Fait divers : Filets Pleins

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    Les policiers ont surpris le boss des toxicomanes sa pipette en main. Il venait d”acheter une dose au barman.

    La drogue est un excitant très dangereux. L”accoutumance ou l”abus des stupéfiants transporte son homme dans un monde merveilleux qui n”existe que dans la tête du toxicomane. Le retour sur terre est donc rude et invite à renouveler de toute urgence le "voyage". Ce n”est pas sans conséquences fâcheuses. Le discours du drogué est ainsi décousu, en total déphasage avec la réalité. Il prend des attitudes grotesques et incohérentes à l”égard de son entourage. A la longue, il devient impossible de vivre avec lui, s”il ne devient tout simplement pas fou. Pour se procurer leur dose, les drogués accros sont prêts à tout. Ils volent, escroquent, voire violentent et tuent pour se procurer de quoi acheter la drogue indispensable au voyage dans des chimères toujours plus indispensables.

    Les consommateurs de drogue forment des réseaux à travers le district de Bamako. Les quartiers Bagadadji et Médina-coura traînent la triste réputation de receler de nombreux points de vente de substances hallucinogènes. La gamme est large. Elle part du haschish passe par les amphétamines pour se prolonger sur la cocaïne, l”héroïne et d”autres drogues dures. Depuis longtemps, les agents de la police du 3è arrondissement, ont engagé le combat contre la consommation de drogue sur le territoire qui est de leur ressort. Ce commissariat a su susciter l”aide de la population des quartiers où la drogue est consommée à profusion.

    Plusieurs familles, souvent considérées comme "honorables" dans les endroits ciblés, ont connu des descentes de la brigade des stupéfiants. Les multiples irruptions policières ont plus ou moins mis fin au commerce et à la consommation des stupéfiants dans ces familles, les dealers se trouvant presque tous à l”ombre à la Maison centrale d”arrêt de Bamako-coura. Désemparés, les toxicomanes sont, aujourd”hui, à la recherche d”autres points de trafic inconnus des policiers.

    ENDROIT DE MAUVAISE REPUTATION :

    En attendant d”en savoir plus sur la reconstitution des filières, allons à Médina-coura. C”est vendredi et nous nous retrouvons dans un bar malfamé, connu sous le nom de "Bobo Aoua ka bar" (le bar de Bobo Aoua). Rares sont les autochtones de ce quartier populaire qui ne connaissent pas, ou qui n”ont pas entendu parler de cet endroit de mauvaise réputation. Le tripot a ouvert ses portes, il y a plus d”une vingtaine d”années. Ce très vieux bar est devenu, depuis, le lieu de rendez-vous d”une célèbre bande de toxicomanes de la commune II. Les dealers sont à l”aise ici au milieu d”une foule de prostituées et d”ivrognes de tout acabit.

    Vendredi dernier donc, Joseph Dembélé, le barman et complice des drogués, servait du vin à ses clients délinquants. Les uns, le goulot de la bouteille à la bouche, esquissaient des pas de danse. Les autres aspiraient de la vapeur de colle au moyen de pipettes. Le chef de file, Oumar Cissé, fit son apparition dans cette ambiance enfumée et bruyante. Il demanda à Joseph de lui servir sa ration. Les jeunes drogués autour de lui planaient dans un autre monde. Le tintamarre qu”ils causaient, dérangeaient les familles voisines de Médina-coura. Mais depuis longtemps celles-ci ont renoncé à aller se plaindre, par crainte d”un inévitable retour de bâton.

    C”est une voix anonyme qui informa les éléments du 3è arrondissement du tapage indésirable en cours dans la concession transformée en débit de boisson. Aussitôt une équipe dirigée par l”inspecteur principal Papa Mambi Keïta, alias l”épervier du Mandé s”est rendue au bar de "Bobo Aoua". A son arrivée, le boss des toxicomanes qui avait commandé une dose au barman, a été surpris tenant sa pipette en main. L”inspecteur Keïta et ses hommes n”en demandaient pas tant. Ils regroupèrent tous ceux qui se trouvaient dans le bar. Oumar, le chef de bande, était, lui, surpris en flagrant délit de consommation de drogue. Il n”avait pas eu le temps de finir sa dose.

    Ce lot "d”accros" irréductibles incluait, il n”y pas longtemps, un certain Dembélé. Ce jeune était un "numéro" particulier de triste renommée. Il volait régulièrement les habits de cérémonie de sa mère pour les revendre à des prix défiant toute concurrence pour acheter sa dose. 3000 Fcfa, c”est le prix que ne dépassait jamais le garnement, quelque soit la qualité des fringues. Il a rendu l”âme la semaine dernière.

    Les agents de police ont arrêté chez "Bobo Aoua" 27 jeunes filles et 13 hommes. Ils ont saisi dans une pièce du débit de boisson, 5 kilos de chanvre indien, 31 grammes de cocaïne et 4 pipettes. Les délinquants ont été conduits au commissariat de police du 3è arrondissement. Le lendemain de cette rafle massive, Oumar Cissé, passa toute la journée sans prendre sa dose. Ne pouvant supporter le manque, il commença à baver. L”inspecteur Keïta le fit transporter à l”hôpital Gabriel Touré pour y recevoir des soins.

    Les malfrats ont été déférés à la prison centrale de Bamako. Les autres membres de la bande qui ont échappé à la rafle policière menacent de mort l”inspecteur Keïta et ses hommes à longueur de journée. Menace qui n”émeut pas outre mesure celui que tout le monde n”appelle plus que par son surnom : l”épervier du Mandé.

    D. I. DIAWARA
    L”Essor du 21-02-2007

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