Encore une bavure policière :Un mineur de 15 ans tiré à bout portant

    0

    Il a juste quinze ans. Il a été atteint d’une balle tirée à bout portant dans la nuit du samedi 19… Et ses entrailles se déversèrent sur  le sol … La police malienne vient de frapper encore. Hélas ! 

    Nous sommes aux environs de 19 h ce samedi au quartier Bagadadji en Commune II. Des éléments de la brigade de recherches du commissariat de police du 3ème arrondissement font irruption dans cette partie de la ville. Ils sont cagoulés comme des braqueurs à l’assaut d’une banque. Ils pénètrent dans une famille et interpellent violemment trois personnes dont deux vieillards. Les voisins sortent et tentent de comprendre. Qui sont ces assaillants (ils étaient tous cagoulés) ? Que reprochent-ils aux personnes interpellées? d’ailleurs, ont-ils un mandat s’ils s’avèrent être des policiers en mission ?

    Pour toutes réponses, les assaillants firent usage de leurs armes, des pistolets automatiques en l’occurrence. Ils se mirent à tirer sur tout ce qui bouge. Sans sommation !

    C’est en ce moment qu’arriva le jeune Mamoutou Diakité. Comme tout le  monde, il est effrayé par les coups de feu et tente de se mettre à l’abri, derrière un kiosque métallique. Mais un des tireurs fous l’a aperçu. Il le cibla et tira.

    Le malheureux est touché à l’estomac et il voit ses entrailles se rependre sur le sol. Pris de panique, il tenta de prendre la fuite. Mais la douleur et l’hémorragie le stoppèrent net. Il s’effondra sur le sol et commença son agonie.

    Les policiers, eux avaient fini leur opération. Ils embarquèrent en effet les trois personnes et s’en allèrent sans un regard au mourant.

    C’est la population qui intervint rapidement et le conduisit le à l’hôpital. Tenez-vous bien, c’est sur une moto qu’il y fit conduit. Il fut vite admis dans le bloc opératoire.

    C’est bien plus tard, aux environs de 21 heures 30 que les bourreaux se rendirent à l’hôpital pour s’enquérir de l’état de santé de leur victime. Ils firent semblant d’être bouleversés, tentèrent d’amadouer les parents du malheureux en leur promettant de rembourser les frais d’ordonnance et… partirent comme ils étaient venus, c’est-à-dire avec la plus grande désinvolture. En somme, en admettant que les parents de la victime soient dépourvus de moyens, ce qui est d’ailleurs le cas, comment les ordonnances auraient pu être payés ?

     Après tout, c’est la  police malienne !  Et la victime, rien d’autre qu’un enfant de quartier populaire dont la disparition ne troublerait le sommeil de personne ! Pas des généraux ATT, Gassama… En clair, nos braves policiers savent qu’ils ne risquent rien en abattant un citoyen malien issu de bas étage. Ce ne sont pas les preuves qui manquent.

    CE QU’ILS RECHERCHAIENT

    Il nous revient que les policiers étaient à la recherche d’un dealer. Selon les informations à leur disposition, les trois personnes seraient impliquées dans le trafic de stupéfiants. Elles auraient été dénoncées par un suspect appréhendé le même jour par la police.

    En clair, nos «limiers» n’avaient aucune preuve. Ils ne disposaient non plus de mandat de justice. Que faire d’un mandat de justice dans ces quartiers populaires ? Ici, on tire d’abord et on réfléchit après ! La légalité ? Peuh !

    En la matière, les enquêteurs procèdent à une enquête de fond. Les suspects sont discrètement surveillés… Et une fois les preuves suffisantes rassemblées, l’action peut commencer. Et si d’aventure, il y a lieu de procéder à une perquisition dans un domicile privé, les enquêteurs doivent se munir d’un mandat de justice en bonne et due forme.

    Evidemment, la police malienne se donne tous les droits surtout dans les quartiers populaires. Et elle n’aura qu’à produire ensuite « de faux rapports» (c’est le ministre Sadio Gassama qui le dit) accusant la population d’être le véritable fauteur de troubles.  Pauvre population ! Elle restera toujours coupable ! Et l’Etat aura toujours raison ! Mais jusqu’à quand ?

    Et pourtant, celle de Bagadadji en l’occurrence, a plusieurs fois interpellé  et même accusé certains éléments de la police d’être en complicité avec les dealers et autres malfrats.

    Les habitants de Bagadadji ne sont pas les seuls à se plaindre. Ceux de Medina-Coura ont, à leur tour, dénoncé, les bakchichs que reçoivent régulièrement certains agents et services de la police de proximité des mains des malfrats  afin de pouvoir opérer tranquillement. Dans ces quartiers populaires en effet, les délinquants et autres marginaux de la société n’hésitent pas à narguer en ces termes,  leurs victimes qui chercheraient à porter plainte à la police : «vas-y donc ! Sache que nous les avions déjà payés !» ou, «nous ferons appel à tel chef pour vous mater» !

    DÉSESPÉRANT !

    Si l’incident était une première du genre dans le contexte actuel de contestation généralisée et empreintes de soulèvements populaires un peu partout sur le continent, l’on aurait juré que les auteurs de ce crime ont agi avec préméditation et dans le dessein inavoué de susciter des mouvements populaires. Mais non ! Il ne s’agit pas d’une première ! Ce qui change tout ! Heureusement ou malheureusement ! L’on ne saurait, en tout état de cause, parler d’incitation. Mais d’inconscience, dans le sens réel du terme! Ces personnes n’ont véritablement pas conscience de la portée des actes qu’ils posent. Et pour cause.

    En ces temps qui courent, toute autorité responsable est sensée savoir que nul pays n’est à l’abri des soubresauts que connaissent aujourd’hui certaines parties du continent. En Tunisie, il a fallu moins qu’un coup de feu  pour que l’ordre établi soit définitivement bouleversé. Certains individus (ils se trouvent malheureusement dans tous les rouages de l’administration publique malienne) n’ont véritablement pas conscience du risque qu’ils font courir au pays. La police s’illustre malheureusement comme le champion toute catégorie dans les actes de maladresses.

    Tenez : courant 2009-2010, deux citoyens ont été froidement abattus par balle. A la même période, des éléments de la police ont été impliqués dans de graves troubles à l’ordre public avec les chauffeurs et apprentis. Les derniers incidents en date remontent au début du mois de février au Stade Omnisports lors de la cérémonie de remise de médaille au Président de la République. Là, des éléments ont voulu faire taire de force un troubadour qui, par surcroît, est proche du pouvoir en place.

    Et n’allez surtout pas croire qu’ils ont des égards pour  eux-mêmes ou pour les autres porteurs d’uniformes. La semaine dernière, c’est un militaire qui fut molesté à Doumazana encore par de jeunes policiers. Au mois de Novembre dernier, ils s’en prirent, tenez-vous bien, à la famille d’un des leurs, à savoir, le secrétaire Général de leur syndicat Tidjane Coulibaly. Ils ont fait usage d’un fumigène dans le domicile conjugal du malheureux. Bilan : au mois  cinq blessés dont l’épouse, la mère et les enfants. En clair, nul n’est épargné ! C’est le comble !

    Naturellement, c’est le laxisme et l’impunité des plus hautes autorités qui sont à l’origine du phénomène. Interpellé par rapport à ces bavures, le 08 juin dernier, ATT se contenta tout simplement de promettre des sanctions…, seulement après la prochaine bavure. 

    Jamais auparavant, la police malienne ne s’est rendue autant impopulaire et désagréable aux yeux de la population qu’elle est censée protéger et éduquer ! Evidemment, il n’est plus possible aujourd’hui en son sein, de séparer  la bonne graine de l’ivraie, tant cette dernière s’est multipliée du fait du laxisme, de l’impunité, du clientélisme et de la médiocrité.

    Souvenons-nous, en tout état de cause, que nous avions crié au scandale ici au Mali  quand un compatriote  a été recemment abattu  en France, par un policier à l’aide d’un taser.

    Lui, avait  38 ans et séjournait à l’étranger. La victime de Bagadadji vit dans son propre pays et n’avait que 15.

    Que Dieu préserve le Mali !

    B. Diarrassouba

    Encadré

    Pourquoi seulement la police ?

    « Ce qui se passe à la police est impensable à la gendarmerie encore plus à la garde nationale ou dans un camp militaire». C’est fut la seule et unique réaction d’un haut gradé de la Gendarmerie nationale suite à l’incident de Bagadadji.

    Certes, d’autres porteurs d’uniformes (militaires, gardes, gendarmes) sont souvent cités dans cas de  bavures. Mais la fréquence est plus élevée au niveau de la police où il ne se passe une semaine, sans qu’un policier ne soit cité dans un scandale.

    Les vieux policiers sont les premiers à déplorer le phénomène et à regretter ces temps où ils avaient conscience d’appartenir à un corps d’élite et «civilisé».

    Fort heureusement, les perles rares existent encore. Mais il s’agit véritablement d’une espèce en voie de disparition puisque rien n’est fait pour sauver ce qui reste encore des bonnes mœurs et de la morale. Ici, c’est désormais le monde à l’envers. La médiocrité est récompensée et le mérite châtié ; la conscience professionnelle vilipendée… Des éléments ont vu leur carrière précocement assombrie pour avoir tout simplement bien fait. Au même moment, des «recommandé(es)», médiocres dans tous les compartiments de la profession ont connu une fulgurante ascension.

    En clair, le policier malien est à la fois victime et bourreau de la situation qui prévaut désormais là. Remarquez que certains agents de la circulation routière ont aujourd’hui peur de siffler un véhicule de luxe dont le conducteur serait pourtant en infraction flagrante. Ils préfèrent se focaliser sur les véhicules de transport en commun avec lesquels conducteurs, ils peuvent toujours trouver des arrangements. Dans un tel environnement, l’on comprend que les héros  ne fassent pas légion.

    En tout état de cause, le citoyen malien a perdu foi en sa police. Et ce n’est pas  bon signe.

     

    Commentaires via Facebook :