A Bamako, la géomancie est devenue une activité très répandue, où se côtoient de vrais connaisseurs et de faux prophètes qui prédisent tout, promettent tout et se disent capables de réaliser tous les miracles sur terre. Qui sont leurs clients ? Enquête.
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La société malienne, quoique fortement islamisée, n’en demeure pas moins très versée dans la superstition. Un concept que le dictionnaire, le petit Larousse, définit comme étant une « déviation du sentiment religieux fondée sur la crainte ou l’ignorance et qui prête un caractère sacré à certaines pratiques et obligations ».
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Quelles sont les pratiques qui tombent sous un tel qualificatif ? Une des plus courantes, car largement répandue, est la géomancie. Une activité par laquelle des personnes prétendent informer leurs clients sur leur chance et sur ce que l’avenir leur réserve.
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Même si ces géomanciens sont fréquentés par toutes les couches de notre société sans exclusive, il est unanimement admis que les femmes et les jeunes filles sont parmi leurs plus fidèles abonnés.
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Difficile de trouver aujourd’hui, chez nous, une jeune fille ou une femme qui ne fréquente ces marchands d’illusions. Pour l’apprentissage de la géomancie, les explications ne sont pas toujours les mêmes et varient d’une personne à l’autre. Alors que certains vous disent l’avoir appris auprès d’une tante ou d’une amie, d’autres soutiendront que c’est pendant le sommeil que des esprits leur ont transféré les connaissances. Dans tous les cas, la question que soulève la problématique réside moins dans le comment de la réception de ce savoir mais de la véracité des révélations faites aux clients.
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rnPendant que X expose un problème de couple, Y saisit son consultant d’une question de malchance alors que Z croit être victime d’un mauvais sort que lui aurait jeté une personne jalouse de ses succès. Dans chacun des cas, on attend du géomancien qu’il trouve les remèdes. Lorsqu’il ne parvient pas à assurer au client le résultat promis, le géomancien trouve toujours une explication pour cacher son échec Il n’est pas rare pour certains clients de s’entendre dire que c’est un mauvais génie qui est rentré dans le jeu au dernier moment pour fausser toutes les données.
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S. Bagayoko est un ressortissant de Yanfolila. Il serait très versé dans l’interprétation du langage des cauris. Il réside à Niamakoro, un quartier populeux de la capitale, où il est très sollicité. Du matin au soir, il continue les consultations avec ses nombreux visiteurs. Mme Sidibé, une commerçante de la place, fait partie de ses plus fidèles indicatrices auprès des autres. Elle apporte son secours au « Karamoko kê » depuis qu’elle-même a eu son problème de visa sur la France réglé.
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Assis sur une vieille natte à même le sol, S. Bagayoko ramasse instinctivement de nombreux cauris et, d’un geste machinal, les envoie s’éparpiller au sol en faisant des signes de la tête. « Les cauris ne mentent jamais ! Ce que je vois là, c’est une femme qui cherche par tous les moyens à vous nuire. Pour vous protéger, voilà les offrandes qu’il faut faire… », disait-il à une dame dont les affaires avaient du mal à prospérer.
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Les géomanciens ont cela de commun, c’est qu’ils terminent toujours leurs consultations par des sacrifices à la charge du client. Dans bien des cas, pour cacher sa carence, le géomancien, demandera au client de faire des choses difficilement réalisables. Comme par exemple se laver de jour dans un lieu public, ou bien se procurer un morceau de linceul d’une personne fraîchement décédée. Naturellement, lorsque le client trouve l’offrande hors de portée, le géomancien, lui trouve toujours une ouverture. Moyennant une importante somme d’argent qu’il fixe sans attendre, il fait comprendre au client qu’il peut trouver des gens capables de lui procurer un tel sésame. Le client, n’hésite pas à mettre la main à la poche, au prix de s’endetter.
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Croyant fermement aux enseignements de la géomancie, ils sont nombreux ceux qui, sans hésitation, tente eux même l’aventure. Les femmes font preuve d’un grand courage dans ce sens. Qui ne se souvient, encore de cette histoire insolite survenue il y a quelques années dans notre capitale lorsqu’en plein cœur du grand marché, une femme se jeta sur une autre femme de teint clair qu’elle s’est mise à battre de toutes ses forces. Pour justifier son attitude, elle dit venait de chez un géomancien, qui lui avait indiqué que son mal est le fait de la première femme de teint clair qu’elle croisera sur son chemin.
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Ce genre de réaction est malheureusement très courant dans notre société où des gens, sous la pression de difficultés quotidiennes, prennent pour de l’argent comptant tout ce qu’on leur raconte. A ce jour, nombreuses sont les familles disloquées sur cette base.
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L’activité est en passe de prendre une tournure de plus en plus regrettable avec l’installation dans ce créneau de personnes de mauvaise intention qui, sans aucune compétence, se permettent de spolier ceux qui ont eu l’imprudence de leur faire confiance. Cette pratique qui ne se faisait, avant, que dans le secret des maisons est aujourd’hui, transportée dans les rues. Sur certains grands axes de la ville, on peut compter plusieurs personnes assises en rang pour consulter les cauris. On les rencontre actuellement en nombre important vers la gare ferroviaire. Un petit sondage auprès de certains de nos concitoyens a permis de constater qu’il existe, une minorité de gens qui ne croient pas du tout à la géomancie. Cela pour des raisons religieuses.
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Oumar Diamoye
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