Il se faisait passer pour un homme de Dieu. Derrière ce personnage se cachait un vulgaire voleur de chaussures à la mosquée.
Daouda Koné est un croyant peu ordinaire. Le jeune homme arbore régulièrement une djellaba, égrène inlassablement un chapelet dont il ne sépare presque jamais. Dans son quartier, il est considéré comme l”exemple type du croyant. il est assidu à la prière et respectueux des principes sacro-saints de la religion du Prophète Mohamed (paix et salut sur Lui). Des personnes de bonne volonté s”étaient manifestées récemment pour l”aider à fonder un foyer. Certaines de ces âmes charitables lui avaient même proposé leurs filles en mariage. D”autres l”ont simplement assuré de leur soutien le jour où il se déciderait à fonder un foyer.
A chacune de ces propositions, le jeune Daouda Koné avait toujours répondu qu”il se fie à la volonté de Dieu. Le tout puissant, ne cessait-il de répéter, prédestine chacune de ses créatures à la vie qu”il aura lui-même définie. L”argument convainc chaque fois les croyants qui finalement décidèrent de laisser le jeune homme mener sa "vie de moine" comme il l”entend. Chacun se contentant de lui venir en aide comme il peut. Daouda recevait ces aides avec un intérêt peu marqué. Il bénissait le bienfaiteur qui s”en allait toujours avec le sentiment du devoir bien accompli.
Cependant dans la mosquée que fréquente le jeune homme, les fidèles, depuis un certain temps, ont remarqué qu”à chaque prière de l”aube les plus belles chaussures des fidèles disparaissaient. Mais personne ne se risquait à porter des soupçons hasardeux. Les pertes de chaussures se multiplièrent malgré l”appel à la vigilance lancé par l”imam pour démasquer l”indélicat fidèle. Ce fut peine perdue. En effet, à la fin de chaque prière de l”aube, des fidèles annonçaient la perte de leurs chaussures.
UNE BONNE MOISSON :
Las des récriminations des croyants, l”imam porta l”affaire au commissariat de police du 10e Arrondissement. Le commissaire divisionnaire Mady Fofana, en charge du commissariat confia l”affaire à l”inspecteur Macky Sissoko, chef de la brigade de recherches et de renseignements. Le policier se rendit dans un premier temps à la mosquée pour localiser les différentes issues de la maison de culte. Il remarqua que l”établissement religieux est accessible par tous les quatre points cardinaux et qu”un voleur bien expérimenté peut entrer et ressortir autant de fois qu”il le désire sans être inquiété. Car chacune des issues de la mosquée donne sur des maisons délabrées ou en chantier.
Dans la nuit du jeudi à vendredi dernier, Macky Sissoko et ses hommes tendirent un piège au voleur. Certains policiers portèrent leurs plus beaux souliers et se rendirent à la mosquée pour s”acquitter de leur devoir religieux de l”aube. D”autres prirent position dans les maisons en chantier voisines de manière à bien surveiller tous les accès de la maison de culte. La prière commença à 5 heures et un quart. Daouda Koné qui avait son plan dans la tête et qui avait remarqué avant d”entrer dans la mosquée la présence des paires de souliers de policiers prit place dans la dernière rangée des fidèles.
Ainsi il pouvait sortir et rentrer dans la mosquée sans se faire trop remarquer. L”imam récita la Fatiha puis enchaîna une longue sourate. A la seconde prosternation Daouda rompit les rangs pour se retrouver dehors. Il ramassa les chaussures des policiers et courut vers une maison en chantier située au nord de la mosquée. Il empaqueta les souliers dans un sac en polypropylène. Puis revint sur ses pas pour prendre sa place dans le rang des fidèles. Daouda Koné emportant son butin avait fait une halte dans l”aile de la salle de prière réservée aux femmes pour trier les meilleures paires des mémés. Il fit une bonne moisson sans se douter que de loin, il était suivi par des limiers du 10è Arrondissement.
Les policiers suivirent tous les manèges de Daouda, mais se gardèrent d”interrompre la prière. A la fin de la séance d”adoration, les policiers demandèrent un instant d”attention. L”un d”eux annonça que le voleur de chaussures de la mosquée a été identifié et qu”il se trouve au moment où il parle dans le groupe des fidèles. Les policiers ne laissèrent pas le suspens perdurer. Un agent s”avança vers Daouda Koné et le prit par la taille et disant "voici votre voleur".
L”assistance resta pétrifiée, jusqu”au moment où les éléments postés dehors arrivèrent munis du sac contenant les chaussures des enquêteurs et celles d”autres croyantes. Il aura fallu tout le doigté de l”imam pour calmer la colère des fidèles grugés. Le chef religieux rappela que la mosquée est la maison de Dieu et que la police présente est chargée d”assurer la sécurité des personnes et de leurs biens. C”est dans ce cadre qu”elle vient de mettre la main sur le voleur. Elle doit le conduire pour l”interroger avant de l”envoyer à la justice.
Le discours de l”imam calma les ardeurs des croyants et Daouda fut conduit au commissariat où il a avoué être le seul voleur des chaussures perdues à la mosquée. Le jeune homme a été déféré au parquet de la Commune VI.
G. A. DICKO
“