Orphelin de mère depuis l’âge de sept ans, j’ai été élevé par mon oncle paternel et son épouse. Mon oncle était transporteur. Il avait pour épouse la tante Ténin, une très belle femme Malinké qui lui avait donné trois enfants. Lorsque ma mère est morte, mon oncle a demandé à mon père de me faire venir chez lui, histoire d’oublier un temps soit peu la mort de maman. J’étais fils unique et mon oncle s’était sans doute dit que la compagnie des enfants me ferait me sentir moins seul. Il n’avait pas vraiment tort, car même à cet âge, j’étais conscient que ma mère m’avait quitté. Elle me manquait énormément. Il m’arrivait de pleurer, rien qu’en pensant à elle. Mon oncle avait deux fils : Abdoulaye et Chaka, âgés de huit et dix ans. Et une fille de douze ans, du nom de Kady.
Lorsque mon père m’a conduit chez mon oncle, j’étais très heureux de retrouver mes cousins. Ils étaient déjà venus passés les vacances chez nous, du vivant de ma mère. Et nous étions très proches .Vivre avec eux m’enthousiasmait. Le jour de mon arrivée chez eux, leur mère, que je connaissais de loin, m’a bien accueilli. En présence de papa qu’elle appelait « mon mari », elle m’a dit que j’étais le bienvenu et qu’elle s’occuperait très bien de moi, car elle avait connu ma mère. J’ai été inscrit dans le même établissement que mes cousins. L’école était à dix minutes de marche de la maison. Quelques jours âpres mon arrivée dans ma nouvelle famille, ma tante a changé d’attitude. Elle hurlait pour peu. Elle me faisait dormir à même le sol, sur un morceau de pagne, pendant que mes cousins dormaient sur un matelas. Elle prenait le soin d’incliner le ventilateur sur eux, de sorte que je n’en profite pas. J’essayais de ne pas faire attention à ses méchancetés, mais cela devenait récurrent. Mon père venait me voir une fois par mois, les bras chargés de cadeau, aussi bien pour moi que pour mes cousins. Les visites de mon père étaient les meilleurs moments. Il remettait toujours de l’argent à ma tante, qui n’arrêtait pas de faire mes éloges. Elle disait que j’étais un bon enfant, que j’étais poli. Et patati et patata…pour me dissuader de me plaindre auprès de papa.
En présence de son mari, c’était l’épouse parfaite ; mais dès qu’il tournait le dos, elle recommençait à me rendre la vie dure. Je devais d’abord l’aider dans les travaux ménagers avant d’aller à l’école. A cause de cela, j’arrivais toujours en retard en classe, et je me faisais battre par le maitre qui n’admettait que moi qui habite à deux pas de l’école, soit toujours le dernier à arriver en classe. A midi, dès que nous arrivions à la maison, ma tante trouvait toujours le moyen de m’envoyer lui acheter tel ou tel article au marché ou à la boutique.
Pendant ce temps, mes cousins déjeunaient sans moi. A mon retour, elle utilisait son air d’hypocrite pour me dire : « ah! Tes cousins ont bus toute la sauce. Il n’ya que du riz blanc pour toi ». Je répondais toujours : « tantie ce n’est pas grave. Je vais mettre un peu d’eau dans le riz pour le manger ». Maintes fois, je me suis caché pour pleurer tellement maman me manquait. Il m’ait arrivé de prier pour qu’elle vienne me chercher. Les voisines de ma tante avaient, toutes, pitié de moi. Quelques fois, c’est grâce à elles que j’arrivais à m’acheter le petit déjeuner et de quoi manger à l’école, car elles me donnaient un peu d’argent.
Mes cousins, eux, recevaient de l’argent pourtant. Une fois, l’une d’elles m’a remis de l’argent en me demandant toute fois et avec insistance de ne rien à ma tante. J’ai obéit. A l’école, mes cousins m’ont surpris en train d’acheter des friandises. Leur mère a été mise au courant. Elle m’a accusé d’avoir volé de l’argent. J’ai été sauvagement battu. Je ne pouvais pas lui dire d’où j’avais eu cet argent. J’ai vécu dans cette triste ambiance pendant prés de six années. Et la situation empirait. Lorsque j’étudiais, ma tante éteignait la lumière, au motif que je gaspillais l’électricité.
J’ai plusieurs fois essayé d’attirer l’attention de mon père sur les mauvais traitements que je subissais chez mon oncle, mais il ne m’a jamais cru. Il me disait toujours : « c’est chez toi ici. Diakaridia est mon frère direct. Tu ne peu pas vivre avec moi, je ne me suis pas encore remarier depuis la mort de ta mère. Quand il y aurait de l’amélioration dans ma situation, je viendrais te chercher… ». Et, tout le temps c’était pareil. Je subissais tout sans rien dire. Ma tante était une jeune femme très « classe ». Cela se voyait sur ces enfants. Ils étaient toujours mis. Mais moi, à peine me permettait-elle de me doucher. Parfois, je me disais que mon oncle faisait semblant de ne rien voir, car la différence entre mes cousins et moi était trop flagrante. Ils portaient des teeshirts pendant que je me contentais, moi, de vieux vêtements que j’avais depuis plusieurs années. Pourtant ma tante demandait de l’argent à papa pour, selon elle, refaire ma garde-robe.
A l’âge de quatorze ans, j’en ai eu mare. Mare de faire la bonne, de faire la lessive, la vaisselle, les courses… pendant que mes cousins se la coulaient douce. J’ai essayé de fuguer pour rejoindre mon père, mais j’ai été découvert. Mon père mis au courant de ma fugue, il est venu aussitôt. Il m’a un peu grondé, puis il m’a fait promettre de ne plus recommencer. En repartant, il a été interpellé par la voisine du quartier qui lui a raconté toute la misère que l’épouse de mon oncle me faisait vivre. Mon père en était surpris. Il est revenu sur ces pas, et m’a demandé séance tenante de faire mes valises. Surprise, ma tante lui a demandé : « mon mari, qu’est ce qui se passe ? ». Papa a répondu : « j’ai appris que tu faisais souffrir mon fils ici. Effectivement, il m’a plusieurs fois interpellé sur cela, mais je n’ai jamais voulu l’écouter. C’est mon fils unique, je ne veux pas le perdre. J’ai déjà perdu sa mère. Je vais prendre une servante pour s’occuper de lui. Merci infiniment ». Ma tante a essayé de se défendre, mais rien n’y fit. Je suis donc parti avec mon père. Mon oncle est arrivé plus tard. Il a essayé de rattraper les choses, mais j’ai refusé de retourner chez lui. J’ai préféré vivre avec mon papa. Aujourd’hui, je suis un homme très heureux. J’ai une situation des plus enviables. J’ai de bons rapports avec ma tante, mes cousins et leur père. Il y’a peu, je l’ai sollicité pour mon mariage afin qu’elle en soit la marraine. Je la sens toujours mal à l’aise lorsqu’elle me voit, mais j’essaie de la mettre à l’aise. Je ne lui reproche rien, car c’est cela aussi la vie. Mon oncle est vieux. Il ne peut plus travailler. C’est donc moi qui m’occupe de lui et de sa famille, car mes cousins n’ont pas de grands moyens. Quelque fois la vie nous donne des leçons sur lesquelles, il faut méditer. On ne sait jamais…
NB : Les histoires que nous publions dans cette rubrique sont réelles et le plus souvent inspirées de l’ouvrage d’Anzata Ouattara. Pour Commenter les histoires ou nous faire parvenir les vôtres, envoyez votre message à l’adresse suivante : journal_leconfident@yahoo.fr
La rédaction