Face à un rapport d’audit opaque : Le ministre de la santé écrit au Directeur du Fonds mondial

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    Pour mieux comprendre l’affaire, il faut remonter à 2003, année à laquelle le Ministère de la Santé a bénéficié, du Secrétariat du Fonds Mondial, de financements importants à travers plusieurs rounds. Ces subventions sont destinées au financement d’activités mises en œuvre par le Programme National de Lutte contre le Paludisme (PNLP) et le Programme National de Lutte contre la Tuberculose (PNLT). La mise en œuvre est faite, à travers des plans d’actions approuvés par le Comité de Coordination du Mali (CCM) et le Secrétariat du Fonds Mondial. Pour la gestion budgétaire, financière et comptable, la Direction Administrative et Financière (DAF) du Ministère de la Santé a été indiquée, en raison des missions qui lui sont dévolues dans le cadre du Programme de Développement Sanitaire et Social (PRODESS).

    Les conditions du fonds rectifiées en 2008

    Suivant les exigences du Fonds mondial, un agent a été recruté, qui tient la comptabilité des deux programmes bénéficiaires au niveau de la DAF. « Ce comptable gestionnaire assurait le traitement des requêtes des deux programmes, la tenue des supports comptables et l’élaboration des chèques et des ordres de virements relatifs aux dépenses éligibles sur les subventions. Par conséquent, il détenait les chéquiers et était habilité à effectuer auprès des banques les retraits de relevés, les avis de crédit, les chéquiers », selon nos informations. Cependant, la gestion des programmes financés par le Fonds Mondial a fait l’objet d’une série de contrôles internes et externes qui ont signalé les insuffisances (absence d’état de rapprochement bancaire, avances de fonds non justifiées datant de plus d’une année, absence de copie de chèques tirés sur les comptes bancaires, mauvais classement des documents, mauvaise tenue des comptes). L’exécution des taches par un seul agent, tel que recommandé par le Fonds mondial, s’est révélé inopérante. C’est pourquoi en vue de maîtriser ces insuffisances, la DAF a décidé de renforcer la comptabilité en 2008, par l’affectation d’un agent chargé du traitement des pièces justificatives. Ce dispositif a été renforcé en 2009 par un second agent chargé du suivi budgétaire et du rapportage financier.

    Le comptable du fonds mondial en cause

    « Au cours des travaux de clôture de l’exercice comptable 2009, ces renforcements ont permis de déceler des pratiques frauduleuses d’imitation de signatures. Ces manipulations frauduleuses ont été confirmées par la confrontation que la Direction Financière et du Matériel (DFM), a organisée avec le comptable du fonds mondial, Monsieur Ichiaka DIALLO », selon nos sources. Ce qui a conduit le département de la santé à porter plainte contre l’intéressé auprès du Tribunal de la Commune III, par lettre n°00477/MS-SG du 20 octobre 2009. Le ministre de la Santé Oumar Ibrahim Touré pouvait-il faire autrement, à cheval qu’il est sur la politique du Président Amadou Toumani Touré, de lutter farouchement contre toute forme de délinquance financière au Mali ? Le montant détourné s’élève à 140 millions de FCFA. Les dispositions ont été prises pour reverser ce montant au Fonds Mondial. Et c’est le gouvernement de la République du Mali qui a remboursé les sommes détournées et engagé des poursuites judiciaires contre les auteurs pour marquer sa volonté de mettre en œuvre toutes les recommandations issues des différentes missions du Fonds mondial.

    Le Fonds produit un rapport d’audit opaque

    En novembre 2009, soit un mois après, le Fonds Mondial envoie une mission d’inspection dans notre pays. Le chef de la mission et le chef des auditeurs financiers ont eu une séance de travail avec le Secrétaire Général du Ministère de la santé qui les a informés de la situation qui prévaut et fait le point de la procédure judiciaire. « La mission d’audit après une première phase de travail a demandé la reprise de la comptabilité des quatre rounds, pour dégager une comptabilité par round au lieu d’une comptabilité par programme que la DAF avait précédemment élaborée ». Ce travail a été fait en deux mois, et soumis aux auditeurs du Fonds mondial en février 2010, qui ont apprécié le travail de qualité, effectué en peu de temps, selon nos sources. Le rapport de cet audit devrait en principe être porté à la connaissance du département de la santé, en vue de recevoir les commentaires et observations avant la version finale. Cela n’a pas été fait, à présent. Ce qui amena le ministre de la Santé, Oumar Ibrahim Touré, à adresser au Directeur Général du Secrétariat du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, une lettre en date du 3 août 2010, soulignant sa surprise « d’apprendre des rumeurs faisant état de la production et la diffusion restreinte par votre organisation, d’un rapport contenant de graves accusations de corruption compromettant la crédibilité de l’ensemble du Programme de santé du Mali. L’ampleur des rumeurs a été telle que certains de nos partenaires techniques et financiers parmi les plus importants ont décidé de surseoir au décaissement des contributions dont les requêtes leur ont été régulièrement adressées ». En effet, le ministre lui a demandé la fourniture d’«information exacte » par rapport à cette situation, en même temps que « les copies des rapports des différentes missions effectuées dans mon département sous l’égide de votre institution »

    Transparence au département de la santé

    Les agents commis par l’inspecteur général du Fonds mondial, ont scanné l’intégralité des pièces justificatives produites à cette date. Et quelques semaines après la fin de l’audit sur le terrain, l’inspecteur général du Fonds mondial a initié une mission d’investigation au Mali, qui a sillonné tout le territoire national, et aurait interrogé environ 600 personnes.

    C’est ainsi que des opérateurs économiques consultés dans le cadre de l’approvisionnent des programmes en biens et services, ont été individuellement écoutés sur les différentes procédures et la réalisation des prestations. En outre, les banques dans lesquelles les fonds étaient domiciliés, ont été approchées par la mission d’investigation. L’appui du département de la santé leur a permis d’avoir accès aux informations et à toute la documentation bancaires. La mission a aussi sollicité le département de la santé, pour obtenir certaines précisions concernant des achats et des travaux. Cela a conduit à une série de visites de chantiers et d’anciennes réalisations, comme l’infirmerie de la prison centrale de Bamako réhabilitée en 2005 sur le financement du Fonds mondial, le service pneumologie à l’hôpital du Point G, et le laboratoire national de référence à l’INRSP dont les travaux ont subi des modifications suivies d’un avenant pour prendre en compte les observations des Experts du Fonds mondial venus des Etats Unis, pour évaluer le respect des normes en matière de micro-bactériologie.

    B. Daou

    Affaire à suivre. 

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    Un rapport contre toute orthodoxie de l’audit

    Au terme de leur mission d’inspection, le chef de mission des Inspecteurs du Fonds mondial indiquait que le Rapport provisoire parviendrait au Ministère de la santé dans les 2 ou 3 semaines suivantes. « Mais au lieu de faire parvenir ce Rapport au Ministère de la santé, comme cela se fait avec toute inspection sérieuse, afin de recueillir les éléments de réponse, le Fonds mondial a fait circuler des rumeurs, au niveau de l’ensemble des Ambassades, Chancelleries et Partenaires techniques et financiers, faisant état d’une corruption généralisée dans le secteur santé au Mali. Une rumeur tendancieuse pour dire que la santé des maliennes et des maliens, ne mérite plus qu’on y injecte un sous », indiquent des sources proches du dossier.

    Le choc

    Ainsi, le 28 juillet 2010, les Ambassades des Pays-Bas et du Canada ont rencontré le Ministre de la santé, pour l’entretenir autour des rumeurs tendancieuses véhiculées par le Fonds mondial. Alors, qui a intérêt à e que le Mali soit déchu du financement de la santé des Maliens ? Actuellement sur la scène internationale, la situation n’est certes pas rose pour le Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose. A but non lucratif, le Fonds est destiné à  recueillir, gérer et distribuer des ressources. Les riches donateurs comme les Etats-Unis, l’Angleterre, Bill Clinton, Bill et Melinda Gates, ne le financent plus assez, comme par le passé. Le ministre de la Santé du Mali Oumar Ibrahima Touré n’est plus un novice de ce monde après plusieurs années passées à la tête de ce département. Ainsi les 25 et 26 mars 2010, présent à la réunion de haut niveau de GAVI sur le financement des pays, il a été fortement sollicité par Michel Kazatchkine le Directeur Exécutif du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. A cette occasion, le ministre malien a fait un vibrant plaidoyer au nom des pays bénéficiaires, afin de renflouer les caisses du Fonds mondial. Comme on le sait, le Fonds n’est pas une agence de l’Organisation des Nations Unies, bien qu’ayant son siège à Genève. Y a-t-il une raison pur que le Mali soit dans le collimateur de ce bailleur ?

    B. Daou


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