Fait divers : Fou à Tuer

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    Avachi par la drogue, Salif Sacko assomme à coups de marteau son père et son frère cadet. Avant de se donner la mort.

    La drogue a encore fait des ravages serait-on tenté de dire. Elle a poussé un accroc à perpétrer un parricide. En effet la consternation règne à Baguinéda, bourgade agricole située à une trentaine de kilomètres de la capitale, après le meurtre de Bourama et le suicide de Salif, l”auteur du crime. Adama Sacko, troisième personnage de ce drame et frère de l”assassin a été lui plus chanceux. Il a été évacué, à temps, à l”hôpital Gabriel Touré de Bamako. Ainsi il a pu échapper à la mort.

    Salif Sacko a 32 ans. Il est le fils aîné de son père Bourama et de sa mère. Adama est son jeune frère cadet. Depuis quelques années, Salif, adepte des drogues dures a quitté la famille à la recherche de travail à Koumantou. Il parvient à décrocher un poste de gardien à l”usine de la localité. C”est ici aussi que le jeune homme s”est libéré de l”emprise de son père. Et pour marquer cette "libération", il s”est adonné à cœur joie à la consommation des stupéfiants de toutes natures. Il est abonné à toute la gamme allant du cannabis à la cocaïne en passant par le crack. Il réserve la colle et l”amphétamine pour les jours de dèche. Tout ce qui nuit à la santé, mais qui peut vous "faire voir le diable", comme le prétendent les toxicomanes est le bienvenu. Libéré de toute autorité parentale Salif ne "boude pas son plaisir".

    GUERISSEURS TRADITIONNELS :

    Quand l”occasion s”offre, il revient dans son village de Koïniba. Il passe quelques jours avec les siens avant de reprendre le chemin de Koumantou. Cette navette dure des années. A chaque arrivée du fils aîné de la famille, son père Bourama le sermonnait et l”invitait à arrêter de prendre la drogue. Salif avait toujours promis décrocher. Mais sans succès. Et ces derniers temps le jeune homme, paraissait visiblement miné physiquement et mentalement par l”effet désastreux des stupéfiants. Il a commencé à perdre le nord. La famille a fait le maximum en consultant des voyants et des guérisseurs traditionnels. Mais le mal ne faisait que s”empirer. Et tout le monde assistait, impuissant à la déchéance inexorable de l”aîné de la famille.

    Un dicton de chez nous dit que "le médicament contre le mal qui tue n”existe pas". Toutes les tentatives des parents de Salif de le sevrer de l”alcool et des drogues ont été vaines. Le père Bourama commença même à se décourager. Si son enfant était un animal, il l”aurait sûrement égorgé pour avoir la paix. A la fin du mois de mai dernier, Salif était revenu au village en provenance de Koumantou. Il était visiblement malade et esquinté par une longue journée de voyage. Les parents le reçurent comme il se devait, mais chacun savait que le jeune homme avait totalement "pété les plombs". Il se nourrissait très peu et parlait seul. Les cornets de cannabis ne quittaient plus ses lèvres. La loque humaine vivait à l”écart de tous les autres membres de la famille.

    Cette situation dura des jours et des nuits. Pour garder l”œil sur le malade, Bourama et Adama avaient choisi de dormir dans la cour. Mais ils ont commis la faute de ne pas prendre les précautions d”usage contre un malade mental vivant dans une famille. En effet il pourrait se déchaîner à tout moment. C”est ce qui arriva dans la nuit du 5 au 6 juin. Bourama le père et Adama son deuxième fils dormaient paisiblement dans la cour. La mère de famille, celle qui a donné la vie à Salif a préféré se retirer dans sa case. Toute la nuit, Salif a déambulé dans la cour. Il fumait de temps en temps son herbe en proférant des injures ou murmurant des mots inaudibles.

    Vers 4 heures du matin, la chaleur étouffante de la nuit a cédé la place à une légère brise venue du fleuve Niger. Elle a apporté une bouffée d”air frais au village de Koïniba. Les habitants en ont profité pour rattraper le temps de sommeil perdu par la faute du souffle chaud de l”harmattan. Tous dormaient à poings fermés et rêvaient d”une matinée douce au réveil. Bourama Sacko et son fils Adama étaient parmi ceux qui rêvaient d”une matinée calme pour leur fils et frère, Salif. Au petit matin ce dernier fut comme brutalement possédé par le diable. Il eut envie de tuer.

    Avant le premier appel à la prière, il fit irruption dans le grenier familial et ressortit armé d”un marteau. Il marcha sur la pointe des pieds jusqu”au niveau de la tête de son père. Il lui asséna un violent coup sur le crâne. Du sang chaud jaillit de la tête du vieux qui se débattit dans des râles et des convulsions ultimes. Le jeune frère Adama réveillé en sursaut n”eut pas le temps de se redresser totalement. A son tour il reçut un coup d”une même violence et s”écroula.

    Les deux hommes gisaient dans une mare de sang et leurs pieds continuaient de bouger. Tout à coup, un bruit assourdissant traversa le calme de l”aube. Salif était entré, entre temps dans la case de son père pour prendre le fusil de chasse de ce dernier. Il le chargea prestement et se fit sauter la cervelle. Il s”écroula foudroyé sur le champ. Les habitants de Koïniba se réveillèrent en sursaut et coururent dans la direction de la famille Sacko d”où venait le coup de feu. Ils trouvèrent le père et le fils toujours en vie. Alors que l”âme de Salif avait déjà rejoint les mannes des ancêtres.
    Les villageois organisèrent rapidement l”évacuation des deux blessés sur Bamako.

    A leur arrivée à l”hôpital Gabriel Touré, le vieux Bourama et son fils Adama étaient toujours en vie. Mais pas pour longtemps. Le père décédera quelques instants seulement après son admission aux services des urgences. Il s”était vidé de son sang. Mais Adama vit encore et aux dernières nouvelles, sa vie est hors de danger. Il constitue aujourd”hui le seul espoir pour le major Soumaïla Traoré, commandant de la brigade de gendarmerie de Baguinéda pour comprendre les mobiles qui ont poussé Salif à chercher à donner la mort à son père et son frère avant de se suicider. L”enquête est ouverte.

    G. A. DICKO

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