Si l’on peut se féliciter de l’organisation ‘‘normale” des sessions de la Cour d’Assises depuis quelques temps, il est quand même inquiétant de voir le déroulement des procès. En effet, en matière de Cour d’Assises, il est dit que l’accusation doit se baser sur des preuves irrévocables ne pouvant laisser, en aucun cas, l’ombre d’aucun doute sur la culpabilité ou non d’un accusé. ” Sinon, le doute bénéficie à l’accusé “, précise un avocat du barreau malien. En d’autres termes, il doit être acquitté car, mieux vaut libérer mille coupables que de condamner un seul innocent. Dans le cas malien, on tient très peu compte de cela même si le professionnalisme de la plus part des juges ne laisse paraitre aucune faiblesse.
Cependant, il est aussi très populaire que des preuves irréfutables valent mieux que des aveux même d’un accusé. Surtout qu’au Mali, les circonstances dans lesquelles ces aveux sont obtenus sont connues de tous et ont toujours été mises en cause. L’aveu, seul élément dont dispose notre ministère public, ne saurait être un moyen de preuve si l’on veut vraiment rendre justice quand on sait que, pendant les enquêtes préliminaires, on obtient de faux comme de bons aveux. Au Mali, les aveux s’obtiennent, très souvent, sous les coups de cravaches des agents de la police ou de la gendarmerie. “ Dans cette phase de l’enquête, je pense qu’on doit préférer les témoignages ou encore des éléments techniques et scientifiques même si les moyens manquent cruellement à nos policiers et gendarmes pour faire ce travail “, nous confie un autre avocat.
Idem chez le juge d’instruction dont, selon le procureur près la Cour d’Appel de Bamako, le travail doit être un chef d’œuvre car ayant plus de moyens à sa disposition pour mener de vraies investigations. Malheureusement ” trop fréquemment, un laxisme coupable conduit à bâcler le travail, tant et si bien qu’il est très aisé de voir l’incompétence ou l’inconscience…Dans les deux alternatives, ces défauts ne sied guère à une telle fonction “, s’était plaint Daniel Tessougué à la fermeture de la dernière session de la Cour d’assises.
Aujourd’hui, si quelque chose inquiète encore, c’est bien ce manque de preuves contre plusieurs accusés en dehors des simples déclarations obtenues sous la torture et la menace de nos policiers et gendarmes. Dans le cadre de la présente session, l’affaire opposant le ministère public à Moussa Traoré, accusé d’assassinat, plusieurs personnes sont restées sur leur soif. Il lui était reproché d’avoir volontairement porté des coups sur un tiers qui ont causé sa mort. Mais la victime n’a rendu l’âme que deux semaines après les faits Et devant la Cour, il n’y avait aucun certificat médical dans le dossier sur la nature de sa mort prouvant effectivement que ce sont les coups portés par l’accusé qui lui ont été fatals. Les faits peuvent paraitre constants, mais encore faut-il des preuves pour les prouver.
Dans une autre affaire qui a vu l’accusé Chiaka Traoré condamné à 20 ans de prison pour pédophilie et enlèvement d’enfant, il y avait également des doutes. Pédophile suppose que l’enfant a moins de 13 ans, mais encore une fois, il n’y avait aucune pièce du dossier pouvant certifier que l’enfant avait effectivement douze ans au moment des faits, même pas son acte de naissance.
Il y a eu plusieurs autres cas similaires qui ont été condamnés ou acquittés selon l’intime conviction du juge. Seulement la conviction du juge, aussi intime soit-elle, ne peut se baser que sur des faits débattus de manière contradictoire et prouvés devant lui.
Aboubacar DICKO