Une étrangère qui se fait appeler Fatoumata Keita a tenté de corrompre un policier pour se procurer une carte d’identité nationale.
Le phénomène des faux actes de naissance est devenu si important que les agents de l’Etat chargés d’établir ces documents ne savent plus à quel saint se vouer. Ils hésitent plus d’une fois avant d’accorder le précieux sésame aux demandeurs. Face à l’importance du phénomène, ils exigent maintenant à tout demandeur d’apporter avec lui l’original de ce document mère de tous les actes d’Etat civil. « Nous ne faisons de procès d’intention à qui que ce soit nous a dit un policier de la section Carte d’identité dans un commissariat de la place. Il nous est revenu que l’obtention de l’acte de naissance ne coûte plus rien. Il suffit d’avoir avec soi la somme de 4000 Fcfa pour obtenir un extrait d’acte de naissance légalement établi par un conseil municipal. Pour obtenir le volet n° 3 du registre de naissance, vous devez payer simplement la somme de 10.000 Fcfa ». Après cette explication le policier explique le dilemme devant lequel les agents se trouvent « on vous apporte un document signé par une autorité compétente. Vous n’avez plus le droit de le refuser. Si vous le faites, vous êtes susceptible de poursuite par la même personne.
Or il se trouve que certaines personnes qui arrivent à notre niveau ne parlent aucune des langues nationales. Lorsque vous leur opposez cet argument, elles vous disent qu’elles sont de la diaspora et sont capables de vous emmener un chef de quartier ou de famille respectable qui vous confirmera que la personne en question est bel et bien malienne. » Des situations de ce genre sont vécues quotidiennement par les policiers. Et à chaque fois, c’est le même dilemme. Faut-il ou non accorder le document à la personne qui demande ? Pour un assez grand nombre de policiers et de gendarmes conscients de l’importance de la carte d’identité, mais surtout de l’image de leur pays à l’extérieur (beaucoup de personnes non maliennes ont été arrêtées à l’étranger avec le passeport national) la question ne se pose plus. Chaque fois qu’il y a un doute sur la nationalité d’un demandeur de pièce d’identité, ils trouvent un moyen de refuser.
Mais cela, comme ils l’ont eux-mêmes constaté ne sert à rien dans la mesure où certains agents n’ont pas la même préoccupation de l’image du pays. Cette seconde catégorie d’agents pense plus à rentrer à la même maison avec leur prix de condiments qu’à protéger leur pays. Nous avons bavardé plusieurs fois avec des agents dont le souci est plutôt de se faire la poche au détriment de l’intérêt national. Ils vous répondent invariablement qu’ils ne peuvent refuser la délivrance des cartes nationales d’identité dans la mesure où les documents à partir desquels elles doivent être établies sont signés et cachetés d’une autorité compétente. En plus cette autorité prend toujours soin par obligation de mettre son nom et sa signature sur le document. « Pourquoi alors ne pas aller chercher à la source ? Pourquoi ne pas arrêter ses faussaires officiels ? », s’interroge un compatriote qui assistait à cette causerie. Comme nous l’avons laissé entendre au début de cet article, tous les policiers ne sont pas véreux. Certains luttent conte le phénomène soit en demandant l’original de l’acte incriminé, soit cherchant des personnes de bonne moralité qui attestent que le demandeur est bel et bien un Malien.
Dans un commissariat de la rive droite dont le responsable a requis l’anonymat, il s’est produit un événement presque ubuesque qui prouve à suffisance que tous les demandeurs des pièces d’identité ne sont pas forcement des Maliens. Dans cette unité de police, une très jolie demoiselle s’est présentée hier matin. Elle se fait appeler Fatoumata Keita. Par devers elle, elle avait un copie d’un extrait d’acte de naissance établi dans un centre d’état civil secondaire de la rive droite. Croyant bien pouvoir charmer le chef CI, elle tendit le document (un faux) pour demander dans un Français approximatif qu’elle souhaitait obtenir un pièce d’identité au plutôt puisqu’elle envisageait de voyager aujourd’hui. Le policier prit le document et l’examina attentivement avant de lui poser la question : « vous avez l’original ? » Fatoumata Keita répondit par la négative. Le policier voulant bien la ferrer lui expliqua qu’elle devait retourner à la maison chercher l’original. Notre charmante jeune fille lui sourit et lui demanda s’ils pouvaient se voir en aparté. Le sous-officier supérieur accepta de se plier à cette exigence et quitta son bureau pour la suivre dans un coin. A d’eux, elle lui expliqua que le document n’était pas établi dans les règles de l’art. Elle n’est pas Malienne mais elle veut coûte que coûte obtenir un passeport national pour lui permettre de se rendre à l’extérieur. Elle lui proposa alors de prendre 50.000 Fcfa pour l’aider à obtenir la carte d’identité. Le policier répondit qu’il n’était pas question de jouer son jeu. Sauf à une condition : venir avec l’agent de la mairie qui lui a donné le faux acte de naissance. La fille ayant vite compris qu’elle était sur le point d’être arrêtée promit sans même réfléchir de revenir avec lui dans quelques minutes puisque le mec était un de ses amis. « J’ai manqué de reflexe policier puisque je l’ai laissé partir sans la faire filer par un agent », regrette le policier qui nous a demandé de rester pour assister à la suite de l’affaire. Fatoumata Keita partit pour ne plus revenir. Le policier attendit en vain jusqu’à 16 heures. « Elle ne reviendra jamais et elle fera sa carte d’identité quelque part en ville au regard de la somme qu’elle propose aux éventuels faussaires », assure un autre agent du même commissariat.
Cette histoire démontre une fois de plus si besoin en est, comment plusieurs personnes se procurent nos documents les plus précieux et se font passer pour des nôtres à l’extérieur alors même qu’ils ne l’ont jamais été ni d’Eve ni d’Adam. Les Maliens se rappellent sans doute du Nigérian interpellé à Bamako-Senou en provenance d’Espagne avec une grande quantité de drogue dans le ventre qui portait un passeport national du Mali. C’était en décembre dernier. L’homme qui se faisait appeler Abdoulaye Diallo a été présenté à la télévision nationale avec les 20 boules de cocaïne qu’il avait pondues. Combien de personnes comme lui font la même chose ? Nul ne saurait le dire. Et cette affaire comme beaucoup d’autres vont sans doute continuer tant qu’on n’aura pas pris conscience des dangers auxquels on expose notre pays. Et nous osons croire aujourd’hui qu’avec le dernier RAVEC peut-être beaucoup des citoyens de pays tiers se sont fait recenser comme des Maliens comme vous et nous. Qui sait ?
Gamer A. Dicko