”évanouir dans la nuit.

    Le 22 avril dernier, la mère de Sidi se rendit au commissariat du 7è arrondissement pour porter plainte au nom de son fils toujours paralysé les séquelles d”un violent coup reçu. La vieille Gogo Ba donna tous les renseignements à l”inspecteur Oumar Sangaré dit Abos. Le policier accompagné de certains de ses éléments alla s”assurer du criminel Tahirou à son domicile et tendit une souricière à Balla. Ce dernier sera arrêté deux jours plus tard. Les deux compagnons ont été déférés au tribunal de première instance de la Commune VI.

    G. A. DICKO
    L”Essor du 8 Mai 2007

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