Le téléphone portable aura changé les mœurs à Bamako. Une jeune fille a surpris plus d’un policier au commissariat de police du 6e arrondissement, le 1er février courant, en déclarant que le téléphone portable pour lequel elle a été convoquée par un fabricant de chaises, est le prix des passes qu’elle a offertes à l’ami de ce dernier. La suite est terriblement rocambolesque.
L’affaire a commencé bien avant la fête de tabaski 2006. Un jour, sans d’autres précisions, N.S. dit Ali, fabricant de chaises, domicilié à Banconi-Djanguinébougou et son ami se présentent à B.M., une revendeuse de pastèques du même quartier. Après un bref entretien, l’ami de N.S. demande à la rencontrer dans les jours à venir. Le terrain ainsi débroussaillé, les deux hommes prennent congé de la demoiselle. Quelques jours plus tard, ils reviennent encore pour une seconde visite. Au cours de leur causerie, l’ami de N.S. déclare à B.M. son intention de lui demander sa main en mariage. Il y a de cela plus d’une année qu’il voulait lui en parler, mais, ajoute-il, l’occasion ne s’était jamais présentée.
Parole de coureur de jupons. B.M. n’accepte pas de sitôt l’offre. Dans un premier temps, elle déclare à son nouveau prétendant qu’elle avait des liaisons intimes avec un autre homme. Qu’à cela ne tienne, le maître séducteur de Djanguinébougou ne démord pas. Avec son ami N.S., il parvient à faire mordre à l’appât la revendeuse de pastèques. Celle-ci accepte de sortir finalement avec l’ami de N.S., mais à condition que ce dernier lui achète un téléphone portable d’une valeur de 30.000FCFA. Le nouveau prétendant le promet à B.M. En attendant, N.S. prête un téléphone portable à la demoiselle pour permettre à son ami d’effectuer aussi rapidement son voyage spatial avec B.M. Car, dit-on, il faut battre le fer quand il est chaud. Rendez-vous ainsi pris, B.M. rentre à la maison plus tôt que prévu. La nuit, elle se fait alors embarquer au lieu de travail de N.S. par celui-ci et son ami, dans les mangueraies, en face du restaurant l’Express sur la route de Koulikoro. Ce qui devait arriver arriva. N.S. se retire dans un coin pendant que son ami et B.M. dégustaient le « gâteau de miel ». La soirée se termine merveilleusement pour le « voyageur », marié à deux femmes et père de plusieurs enfants.
Irréalisable rêve de la revendeuse de pastèques
Le nouvel amant de B.M. ayant bu le vin, commence à se jouer de la pauvre revendeuse de pastèques de Djanguinébougou. A chaque jour, ses mots d’espoir pour B.M. Malgré tout, celle-ci ne savait pas que le coureur de jupon abusait d’elle. Cela a duré jusqu’à la mi-décembre 2006 date à laquelle N.S. et son ami se rendent chez elle pour une autre sortie. Malheureusement, cette nuit, elle était avec un autre homme dans une voiture. Convaincue qu’elle allait avoir son téléphone de l’ami de N.S., elle mentit à ses visiteurs qu’elle s’entretenait avec un de ses oncles.
Les deux hommes retournent, le gibier étant dans une autre nasse. Ils passent quelques jours sans rendre visite à la revendeuse de pastèques. Ce n’est qu’à la veille de la fête de tabaski que N.S a réapparu avec une nouvelle stratégie. Il dit être envoyé par son ami pour demander à B.M. de faire son choix entre le téléphone portable et les habits de fête. Celle-ci tranche qu’elle veut son téléphone plus 10000FCFA pour se faire tresser dans un salon de coiffure. Devant l’inflexibilité de B.M., N.S et son ami changent de fusil d’épaule. Cette fois-ci, N.S approche à nouveau la demoiselle pour lui dire qu’il est en possession du prix du téléphone que son ami lui avait proposé. Mais, vu la conjoncture qui s’abat sur lui, il voulait acheter son bélier avec cet argent. En échange, elle garde le téléphone portable qu’il lui avait prêté en attendant que son ami ne se manifeste. Cette proposition n’est pas du goût de B.M. Les choses restent là. Les appels téléphoniques s’interrompent. B.M. comprend alors le jeu des deux hommes. Visiblement amertumée, elle se contente du téléphone portable de N.S qu’on lui a servi en guise d’appât et attend de pied ferme les deux escrocs en amour.
N.S réclame son téléphone
Pendant que la pauvre demoiselle souffrait dans sa chair et dans son âme pour avoir été utilisée comme le « Chien de Panglov », N.S sort sa tête pour lui réclamer son téléphone portable. B.M l’éconduit sans ménagement. Finalement, l’homme se décide de rencontrer la mère de la demoiselle. B.M. du fond de sa chambre l’accueille avec des propos on ne peut plus virulents et désobligeants de nature à écorcher l’orgueil du visiteur. N.S. n’ayant pas pu supporter les gestes de la jeune fille, la convoque au commissariat de police du 6e arrondissement, le jeudi 1er février dernier pour rentrer en possession de son bien. Les deux protagonistes se retrouvent à la section de la brigade de recherche en face des hommes de l’inspecteur de police Ibrahima Maïga, chef de ladite section. Chacun explique sa version des faits. Les policiers comprirent aussitôt qu’il ne s’agit ni plus ni moins que de la dépravation des mœurs. N.S. qui a servi d’intermédiaire entre son ami et la revendeuse de pastèques est arrêté pour proxénétisme pendant que B.M est écrouée pour mœurs légères. Les deux hommes passent le reste de la journée entre les mains de la police. C’est vers le petit soir qu’ils ont été élargis après une solution à l’amiable.
Cette affaire qui n’est en réalité que la face émergée des pratiques éhontées qui se passent quotidiennement dans la ville des trois caïmans, soulève de plus en plus l’éternel problème de dépravation des mœurs dans notre pays. Comment peut-on accepter de tronquer sa dignité contre un simple objet ? A chaque génération, son soleil, dit-on, mais le nôtre est à la limite déshumanisant.
O. BOUARE
Kabako du 9-02-07“