Le chauffeur s’y est attendu le moins. Il a cru que personne n’était au courant. Non personne, sauf le propriétaire de la fourgonnette qu’il a informé de son arrivée. Qui d’autre, sauf ce dernier, a réussi à se procurer les renseignements ?
Par une agréable nuit noire, alors que les aiguilles de montre ont marqué 2 heures, il a stationné le véhicule dans un garage sis à Dialakorobougou où aucun gardien n’y officiait.
Le soleil s’est levé. L’air tiède a senti l’huile brûlé de moteur disposée dans des bassines éparpillées en des endroits où les vidanges ont été effectuées. Les mécaniciens peu soucieux de la propriété du garage n’ont pas eu le réflexe de loger le liquide puant dans des bidons de 20 litres vides abandonnés sous l’unique arbre qui leur a servi d’abri.
A peine fini de renouveler leur énergie en se gavant de galettes poussées au fond du ventre par des gorgés de thé noir que des policiers ont fait irruption. La surprise mêlée de mélancolie a eu droit de cité. Chacun a observé l’autre, un regard interrogateur de courte durée. Ouvriers et apprentis n’ont été d’aucune aide. Ils n’ont rien vu, ni la présence d’une fourgonnette au garage, ni trace du chauffeur.
A quoi bon poursuivre la conversation. Une fouille s’est imposée. Un véhicule ne pouvait être caché dans un garage comme une aiguille dans une botte de foin. Quelques minutes ont suffi pour retrouver la fourgonnette dissimulée au milieu de gros porteurs.
Le chauffeur n’a pas eu le temps de prendre les talons au cou. Il s’est assoupi et n’a pas remarqué l’arrivée des policiers. Les bruits des pas qui se sont dangereusement rapprochés lui ont fait sursauter. Trop tard. A travers la vitre de portière baissée un bout de canon, probablement d’un fusil d’assaut de type AK 47 lui a interdit toute tentative et l’obligé de se plier à l’injonction de descendre les mains posées sur la tête. A cet ordre a suivi un autre : celui d’ouvrir la portière arrière. Le chauffeur a réalisé l’ampleur de l’abîme, mais s’est exécuté.
La cargaison de briques superposées de cannabis s’est offerte aux yeux des policiers. Le comptage serait long et fastidieux. Autant mener cette opération dans le calme au commissariat de police. Une décision dictée par ailleurs par l’atmosphère qui s’est réformée lentement. Tout ce que le garage comptait en personnel est venu vers le véhicule encerclé comme des insectes attirés par la lumière de lampes. Retenu à quelques mètres loin, ils ont au moins dévisagé le chauffeur qui a soutenu les regards indiscrets sans sourciller. Sur son visage a flotté un air inquiet et ses yeux ont semblé lancer des flammes.
Un policier a pris le volant de la fourgonnette tandis que le chauffeur a pris place dans le véhicule d’intervention de la police. La fourgonnette a ouvert le convoi fermé par pick-up des policiers.
Les bavards, qui n’avaient rien à se mettre sous les dents ces derniers temps, ont rapporté la nouvelle deux semaines après coup avec un art consommé de grand récit. Le chauffeur cuisiné ne fut pas long à coopérer. Sur dénonciation, le propriétaire de la fourgonnette est arrêté.