Fait divers : Faux Dépanneur, Faux Mourant

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    Pour échapper à la police il n”hésite pas à faire le mort. Le médecin a vite dévoilé sa supercherie.

    Les malfrats ne manquent pas d”idées, mêmes des plus saugrenues pour réussir leurs coups. Ils exploitent véritablement toutes les opportunités. Lorsqu”il n”en existe pas, ils n”hésitent pas à forcer le sort.

    C”est dans ce lot d”audacieux qu”il faut classer le très imaginatif Mahamadou Traoré. Officiellement âgé de 25 ans, l”homme porte très mal son âge. On lui en donnerait quarante. Cet individu foisonne d”idées nuisibles. Il a été arrêté plusieurs fois pour les mêmes délits. Mais sa méthode marche toujours. Alors pourquoi changer un système qui piège toujours les pigeons se dit-il.

    À l”occasion, les abonnés du téléphone ou du fax de Bamako, découvrent que leur appareil n”émet pas la moindre tonalité. Certaines victimes de ces désagréments se souviennent peut-être que chaque fois que leur terminal était en panne, un bricoleur se présentait comme par miracle. Il offrait ses services pour réparer le téléphone ou le fax. Cet homme providentiel n”est autre que Mahamadou Traoré, notre héros du jour.

    Plusieurs fois, il a été déféré au parquet par le commissariat de police du 1er arrondissement. Ces procédures l”ont toujours conduit en prison. Mais au grand dam de ses victimes, il en ressort toujours avant même d”être jugé. Cette "baraka" n”étonne pas les agents du commissariat dirigé par le divisionnaire Balla Traoré. Ils sont convaincus que Mahamadou Traoré a des protecteurs efficaces dans l”ombre. Cet appui occulte explique la persévérance de la crapule à commettre le même genre de délits. Il est certain de ne passer que de courts séjours à la maison d”arrêt de Bamako-Coura.

    AGENT SOTELMA

     Le 8 février, Mahamadou Traoré s”est rendu à l”Église épiscopale de Bamako. Il s”est introduit dans la maison de Dieu en se faisant passer pour un agent de la société des télécommunications du Mali (Sotelma). Une sœur le croisa dans la cour. Elle lui demanda poliment le but de sa visite. Le téméraire répondit qu”il venait réparer le fax en panne. La religieuse qui n”était pas informée de cette avarie, le conduisit auprès d”une de ses collègues qui confirma que l”appareil était effectivement en dérangement. Une fois à l”intérieur du bâtiment où est installé le télécopieur, Mahamadou grimpa sur une chaise et commença à manipuler les câbles.

    Pendant qu”il s”adonnait à cet exercice qu”il maîtrisait apparemment à merveille, un religieux entra dans la pièce. Intrigué par la présence de Mahamadou, tripotant le télécopieur, il demanda ce qu”il faisait là. La religieuse lui expliqua qu”il était en train de remplacer un câble défectueux de la machine. La mine de l”individu ne lui revenant pas, le religieux demanda à voir les pièces d”identité de ce dépanneur sans badge. Surpris par la méfiance manifeste du religieux, Mahamadou descendit de la chaise et s”enfonça dans les escaliers menant au rez-de-chaussée.

    La religieuse qui avait suivi cette réaction bizarre de Mahamadou lui demanda où il allait. Ce dernier répondit qu”il allait chercher ses papiers rangés dans un sac laissé dehors. Son interlocutrice crut pas un mot de cette explication. Elle le suivit. Hors de la cour de l”église, Mahamadou tenta de semer la sœur, mais celle-ci comprit très vite son stratagème. Elle appela au secours et des passants n”eurent aucune difficulté à l”arrêter.
    Un témoin de l”incident alerta le commissariat central de l”arrestation d”un individu, suspecté d”usurpation de fonction. Mahamadou, pendant ce temps, était maintenu par de solides gaillards. Le délinquant avait son idée en tête. Il profita d”un léger relâchement de ses geôliers pour tirer de sa poche sa carte d”identité nationale et la mettre en pièces. Il réempocha ensuite les menus morceaux.

    BEL EXERCICE DE GRIMACES

     Cette précaution n”empêcha pas les agents du commissariat central de le reconnaître. Ils l”identifièrent comme étant un délinquant récidiviste. Il a été conduit au commissariat pour être gardé au frais en attendant son audition. Il passa deux nuits dans les geôles du commissariat central. Chaque soir, il recevait d”un proche un serpentin "mosquito" qu”il allumait à côté de lui avant de dormir. Il récupérait ensuite le support métallique de l”insecticide une fois consumé. Il découpait la petite lamelle métallique en petits morceaux qu”il gardait dans une de ses poches. Au troisième jour de sa garde à vue, quelques heures avant son transfert au parquet, Mahamadou mit les débris métalliques dans sa bouche, faisant croire au gardien du "violon" qu”il les avait avalés. Deux minutes plus tard, il se laissa tomber lourdement à terre, faisant mine d”agoniser. Les policiers qui mordirent à l”hameçon transportèrent d”urgence le "mourant" à l”hôpital Gabriel Touré. Des agents sanitaires tentèrent de ranimer le patient qui resta raide comme un macchabée.

    Après plusieurs tentatives infructueuses, un urgentiste prit du coton qu”il aspergea d”alcool à 90° et le frotta contre les narines du mourant. Sous l”effet de l”éthanol le malade se remit brusquement sur son séant et cracha la ferraille qu”il avait gardée quelque part dans la bouche. Le médecin urgentiste observa la limaille qui ne présentait pas la moindre trace de sang. Mahamadou lui se plaignait d”une douleur à la poitrine. Le médecin qui avait compris la manigance fit une observation qui allait être fatale au malfrat. Il expliqua à haute voix qu”en avalant de la ferraille ce n”est pas à la poitrine que l”on doit avoir mal, mais plutôt au ventre. Comme s”il n”attendait que cela, le faux agent de la Sotelma s”agrippa l”abdomen et se lança dans un bel exercice de grimaces. L”assistance réalisa que Mahamadou, en plus de tous ses défauts connus, était aussi un piètre comédien. Le mourant fut donc remis sans ménagement particulier aux policiers qui l”ont déféré au parquet.

    Auparavant il a expliqué au commissaire adjoint Mohamed Aweissoun qu”il était sorti de prison le 26 décembre et qu”il s”était résolu à cette macabre comédie pour ne pas être confondu avec les détenus qui s”étaient fait la belle quelques jours plus tard.

    G. A. DICKO

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