Dans l’univers des coépouses (6) : Kadia et les autres

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    Le surplus venant après l’abondance peut être salvateur. Mais, il est le plus souvent destructeur

    On s’en doute, les pa­rents adoptifs n’a­vaient aucune envie de voir leur fille s’engager dans un avenir aussi précaire. Mais comme ils voyaient que Kadia était profondément amoureuse, ils demandèrent à rencontrer Issa. Ils eurent avec celui-ci deux rencontres au cours desquelles, ils testèrent de manière sévère les sentiments de l’homme. Ils finirent par acquérir la certitude que Issa, lui aussi, aimait la jeune fille de tout son cœur. Les deux Vieux n’étaient pas toujours très enthousiastes pour le mariage religieux. Mais la situation ne leur laissait pas une grande marge de manœu­vre. Kadia ne voulait pas voir Issa chasser une de ses épouses et eux ne voulaient à aucun prix contrarier une petite, qui avait eu déjà assez de malheurs dans sa vie. Ils firent une lettre à leur fils enseignant qui avait été le premier à recueillir Kadia pour lui demander de venir à Bamako. Réticent au départ, ce dernier finit par s’en remettre à l’avis de ses parents pour qui, la rencontre avec Issa avait transfiguré Kadia d’ordinaire taciturne. Pourquoi lui refuser son rayon de soleil ? Le vieux consulta des sages du quartier et prit d’autres avis. Il fut convenu que Issa serait accepté pour que Kadia ne fasse pas une bêtise. Un mois après cette admission dans la belle-famille, un sage suggéra au contre maître d’apporter les colas pour qu’on célèbre le mariage religieux. Aux yeux de la loi civile et même dans une certaine mesure de la loi divine c’était condamnable. Mais du point de vue de l’équilibre moral même de l’orpheline, l’acte était considérable. On imagine le tumulte que le cinquième mariage de Issa déclencha dans la maison de l’intéressé. Fidèle à ses (mau­vaises) habitudes, le con­tremaître plaça ses épouses devant le fait accompli. Au « Grin », la nouvelle fut tout aussi mal accueillie et on critiqua sans réserve la duplicité de l’a­mi volage.

    La fin des illusions- Mais pour une fois et à l’étonnement général, toutes ces attaques ne firent ni chaud, ni froid à Issa. Notre homme exposa froidement le problème à ses amis. Soit on acceptait l’arrangement qu’il avait conclu avec Kadia. Soit il divorçait de l’une des quatre femmes. Le choix de celle qui devait partir était d’ailleurs déjà fait dans sa tête. Ce serait Awa dont l’enfant venait de naître. Ou alors Oumou qu’il soupçonnait de le tromper avec des collègues de service. Issa avait posé le marché d’une voix calme et en regardant ses amis droit dans les yeux. Devant sa détermination, tout le monde se tut. Certains dirent plus tard qu’ils avaient assisté ce jour là à la naissance d’un autre homme. « Tiéya yé gundo yé » (Tout encaisser est le propre de l’homme véritable), lâcha Ladji pour clore le débat.

    La seule qui ne voulut pas rendre les armes sans se battre fut bien sûr Awa. La quatrième femme supportait mal qu’une “petite fille” (ce fut ainsi qu’elle désigna Kadia) vienne la supplanter dans sa place de préférée de son époux. Et pour la première fois depuis dans son entrée dans le foyer de Issa, elle sut ce que c’était la morsure de la jalousie. Elle porta plainte, mais il lui fut répondu qu’aux yeux de la loi, l’introduction de Kadia dans le cercle matrimonial n’avait pas d’existence légale. On pouvait tout au mieux considérer la nouvelle comme une concubine. Une des connaissances de Awa acheva de lui enlever ce qui lui restait d’illusion, en mettant en avant le fait qu’il fallait faire des enquêtes très poussées et pratiquement impossibles à boucler pour prouver, que les vieux et les marabouts avaient scellé cette union en violant la loi en connaissance de cause. Ce genre de témoignages était introuvable dans le milieu des notables d’un quartier. Il fallait aussi prouver que Kadia portait atteinte aux intérêts de Awa. Ce qui n’était pas le cas, puisque cette dernière recevait régulièrement la visite de son mari. Les conseillers de la quatrième femme lui firent comprendre qu’elle pouvait certes durcir le jeu et poursuivre Issa pour adultère. Mais tout ce qu’elle obtiendrait dans le meilleur des cas, ce serait un divorce et Kadia ferait alors son entrée dans la famille en tant qu’épouse légitime. Cette dernière hypothèse était inacceptable pour Awa qui la ressentait (à juste raison) comme la plus humiliante des défaites. Issa avait donc les mains libres, pour conduire son nouveau projet comme il l’entendait. Il construisit une pièce dans la famille de Kadia et la meubla. Fanta s’était montré compréhensive, Oumou (qui avait effectivement eu quelques petites aventures de courte durée) résignée et Ami sans opinion. Awa était définitivement vaincue et les amis du « Grin » ne se mêlaient plus de lui faire des reproches. La « cinquième épouse » s’imposa ainsi à tous. De manière inattendue, son arrivée fit que Issa s’épanouissait effectivement. Son caractère velléitaire s’effaçait lentement et il do­minait mieux ses pulsions. Au fil du temps, il de­venait un hom­me résolu et pondéré que ses épouses légales recevaient régulièrement dans leur couche. Il n’en faisait jamais trop et se fichait de savoir comment se comportaient ses épouses en son absence.

    L’arme suprême de la vieille-Paradoxalement ce détachement lui valut plus de considération. Ses femmes – Awa compris – se tenaient désormais tranquilles. Issa, dont la situation matérielle s’était considérablement améliorée, remplissait toutes ses obligations financières et traitait ses épouses sur un pied d’égalité dans ce domaine. Le hasard avait donc voulu qu’en s’évadant ainsi de son ménage, Issa ait trouvé la paix. Quand il revenait de ses deux nuits chez Kadia, son quatuor d’épouses légales le sentait habité d’une mâle assurance, qu’il n’avait jamais connue pendant les années précédentes de mariage. Fanta, Oumou, Ami et Awa se trouvaient ainsi toutes réduites à faire désormais appel aux amis du mari, quand il y avait des pépins à la maison et qu’elles n’osaient pas aborder de front le sujet avec leur époux. Mais même ce recours n’était pas toujours efficace. Malgré quelques interventions qui cessèrent bien vite, Issa ne voulut jamais déroger à son nouveau plan de conduite. Il faisait le minimum requis chez lui et se consacrait beaucoup à Kadia. On aurait dit que c’était elle l’épouse légale et les autres, les concubines. Les parents adoptifs de la petite étaient visiblement heureux pour cette enfant, parce que pour eux son mari se montrait digne de la confiance qu’ils lui avaient accordée avec beaucoup de réticence. Voilà le plus paradoxal des paradoxes de la polygamie, qui fait que le plaisir recherché se trouve souvent au-delà de la limite permise. Au « Grin », on dissertait sur les changements positifs qui s’étaient opérés en Issa. Et les commentaires s’accompagnaient d’une pointe d’envie.

    Notre ami Bayoro évoqua l’aventure de son cousin germain qui était commerçant au Grand marché. Yéro -comme ce dernier s’appelait- avait dépassé légèrement la cinquantaine. Marié à quatre femmes depuis près de dix ans, il s’était soudainement épris d’une de ses clientes, une certaine Fatou, au point d’en faire une cinquième épouse. Quand le commerçant fit sa connaissance, Fatou, malgré quelle approchait la trentaine, n’avait jamais été mariée. Mais elle avait une fille âgée de près de dix ans. Yéro tomba amoureux fou d’elle et devant la réticence de la dame à être la cinquième et donc illégitime épouse, il alla jusqu’à lui proposer de divorcer de l’une de ses femmes pour elle. La mère de Fatou prit très mal cette proposition, qui était à ses yeux aussi immorale qu’incongrue. Elle interdit donc à sa fille de revoir son soupirant. On ne pouvait pas, selon la vieille, bâtir son bonheur sur le malheur d’autrui et comme elle était une vraie musulmane croyante, elle ne n’accepterait jamais, que sa fille s’aventure dans cette voie. Plus que cela, la mère de Fatou trouvait quelque chose de malsain en un homme qui osait mettre ce genre de marché dans les mains d’une femme qu’il prétendait aimer. La mère de Fatou, toujours très révoltée par la proposition du soupirant, développa sa théorie du malheur qui s’abattrait sur sa fille au cas où elle voudrait se plier à un tel marché. Fatou ne paraissait pas entièrement convaincue par ce raisonnement. La vieille ira plus loin et fut donc obligée de sortir son arme suprême. Elle menaça sa fille de malédiction si jamais cette dernière avait la faiblesse de céder aux propositions de son soupirant. En fait, la vieille dame était l’un des piliers de la mosquée de son quartier et elle craignait de voir sa réputation à jamais détruite si sa fille se hasardait à ce genre d’arrangement. Ses coréligionnaires la traiteraient sans nul doute de chasseur de primes. Yéro et Fatou (qui avait cependant accepté de sortir avec lui) furent assez intelligents pour savoir, qu’ils ne devaient pas attaquer de front le problème de la belle-mère. Ils patientèrent donc avant de reposer la question d’une autre manière. Comme les affaires du cousin de Bayoro avaient beaucoup prospéré dans l’intervalle, le commerçant sortit la grosse artillerie. Il acheta une concession entière qu’il mit au nom de sa bien-aimée. Quand il remit à Fatou les papiers de propriété, il demanda à la jeune femme de lui arranger un tête à tête avec sa mère, afin qu’ils puissent débattre de certains problèmes sans aucun témoin. Fatou accepta, mais n’était guère rassurée. Elle connaissait le caractère impulsif de sa mère, capable de s’enflammer pour un mot mal placé.

    Les mauvais musulmans- Mais l’entrevue se passa de la meilleure manière possible. Que dit Yéro à la vieille ? Personne ne le sait, mais après leur conversation, l’animosité baissa considérablement chez sa future belle-mère. Comme sa fille la questionnait pour comprendre ce qui s’était passé, la vieille se tira d’affaire avec une pirouette. « Dans certaines situations, murmura-t-elle avec un air sentencieux, il faut savoir laisser la volonté de Dieu se réaliser ». Ce fut la vieille elle-même, qui suggéra à Yéro d’aller voir son époux, qui après quelques semaines de réflexion agréa la demande du commerçant. Fatou serait mariée selon les coutumes religieuses avant que son mari ne l’installât dans la maison qu’il lui avait achetée. Dans notre famille peulh, poursuivit Bayoro, la tradition ne donne pas voix au chapitre aux épouses. Nos oncles entérinèrent donc le choix malgré quelques réticences sur la communauté des biens. Yéro balaya facilement cet obstacle, car il n’était un secret pour personne que si ses quatre épouses vivaient sous le même toit (une grande maison à étage), notre commerçant possédait trois ou quatre concessions connues de tout le monde.

    Et au train où allait sa prospérité, il serait bientôt l’une des plus grosses fortunes de la capitale. Pouvait-on douter qu’un tel homme manquerait de quoi entretenir sa cinquième épouse ? Lorsque Bayoro arrêta son récit, il s’attira des bruits de bouche désapprobateurs de toute l’assistance. S’il y avait des gens pour se montrer un peu indulgents avec Issa, personne n’approuvait le commerçant. Madani, le religieux du groupe, réagit le premier. Il lança d’un ton sentencieux à l’adresse de Bayoro : « Ton cousin est un mauvais musulman et cela ne m’étonnerait pas que sous peu son harem s’enrichisse d’une sixième épouse. Notre ami Issa est lui aussi est un mauvais musulman. C’est pourquoi je peux le comprendre, mais je ne l’approuverai jamais. Car pour moi, il a fui ses responsabilités. Or le véritable homme est celui qui fait face aux problèmes. Nous savons tous maintenant que notre copain a été mis en face d’un choix à faire, le jour où il a surpris Awa dans les bras d’un autre. Il n’a pas pris la bonne décision. Voilà pourquoi il s’est retrouvé victime de son irrésolution. S’il avait divorcé Awa ce jour-là comme la loi civile et même religieuse lui en donnait parfaitement le droit, il ne se serait pas trouvé dans un dilemme quand il a connu Kadia. J’aime bien la petite et c’est sans doute la meilleure des femmes de Issa. C’est pourquoi je regrette que notre ami l’ait installée de la sorte dans le péché. Car c’en est un, que de vivre maritalement avec un homme qui a quatre épouses. Les marabouts qui célèbrent de telles unions donnent une bonne conscience religieuse aux parents du couple. Mais eux-mêmes n’ignorent pas qu’ils ont transgressé les lois de Dieu. Il ne suffit pas de quelques sourates psalmodiées à l’attention du public pour sceller une union, que je considère faite pour la galerie. C’est surtout ces marabouts qui répondront de leur acte le jour du jugement dernier. Cependant notre société a, elle aussi, sa part de responsabilités. Elle ferme les yeux sur un dangereux travers. Pour ma part, je m’étonne que les femmes s’excitent sur certaines questions de parité dont les médias nous rabâchent les oreilles à longueur de journée alors que c’est à ce genre de pratiques, connue de tout le monde, qu’elles devraient s’attaquer avec le plus de véhémence. Car sur la question, elles ont la loi, et je dirais même toutes les lois (civile et religieuse), pour elles. Pourquoi n’entreprennent-elles pas un tel combat ? Trouvez-vous normal qu’un homme puisse encore de nos jours réunir quelques marabouts pour briser l’harmonie de quatre foyers ? Quel cas faites-vous des femmes et enfants délibérément sacrifiés pour ce que je considère comme le penchant égoïste d’hommes fai­bles ?

    Un complice actif- Je vais vous dire pourquoi il y a cette « omerta » (loi du silence). Simplement, parce que les coupables se recrutent dans la tranche de ceux qu’on devrait considérer comme des sages ou les décideurs, au choix. La plupart de ceux qui devraient faire régner la bonne morale ont, comme le cousin de Ba­yoro, la cinquantaine révolue. Issa, qui appartient à notre génération, constitue une des rares exceptions qui confirment la règle. Ces messieurs, qui se sentent brusquement monter des ardeurs au crépuscule de leur vie, se refusent à admettre leur déclin physique et tentent de faire encore illusion grâce à leur aisance matérielle. Au prix d’aphrodisiaques, de toutes sortes, achetés pour “tenir le coup”, ils poursuivent leur course après “la fleur” sans se soucier des drames sociaux qu’ils peuvent causer. Certains se marient avec des femmes qui ont moins que l’âge de leur petite fille. Ils ne se résoudront jamais à admettre que eux ce ne sera plus « quand ils veulent mais c’est quand ils peuvent » Dure d’admettre qu’ils sont près de la sortie » Nous avions rarement entendu Madani se lancer dans un sermon aussi long. Il s’était enflammé au fur et à mesure qu’il parlait.

    Si bien que sa vertueuse indignation le laissa complètement essoufflé. Il dut donc s’interrompre pour se donner un peu d’oxygène. Moussa, la « mauvaise langue du Grin », en profita pour faire son petit commentaire perfide : « Si la petite fleur ou la jeune femme acceptait elle-même en âme et conscience de sacrifier sa jeunesse pour devenir la cinquième épouse d’un vieux, faut-il quand même la décourager ? », demanda-t-il d’un ton faussement soucieux. La question ne troubla pas le sermonneur. Ce dernier avait retrouvé sa verve pour nous donner à méditer deux cas que certains camarades du « Grin » connaissaient déjà. « Il y avait la mésaventure du muezzin T.S qui avait deux épouses au départ. Il hérita par la suite de deux des trois femmes de son grand frère décédé. La première refusa prétextant son grand âge. On le disait d’ailleurs plus âgé que T.S d’un an, thèse que ce dernier contestait. Bref l’important ne se situe pas à ce niveau, mais à la manière dont se comporta le muezzin. Bien qu’il soit très occupé par son mini harem et malgré qu’il ait la soixantaine largement révolue, le vieil homme s’éprit d’une jeune femme peulh qui vendait souvent son lait aux alentours de la mosquée. Leur idylle cachée déboucha sur un mariage que l’on célébra à la mosquée, et cela malgré les protestations de certains pratiquants qui dénoncèrent l’acte scandaleux. L’épisode était tellement inacceptable pour tout un groupe de puristes que ces derniers jurèrent de ne plus remettre les pieds dans le lieu Saint, tant que l’imam et T.S dirigeraient l’office religieux. Les révoltés virent le temps leur donner raison. Pas plus d’un an après, T.S abandonna carrément sa famille pour aller vivre avec la jeune femme à qui il avait trouvé une maison en location. Le jour où il surprit sa dulcinée en pleins ébats amoureux avec un mécano du quartier, il faillit mourir de honte. Il essaya d’ailleurs d’attenter à sa vie, mais se rata (volontairement, diront les mauvaises langues). Il abandonna ainsi par la force des choses son service à la mosquée et réintégra la tête basse sa famille. L’imam, qui lui avait servi de complice actif dans sa mauvaise entreprise, dut lui aussi quitter sa fonction. Une persistante accusation d’adultère le coupa en effet des autres fidèles.

    Les choses ne sont pas faciles pour T.S. Aujourd’hui encore, le vieux cherche à se remettre de sa désillusion, sous le regard goguenard des enfants de son frère et de celui de ses épouses auxquelles il avait eu la sagesse de ne rien demander comme contribution au ménage. Seule une de ses filles l’entoure encore d’affection au sein d’une famille, qui a appris à se débrouiller sans son aide et par elle-même. Ayant fini de narrer le cas du muezzin, Madani, très inspiré dans sa croisade embraya sur le cas du père de Sidi, un dénommé B.S. Une situation qui fut encore plus dramatique. « A cinquante-cinq ans, commença le religieux du « Grin », il se trouva ce qu’il croyait être un beau brin de jeune fille. En fait, ce n’était qu’une ancienne femme de mauvaise vie venue de Sévaré en visite chez sa sœur. B.S, qui était à deux ans de la retraite s’engagea bille en tête dans la conquête de la pouliche. En cachette de ses quatre épouses et ses 13 enfants, il fit célébrer son mariage religieux avec la dénommée Ténin. Il l’installa dans sa seconde concession où vivaient des locataires, puis lâchement chargea l’un de ses amis d’aller informer sa famille. La nouvelle souleva un énorme chagrin et des grincements de dents prolongés et même une tentative de suicide d’une de ses huit filles. Le premier fils de B.S. -un fonctionnaire en vue- fit convoquer son père chez le meilleur ami de celui-ci pour non seulement lui dire sa façon de penser ; mais aussi l’inviter à prendre garde aux futurs dangers qui découleraient inévitablement d’une union illégale, et surtout infamante pour toute la famille. Le fils aîné ne vivait plus à la maison, mais il parlait pour ses “mamans” et ses frères et sœurs. La plus âgée de ces dernières, mariée et travaillant dans une société de négoce, était d’ailleurs de quatre ans l’aînée de la « petite femme » de son père. Elle, par contre, avait piqué une crise dans son foyer à l’annonce d’un cinquième” mariage” de son géniteur.

    Des engagements im­prudents- La leçon donnée par le fils passa complètement à côté des oreilles du Vieux. En guise de représailles à « l’impertinence » de son premier garçon et pour braver encore plus l’opinion de sa famille, B.S. décida de déménager avec armes et bagages auprès de Ténin. Il y fila le parfait amour pendant que les déchirements achevaient de mettre à mal l’unité de sa famille, malgré les efforts déployés par les plus grands de ses enfants. La quatrième épouse, qui se jugeait libérée par l’irresponsabilité de son époux, recevait désormais au grand jour son amant qu’elle présentait comme son cousin. Elle le fit sans vergogne, jusqu’à ce qu’un des enfants ne la surprenne avec cet homme au lit. Il sonna l’alerte et l’amant de la « Baïni » (petite maman) ne dut son salut qu’à l’intervention des voisins. Depuis ce jour-là, les en­fants et les femmes entre elles n’arrêtaient plus de se chamailler. Mis au courant des turpitudes qui empoisonnaient l’atmosphère dans sa concession, B.S choisit une manière très cynique de liquider les choses. Il vendit tranquillement sa propriété sans en aviser les mem­bres de sa famille. Avec l’argent amassé, il continua à entretenir à grands frais Ténin et à se la couler douce. Le jour où les nouveaux propriétaires se présentèrent et donnèrent un délai de trois mois aux épouses de B.S pour vider les lieux, des pleurs, des supplications et des hurlements s’élevèrent jusqu’aux cieux. On eu dit qu’il y avait eu mort de personne dans la concession. Les Vieux du quartier, mis au courant, se réunirent d’urgence pour envisager des mesures conservatoires. Ils intercédèrent auprès des nouveaux propriétaires afin de reculer le délai de déguerpissement. Siby, le fils fonctionnaire et sa sœur, laquelle vendit ses bijoux, se démenèrent pour acheter dans un quartier non viabilisé de la rive gauche une concession qu’ils firent retaper avant l’expiration du délai. Tous préféraient cette situation aléatoire plutôt que de déménager dans la seconde concession où logeait Ténin. Au­jourd’hui, on se pose encore la question de savoir quel démon avait poussé B.S. à une telle inconscience. Un an après sa retraite et après qu’il eut dilapidé l’argent de la vente de sa première concession, le Vieux voulut vendre celle qu’il habitait. Malheureusement pour lui, Ténin avait profité de son aveuglement pour faire établir les papiers en son nom. Elle n’avait eu aucune peine à obtenir, que son mari respecte les engagements imprudents qu’il avait pris envers elle peu de temps après leurs épousailles. Se retrouvant sur le carreau et à la charge de sa femme, B.S. se mit, ou plus exactement se remit à boire après une interruption de près de 20 ans. Alors commença une vie de clochard pour un homme, qui cinq ans auparavant se comptait parmi les notabilités d’un vieux quartier de la capitale. Ténin avait vidé certains locataires pour installer, dans le plus grand confort, un homme dont on n’allait pas tarder à découvrir qu’il était un de ses amants de Sévaré. Quand B.S rentrait aux aurores, il trouvait le plus souvent porte close. Le raffut que le soûlard déclenchait servait a­lors de sonnette d’alarme aux amants et le jeune homme s’é­clipsait par la fenêtre. Dans le quartier, on s’émouvait de la dé­chéance de B.S. Malheureusement, comme il dédaignait les conseils de tous ceux qui lui enjoignaient de chasser Ténin et d’essayer de se ressaisir, on finit par l’abandonner à son sort. Un jour survint ce que les habitants du quartier accueillirent comme un fait divers sans importance. B.S mourut victime, selon le médecin, d’une attaque cardiaque. La narration de cette histoire, qui ne remontait pas à très loin, (neuf ans seulement) plongea le « Grin » dans un malaise réel. La cinquième épouse, tous en convenaient, était toujours un coup de folie irrépressible que s’offrent des hommes pourtant comblés. Mais, qui déchiffrera un jour complètement les méandres du subconscient masculin ? Et qui pourra dire qu’est-ce qui pousse un homme à ajouter le surplus à l’abondance ? Mais, il survient que le surplus se fasse sans que l’abondance ne se soit installée. Cela, si vous le permettez, chers lecteurs sera l’objet de notre prochain article.

    TIÉMOGOBA

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