Un concert de louanges, un hymne permanent à sa gloire grandissante où son élégance tapageuse a interdit toute concurrence au village. Jusqu’au jour l’ex-patronne s’est trouvée nez à nez avec l’aide-ménagère qui apeuré a traversé la cour à grandes enjambées avant de se refugier dans le grenier de mil et d’en être débusquée.
L’aide-ménagère a dévalisé sa patronne pendant son absence pour acquérir des habits et des parures sans lesquels elle a estimé qu’aucun bonheur terrestre n’est possible ni durable. Sa place n’est plus dans la capitale Bamako mais dans son village qu’elle a atteint sans coup férir. Un concert de louanges, un hymne permanent à sa gloire grandissante où son élégance tapageuse a interdit toute concurrence. Des robes et grands boubous en bazin richement brodés, des chaussures de luxe et des bijoux en or massif ont fait perdre la tête aux filles du village qui brûlaient d’envie de venir elles aussi à Bamako avec des bonnes adresses fournies de sa part. Si en tout et pour tout en trois mois d’activité elle a pu réunir une telle constellation d’habillement, et cerise sur gâteau, un bon paquet d’argent, elles ont caressé le rêve de réussir autant voire plus. Le fait que l’aide-ménagère enviée n’a pas la réputation de solide travailleuse dans la contrée autoriserait ce rêve.
Des hommes sous ses aisselles
Sali a réussi et a mis en exécution son désir ardent de récupérer son soupirant qui a longtemps fricoté avec son ex- copine. C’était là une blessure d’amour propre et d’orgueil qu’il fallait cicatriser au plus vite. Sentant que le terrain est bon, elle a foncé. La reconquête n’a été ni dure ni longue. Son porte-monnaie tenant lieu de blason, elle a fait recours au chantage, n’offrant d’autre alternative à celui-ci que de rompre purement et simplement d’avec l’ex-copine. L’ayant eu sous son aisselle, elle a ajouté une nouvelle corde à son arc : chiper cet autre amouraché de l’ex-copine. Sali a vengé doublement à sa manière l’affront qu’elle a subi un soir lorsque son soupirant l’a éconduite et partagé son lit avec sa petite amie. Matin et soir, elle a changé d’habillement, histoire de prouver qu’elle est bien coquette, que l’ex-copine n’est pas de taille à rivaliser avec elle. D’ailleurs a-t-elle besoin d’efforts supplémentaires dans son village et dans bien d’autres situés non loin de là, à quelques encablures de Bla ? Il a suffit qu’elle se baisse pour ramasser une flopée d’hommes aux revenus très modestes et qui s’affichaient à ses côtés comme pour dire qu’ils ne pouvaient espérer meilleur parti. Mais aucun ne l’intéressait : soit que les prétendants n’ont pas toutes les qualités, soit ils n’ont pas une surface financière espérée. Pas question d’épouser un homme qui ne ferait pas d’elle une femme heureuse. Sali a bien changé. Depuis son retour de Bamako, elle s’est montrée très exigeante. Elle les a justifiées par les subtilités de la vie apprises et sa bonne maîtrise de l’art culinaire.
Ses exigences de choix, elle n’a guère le temps de voir son aboutissement. Un après-midi très ensoleillé, une femme visiblement riche, à en juger par son habillement, sa coiffure de rêve et ses hauts talons de grande marque, flanquée de deux solides gaillards, ont arpenté les ruelles du village. Soudain, une voix grasseyante a fait presque bondir le cœur de l’élégante femme qui s’est arrêtée à la surprise de ses accompagnateurs. Des pas pressants, elle s’est dirigée vers la concession d’où est partie la voix. Dès la porte franchie, elle s’est trouvé nez à nez avec l’aide-ménagère qui apeuré a traversé la cour à grandes enjambées avant de se refugier dans le grenier de mil. Médusée, la famille a demandé et obtenu de l’ex-patronne des éclairages.
Honteuse scène
Laquelle brûlait de parler la première en vertu de la vieille méthode qu’elle a toujours appliquée et qui veut que l’attaquant marque un premier avantage. De sa confiance totale à Sali qu’elle a employée durant deux mois et quatre jours, au vol de ses habits, chaussures, bijoux de valeur, de l’argent d’un montant de 350. 000 F CFA, voire des dessous de femme, tout est étalé. Sali, recueillie dans le grenier sur ordre de son père, a suivi l’énumération des effets personnels volés. Les yeux écarquillés des parents pendant l’inventaire semblaient montrer qu’il paraissait incroyable que leur fille avait exerçât les talents d’une voleuse. Les précisions amples fournies – motifs et teintures des robes et boubous en bazin, le design des bijoux – interdisaient toute possibilité de se faire l’avocat du diable. Le papa, essuyant larme sur larme, en a voulu à sa fille d’avoir attiré la honte sur la famille, qu’elle a bâti une joie passagère sur la ruine d’une femme attentionnée qui l’a entouré de tout son amour comme si elle est sa fille.
La scène à laquelle nombreux curieux ont eu le plaisir ou la chance d’assister fût courtée par la remise de l’ensemble des effets personnels de madame et les billets de banque non consommés se chiffrant à 53.210 F CFA. Les événements n’ont pas d’autres rebondissements, puisqu’ en échange aux excuses présentées par les parents de l’auteure du vol solidement épaulés par des personnes de bonne volonté, la victime a décidé d’en rester là, de tourner définitivement la page.
Georges François Traoré