Fait divers : De Sang-froid

    0

    L”on n”est jamais mieux trahi que par les siens. Le garagiste ne pouvait imaginer qu”il perdrait la vie des mains de l”apprenti en qui il avait toute confiance.

    Le Malien, en général, respecte ses parents, reste fidèle à ses amis et vénère les maîtres qui lui transmettent leur savoir. Mamadou Traoré est peut-être l”exception qui confirme la règle. Le jeune homme est, depuis plusieurs années, apprenti tôlier au garage de Daba Traoré. Les deux hommes sont ensemble de jour comme de nuit. Ils ne se séparent que pour aller dormir. Le patron Daba fait totalement confiance à son apprenti. Il le considère déjà comme son héritier lorsque l”heure de la retraite sonnera. Il lui a appris les ficelles du métier. Et Mamadou est membre à part entière de la famille Traoré. Il sait tout sur tout le monde.

    L”apprenti Mamadou sait donc qu”en dehors du garage, Daba achète fréquemment des terrains à usage d”habitation pour les revendre. Ces affaires connexes rapportent gros au chef mécanicien. Son assistant est aussi au courant du projet secret de son patron de se rendre un jour dans un pays européen. Le numéro du compte bancaire de Daba ne lui est pas non plus inconnu.

    Daba a, en effet, une confiance absolue en son apprenti. Ce dernier n”a jamais commis d”impair propre à pousser son maître à douter de sa loyauté. La mère de Mamadou entretient de bons rapports avec le patron de son fils. Elle le considère comme l”aîné de son rejeton et ne manque aucune occasion de lui adresser des bénédictions via son fils. Le village de Sirakoro Méguétana, à l”unanimité, peut témoigner de la solidité des liens unissant l”apprenti à son patron. Le jeune Mamadou Traoré aux yeux de tous est l”exemple parfait du dévouement. Mais l”eau qui dort peut réserver des surprises désagréables aux baigneurs imprudents. Ils peuvent s”y noyer.

    UN COUP VIOLENT :

    Le maître Daba a justement été pris dans un piège de ce genre. Dans la nuit du lundi 29 au mardi 30 juillet, il a reçu un appel de son apprenti. Le jeune lui annonce un terrain à vendre dans les environs de la cabine d”où il téléphone. Il demande à Daba de le rejoindre le lendemain muni d”une certaine somme d”argent pour conclure l”achat de la parcelle. Le terrain, précise-t-il, est proposé à un peu plus d”un million. Mais si Daba dispose d”un million en cash, le lot sera à lui sans problème. Le patron répond qu”il n”a que 750.000 Fcfa sur lui. L”arnaqueur Mamadou le persuade d”apporter cette somme à titre d”avance au propriétaire du terrain. Ayant besoin d”argent, le vendeur ne cracherait sûrement pas sur ce montant en attendant le reliquat. A la fin de l”échange téléphonique, Daba se met au lit. Il a l”intention de rejoindre son apprenti aux environs de 6 heures du matin comme convenu entre les deux hommes.

    Mamadou, lui, n”a aucune envie de dormir : il a rendez-vous avec deux malfrats de sa connaissance qu”il engage à tendre un guet-apens à son patron qui arrivera le lendemain avec sur lui une importante somme d”argent. En compagnie de Zoumana Traoré alias Wa et Hamidou Traoré, il se rend dans la même nuit à 5 km de Sirakoro Méguétana pour repérer l”endroit propice à l”embuscade qu”il envisage contre son patron. Le trio décide froidement de tuer le chef mécanicien pour se partager le butin. Wa et Hamidou s”associent pleinement à l”opération criminelle.

    Dès 4 heures du matin, les truands gagnent le lieu prévu et tendent le piège. A 6 heures comme convenu, Daba arrive chez Mamadou. Il l”embarque derrière lui sur sa moto et ils prennent la route. Daba ne se doute évidemment pas que son apprenti dissimule un marteau dans ses vêtements.

    Ils se dirigent vers la zone supposée abriter la parcelle à vendre. Ils bravent la rosée et le temps très couvert ce jour là. A deux kilomètres du village, Mamadou suggère à son patron d”ôter le casque qui protège sa tête d”autant plus que la police ne patrouille pas en ces lieux reculés. Daba accepte machinalement et accroche le casque au guidon de l”engin.
    Parvenu à l”endroit où ses complices sont planqués, l”apprenti s”empare du marteau et assène un coup violent sur la tête de Daba. L”homme un bref instant pense que le ciel lui tombe sur le crâne. Il perd l”équilibre et la moto commence à zigzaguer. Le pauvre n”a pas le temps de reprendre ses esprits. Le traître Mamadou lui assène un second coup qui le fait le chuter. Malgré tout, il se relève et cherche à comprendre ce qui lui arrive. Il saisit la réalité en voyant les complices embusqués jaillir de la brousse pour aider Mamadou à l”achever.

    Les trois assassins battent leur victime et le transpercent de coups de couteaux. En fin de compte, le tôlier s”écroule et cesse de bouger. Il est mort. Les trois complices traînent le corps jusqu”à un puits situé non loin du lieu du crime. Ils le précipitent dans la fosse après l”avoir soulagé de l”argent rangé dans une de ses poches. Mamadou, Hamidou et Zoumana se partagent la liasse. Le commanditaire de l”assassinat se réserve 500.000 F et remet 250.000 F à ses deux complices en arguant qu”ils sont arrivés à la fin de la tuerie alors qu”il avait déjà fait le plus difficile.

    INTERVENTION INATTENDUE :

    Après le partage, le jeune homme regagne son domicile sur la moto de son défunt patron, après s”être soigneusement lavé dans un marigot. Puis il se rend au marché de Bamako pour acheter une Jakarta et un téléphone portable.
    La famille de Daba se met en branle aux environs de midi lorsque sa femme s”est inquiétée de son absence au déjeuner. Elle alerte les enfants qui se rendent au garage et n”y trouvent pas le chef de famille. Ils font un crochet chez Mamadou qui prétend n”avoir pas vu son patron ce jour. Malheureusement pour lui sa mère présente au moment de leur départ à l”aube lui rafraîchit sur le champ la mémoire.

    Le tueur, surpris par cette intervention inattendue, tente d”imaginer une histoire crédible. Il révèle aux enfants de Daba le projet nourri par ce dernier depuis des mois de se rendre en Espagne. Le patron, assure-t-il, lui a demandé de ne pas divulguer son secret. Daba serait donc parti ce matin après avoir remis 425.000 F à son apprenti. Sur ce total, 20.000 F sont destinés à la mère de Mamadou. Mais la maman, une fois de plus, refuse d”être la complice d”une situation qu”elle devine suspecte. Elle dément les allégations de son fils. Elle n”a jamais demandé une aide à Daba.

    L”affaire sent le roussi pour Mamadou. Les parents de Daba le traînent au commissariat de police du 7e arrondissement. Le jeune homme résiste pendant quelques jours. Avant la limite légale de la garde à vue, sa conscience le tourmente. il se met à table devant l”inspecteur Abos. Il accepte même de conduire les policiers au puits où gît le cadavre de Daba. Le corps est en état de décomposition avancée au moment de son extraction. Mamadou accepte le jeu de la reconstitution des faits à la demande des policiers .

    Les trois assassins ont tous été arrêtés et déférés au tribunal de la Commune VI. Un juge d”instruction leur confirmera qu”ils sont véritablement dans de sales draps.

    G. A. DICKO

    Commentaires via Facebook :