Chaque jour que Dieu fait, des Bamakois tombent dans le traquenard des escrocs. Leurs victimes ? Il suffit de leur parler d’argent et de diable pour qu’elles courbent l’échine. Mais la finalité, c’est un véritable voyage dans les enfers.
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Moussa Traoré est de ceux-là qui croient à la multiplication des billets de banque par des diables. Transporteur de son état, domicilié à Baco-Djicoroni Golfe, il a rendu grâce à Dieu pour lui avoir envoyé du ciel un messie pour le couvrir de bonheur. Courant mai dernier, Moussa Traoré reçoit un appel téléphonique d’un inconnu lui instruisant le sacrifice de trois noix de colas. La nouvelle surprend le transporteur qui n’a pas souvenance d’avoir consulté un marabout ou un charlatan pour une quelconque affaire. Très gentiment, il répond à son interlocuteur qu’il s’est certainement trompé de numéro de téléphone. L’escroc signe et persiste qu’il s’agit bien de lui. Il dit s’appeler Baba Haïdara, fils d’un célèbre imam de la ville mystérieuse et mystique de Tombouctou d’où il téléphone.
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Le seul nom de Tombouctou envoûte Moussa Traoré. Tout travail cessant, il fait le sacrifice des trois noix de colas. Le même jour, aux environs de 19 heures, son bienfaiteur l’appelle pour lui dire que le sacrifice des trois noix de colas n’a pas abouti d’après ses diables qu’il vient de consulter à l’instant. Ceux-ci auraient révélé qu’il n’a pas atteint l’âge d’être milliardaire comme il le souhaite. Qu’à cela ne tienne, poursuit l’escroc, il s’emploie jusqu’à ce que ses diables du désert cèdent.
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En attendant, il demande à son client de faire un sacrifice de 28 mètres de tissu blanc. Mais en lieu et place, il pouvait lui envoyer une carte prépayée de 10.000FCFA, lui-même fera ce sacrifice sur place à Tombouctou. Moussa Traoré s’exécute. Le lendemain, le marabout recommande à son client l’achat de trois grosses cantines qu’il garde au fond de sa chambre. Ces diables les rempliront de billets de banque dans les heures qui suivent. Vers le soir, Baba Haïdara, le marabout appelle à nouveau Moussa Traoré pour le mettre en contact avec le plus vieux des diables qui l’accompagnent dans ses travaux maraboutiques.
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Le client commence à comprendre le jeu. Mais, il fait semblant d’être toujours intéressé par l’offre. Il se met à la disposition du vieux diable qui lui dit ceci : « Tu n’auras jamais satisfaction tant que tu n’as pas les 28 ans révolus. Mais les choses peuvent s’arranger. Tu achètes neuf mètres de tissu blanc, plus la somme de 45045FCFA que tu déposes sur la chaussée submersible. Tu verras aussitôt tes vœux exaucés. » Moussa décline l’offre. Trois jours après, il appelle le marabout pour lui dire qu’il a pu rassembler le montant que le vieux diable lui a exigé et qu’il était prêt à le déposer avec le tissu blanc sur la chaussée submersible.
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Le client rencontre le diable avec un coupe-coupe
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Moussa Traoré armé d’un coupe-coupe au bout recourbé, se transporte au bord du fleuve Niger, sur la chaussée submersible. A peine est-il arrivé qu’il informe le marabout du dépôt de l’argent et du tissu blanc au lieu indiqué. Il se retire dans un endroit discret en attendant l’arrivée du diable. Quelques minutes plus tard, un homme sort de terre pour se diriger sous des manguiers. Il se met à fouiller partout dans l’espoir de tomber sur le colis. Moussa Traoré, coupe-coupe en main crie aussitôt au voleur. Une course-poursuite s’engage entre le client et son « diable ».
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Visiblement dépourvu de ses pouvoirs magiques, le diable tombe dans les mains de son poursuivant. Moussa Traoré se fait aider par des pêcheurs pour attacher le délinquant comme un fagot de bois en attendant d’alerter le commissariat de police du 3e arrondissement territorialement compétent. C’est l’Epervier du Mandé, l’inspecteur principal Papa Mambi Keita, médaillé du mérite national, et ses hommes qui volent au secours de la victime. Ils arrêtent et conduisent le suspect à leur base pour les besoins de l’enquête. L’homme s’appelait Amadou Doumbo, âgé de 25 ans, né à Koro dans la région de Mopti, gardien de profession, domicilié à Daoudabougou. Il est de nationalité malienne. Il est illettré et il n’a pas fait le service militaire et n’a jamais été poursuivi ou condamné par les tribunaux. Sommairement interrogé, il n’a pas nié les faits.
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Mais, il charge un certain Mohamed Cissé qui selon lui, serait le cerveau de cette affaire. La police se lance à la recherche de ce dernier mais en vain. Est-il fictif ? C’est l’affaire de son accusateur qui fera les frais. Quant à Moussa Traoré, la victime, au cours de sa déposition, il déclare qu’il n’est pas à sa première fois d’accrocher les escrocs. Entre 2002 et 2003, ils lui ont soutiré 2.500000FCFA de la même manière. Pour cette fois-ci, c’est la bande de Baba Haïdara (un nom fictif) qui se fait entendre. Ne s’agit-il pas de la même bande ? La victime est fortement convaincue.
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O. BOUARE
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Kabako du 22 juin 2007
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