Nouhoum Sanogo a accusé la police d’avoir vendu sa nièce. L’intéressée vient de démentir cette allégation.
Le 10 décembre dernier, les Maliens ont suivi avec émotion à la dernière édition de l’espace d’interpellation démocratique (EID l’interpellation du ministre de la Sécurité intérieure et de la Protection civile par un citoyen sur la disparition d’une jeune fille qui aurait été vendue par la Brigade des mœurs. Nouhoum Sanogo, c’est le nom de l’interpellateur, avait raconté que sa nièce dénommée Safiétou Togola était arrivée de son village de Zankorobougou en janvier dernier. Elle se serait adressée à la Brigade des mœurs d’où elle aurait été vendue à des blancs.
Cette interpellation avait choqué tout le monde en particulier les services de police. Ils se sont trouvés impliqués dans une affaire où ils avaient cru n’avoir fait que leur devoir. Que s’était-il passé en réalité ? Safiétou Togola, 19 ans, que nous avons rencontrée dans les locaux de la Brigade des mœurs dans la journée du 17 décembre dernier, est une jeune fille, ressortissante de Zankorobougou, dans la commune rurale de Niéna. Elle est la fille aînée d’une famille de 13 enfants de mères différentes. Ella avait perdu trop tôt saAprès la mort de sa mère, elle a été élevée par sa marâtre qui avait l’habitude de l’envoyer à Koutiala comme travailleuse saisonnière.
En janvier dernier, cette marâtre devait faire un voyage sur la capitale Bamako dans l’intention d’acheter des habits pour enfants qu’elle allait revendre sur le marché local. Pour se faire aider dans ses courses, la marâtre avait estimé qu’elle devait se faire accompagner par un membre de sa famille. En l’occurrence elle avait choisi Safiétou qu’elle avait toujours prise pour son propre enfant. Les femmes prirent un car pour atterrir au Badialan dans une famille que la marâtre connaissait bien auparavant.
D’UNE BONTE RARE : Plus tard après avoir fait toutes leurs courses, la jeune fille émit le vœu de rester quelques mois dans la capitale pour se faire un peu d’argent. Elle a promis de rentrer plus tard lorsque les pluies commenceront à tomber. La marâtre jugea que la proposition de sa belle fille était raisonnable. Elle décida de la confier à une de ses amies à charge pour celle- là de lui trouver un emploi d’aide ménagère dans les environs. Plus tard la marâtre prit le prochain car pour rentrer à Koutiala, la capitale du coton.
La jeune Safiétou resta chez sa nouvelle logeuse, qui parvint à lui décrocher un emploi sans difficulté. La jeune fille commença à travailler aussitôt et la nuit suivante, elle décida de tourner dans le quartier pour se détendre les pieds et découvrir les environs immédiats de sa nouvelle famille d’adoption. Elle sortit seule et après une courte randonnée dans le quartier ne parvient plus à retrouver la maison de son employeur. Elle tourna une bonne partie de la nuit avant d’être récupérée par deux quidams qui lui proposèrent de passer la nuit chez l’un d’entre eux. Cet homme est marié et son épouse est d’une bonté rare, selon Safiétou.
La jeune fille dormit chez cet homme dont elle ignore encore le nom et l’adresse jusqu’au matin. Après le petit-déjeuner, le chef de famille la conduisit à la brigade des mœurs où il expliqua comment il l’avait retrouvée. Rokia, un des agents de cette unité spécialisée de la police entendit la jeune fille et découvrit qu’elle était majeure. Elle ne pouvait pas la garder au niveau de la section enfance, dont elle avait la charge. Elle expliqua à l’homme qui avait conduit Safiétou qu’elle ne pouvait rien faire pour une femme. Si elle était mineure, elle pouvait la confier à l’une des institutions spécialisées de la place.
L’homme proposa à Safiatou de retourner chez lui le temps de retrouver ses esprits et de prendre une décision. L’hôte et son étrangère prirent congé de la policière. Une fois au dehors, Safiétou ne voulut pas continuer avec son logeur d’une nuit. Elle resta plantée à la porte jusqu’au passage d’une femme qui la remarqua, et qui se demanda s’il ne s’agissait pas d’une fille à la recherche de travail. La dame s’approcha de Safietou et lui posa la question. La réponse fut immédiate et affirmative. Elles discutèrent du salaire et convinrent sur un montant que Safiétou dit ne pas se rappeler.
FOUILEE DE FOND EN COMBLE : La jeune femme quitta donc les locaux de la brigade des mœurs et n’a plus été revue. Les policiers l’oublièrent totalement. Et n’eut été l’interpellation du ministre le 10 décembre, les Bamakois n’auraient jamais appris qu’un jour une certaine Safiétou Togola était passée par les services du commandant Ami Kane. Mais après l’interpellation du ministre par Nouhoum Sanogo, la Brigade de recherche de l’unité ainsi que toute la police nationale se sont fait un point d’honneur de retrouver la jeune fille. Ainsi Bamako fut fouillée de fond en comble. Safiétou a été retrouvée, travaillant chez une femme du côté du marché de Médine. Elle a été conduite à la police.
En présence de Nouhoum Togola, la jeune femme a déclaré, après avoir confessé le récit que nous vous avons proposé ci-dessus: “ je ne savais pas que tout cela (l’interpellation d’un ministre de la République) se passe à cause de moi. Sinon je serais venue moi-même déclarer que je n’ai jamais été vendue par les policiers. Est-il possible de vendre une fille de mon âge à son insu. Je vous rappelle que j’avais deux ou trois ans le jour de l’arrestation de Moussa Traoré.” Safiétou Togola s’interroge sur les raisons qui ont poussé son parent Nouhoum Sanogo, administrateur de biens de son état, à faire tout ce bruit. “Combien de jeunes filles sont ici à Bamako, en train de travailler pendant des années sans que personne ne s’en aperçoive ?”
La question de Safiétou est d’autant plus logique que monsieur Sanogo connaît personnellement le directeur de la police judiciaire, la première responsable de la Brigade des mœurs, le Directeur général adjoint de la police. Pourtant, il ne s’est jamais adressé ni à l’un ni à l’autre pour alerter sur la prétendue disparition de sa nièce. Mais tout est bien qui finit bien. Nouhoum Sanogo a retrouvé sa parente. Elle lui a été remise après qu’il ait apposé sa signature sur un procès verbal de remise. Quel avenir pour Safiétou? La paysanne a confié à la presse nationale qu’elle continuera à travailler à Bamako. Elle rentrera dans son village natal, le moment qu’elle va décider elle même.
G. A. DICKO