Fait divers : FAUX FRÈRE

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    Tout les différenciait mais ils étaient liés comme deux doigts de la main. Malheureusement, même les choses les plus belles peuvent avoir une triste fin.

    "Quand trois personnes forment un trio d”amis, l”une d”entre elles est en réalité le dindon de la farce", écrit le commissaire Balla Traoré dans son livre "La Chaîne" publié courant 2006 aux EDIM-SA. Dans cet ouvrage, l”auteur raconte l”histoire de la hyène à qui le lion demanda un jour de lui présenter son meilleur ami et son pire ennemi. La hyène lui présenta sa compagne : "voici ma meilleure amie. Mais elle est aussi mon ennemie implacable". Le roi de la brousse décrypta le message et se le tint pour dit.

    Si vous posez la question du lion à Mamby Diarra, il présentera sûrement Modibo Diarra, son ami d”enfance et camarade de promotion à l”Institut de formation des maîtres (IFM) de Bougouni. Les jeunes gens se sont connus depuis leur tendre enfance. Ils ont fréquenté la même école fondamentale du premier au second cycles. Après le Diplôme d”études fondamentales (DEF), ils ont passé ensemble le concours d”entrée à l”IFM. Au sein de leur nouvel établissement, Mamby et Modibo ont conservé leur relation privilégiée. Ils partageaient les joies et les peines de la vie d”élève maître. Ils étaient si proches qu”ils s”échangeaient leurs habits et chaussures et fréquentaient les mêmes amis.

    C”EST MON FRERE.

    La grande différence entre eux : leurs résultats scolaires. A la fin du cycle de deux années à l”IFM de Bougouni, Modibo Diarra a été radié pour insuffisance de travail. Mamby continua son parcours et obtint son parchemin de maître du second cycle. Il ne tardera pas aussi à trouver un emploi au sein de l”administration scolaire de la capitale du Banimonotié. L”ex-élève maître Modibo Diarra vadrouilla longtemps dans les rues de Bamako et de Sikasso. Chaque fois qu”il traversait une mauvaise passe dans cette vie d”errance, il se précipitait à Bougouni chez son camarade d”enfance, Mamby. Les deux amis passaient une ou deux semaines dans la même chambre. Et ils dormaient dans le même lit. Mamby ne s”était jamais posé de question sur ce que faisait son camarade de promotion par crainte de porter atteinte à son moral. Lorsque Modibo Diarra décidait de partir, Mamby payait toujours ses frais de transport et ne manquait jamais de lui remettre un peu d”argent de poche. Aux curieux qui demandaient ce que représentait ce visiteur pour lui, Mamby répondait simplement : "c”est mon frère".

    L”année 2006 s”était presque entièrement écoulée sans que Modibo, contrairement à ses habitudes, donne signe de vie à son ami Mamby. Pendant ce temps, Modibo avait commencé à fréquenter les boites de nuit de la capitale. Il se rendait aussi dans les bars et les endroits malfamés comme Biribougou derrière la gare routière de Sogoniko.

    La dolce vita nocturne dans les rues de la capitale coûte cher. Il arriva donc un jour où l”épicurien se retrouva sans le moindre sous pour se procurer une canette de bière. Alors il pensa que le moment était venu d”aller voir son ami de toujours. Il enfila un matin un pantalon jean et un débardeur et débarqua à Bougouni sans même prendre le soin de prévenir son ami d”enfance de son arrivée.

    Comme à l”accoutumée, Mamby fut heureux de revoir "son frère Modibo". Il le reçut à bras ouverts et s”apprêtait à partager avec lui ses maigres ressources. Il apporta un seau d”eau dans la cabine de toilette et lança en plaisantant à Modibo : "ta femme a mis de l”eau pour toi à la douche". Les deux copains rirent de cette plaisanterie. A la fin, Modibo conseilla à Mamby de se marier pour éviter de remplir la cour d”enfants de mères différentes. Puis il prit une serviette et s”en alla prendre une bonne douche. De retour des toilettes, les deux amis engagèrent une longue causerie autour de sujets divers. Modibo raconta ses succès auprès des filles de la capitale. L”instituteur Mamby en homme modeste se limita de lui parler de son travail d”enseignant. Le Don Juan "remonta" à Bamako, quelques jours plus tard.

    TU ES CHEZ TOI. Pendant plusieurs mois, les deux amis ne se perdirent de vue. Un week-end, comme à son habitude, Modibo réapparut à l”improviste à Bougouni. Le dimanche après-midi, Mamby fit sa toilette et mit quelques effets personnels dans un sac en plastique. Il remit la clé de son logement et de l”argent à son visiteur en lui expliquant qu”il devait rejoindre son poste de travail à une vingtaine de kilomètres de la ville de Bougouni. "Ne t”inquiète pas et surtout ne te gêne pas. Tu es chez toi. La nourriture te sera envoyée par mes logeurs", assura l”instituteur à son ami avant de tourner le dos. Modibo Diarra le remercia pour son hospitalité et promit que la maison sera bien entretenue jusqu”à son retour.

    Hélas ! Cette promesse de bonne conduite n”était que paroles en l”air. Dès que Mamby enfourcha sa moto et quitta la ville pour rejoindre son poste dans un village proche, le scélérat Modibo ne perdit pas de temps pour lui jouer le sale tour qu”il avait mûri certainement depuis longtemps. Il empila les plus beaux habits de Mamby Diarra dans une valise. Ensuite, il débrancha le téléviseur, la radio, le téléphone cellulaire et emballa tous ces objets utilitaires. Il rallia alors la gare et prit un ticket pour Bamako. A son débarquement à la gare de Sogoniko, il liquida le téléviseur à 15.000 Fcfa, la radio de 10 piles à 5000 Fcfa.

    Les poches garnies, il fila dans un débit de boisson où il commença à ingurgiter force bières. Il se rendit plus tard dans un autre bar de Sénou, très fréquenté par les soldats de la base aérienne du quartier. Subitement pris par la folie de grandeur, le délinquant Modibo se présenta à un sous-officier de police comme un sergent de la gendarmerie en permission. Le policier ne fut pas impressionné et demanda à voir les pièces d”identité de son interlocuteur. Modibo ne s”attendait pas à cette requête. Le pseudo gendarme perdit de sa superbe et bégaya qu”il avait oublié sa carte professionnelle à la maison.

    Devant sa déconfiture suspecte, le vrai agent de sécurité lui ordonna de le suivre au poste de police où il reconnut son délit d”usurpation de fonction. Le jeune homme de 28 ans fut conduit au commissariat où il avoua devant le commissaire Mady Fofana et l”inspecteur Mady Dembélé qu”il s”était rendu coupable d”un d”abus de confiance. Il a été déféré au parquet de la Commune VI.

    G. A. DICKO
    Essor du 6 Mars 2007

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