Les coups de la vie : « Mon blanc aux yeux bleus »

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    Adolescente, je rêvais d’épouser un Blanc. Un beau Blanc séduisant et riche qui me ferait voyager à travers le monde entier. Un Blanc qui ferait de moi une reine de beauté internationale. Une star qui crèverait l’écran et qui par sa simple présence ferait fantasmer tous les milliardaires du monde.

    J’avais à peine 18 ans lorsque tous les soirs, je me regardais devant mon miroir en me disant : “Nini, tu n’es pas faite pour l’Afrique. Tu es trop belle. Regarde ta taille, ta forme, ta couleur de peau (café au lait).Quel Blanc ne rêverait pas de t’épouser ?“.Je passais beaucoup de temps à me contempler. Très souvent, Annette ma cousine en remettait une couche en me comparant à Naomi Campbell. Pas moins. Annette était ma cousine préférée, la “la présidente de mon fan-club». Pour elle, j’étais la plus belle fille du quartier, du campus et d’Abidjan. C’est vrai qu’elle exagérait un peu, mais je reconnais quand même que je passais difficilement inaperçue. Ma taille y était pour beaucoup. En plus des compliments d’Annette, j’étais beaucoup draguée lorsque je sortais. On me trouvait “Super canon». MA mère n’arrêtait pas de me dire que malgré mes atouts physiques, je devais m’arranger pour avoir des atouts intellectuels. Il fallait donc que ma priorité soit mes études. Je crois que je n’ai pas failli à cette mission. A 16 ans, J’avais déjà obtenu le Bac et j’étais étudiante. Je ne manquais de rien parce que j’étais bien encadrée. J’ai été engagée comme mannequin dans une agence. Je n’avais pas encore de petit ami. Pour moi, il me fallait un Blanc. A l’âge 18 ans, je me suis inscrite sur un site de rencontre et j’avais mis des photos assez sexy sur mon profil. J’ai insiste sur le fait que je voulais correspondre uniquement avec des Blancs. Français ou Americains, jeunes, fortunés et sans enfant. Je n’ai pas mis longtemps à avoir des réponses. Il y en avait de toutes sortes. L’une d’elles sortait du lot et a attiré mon attention. Un homme avait répondu : Alain Carpe, architecte, 1,80 m, 29 ans, rêvant d’épouser une noire». Avec en pièces jointes, deux photos de lui. J’ai crié : “ça y est, je l’ai trouvé. C’est lui que je veux. En plus il est beau avec des yeux bleus…“.Et ce fut le début d’une incroyable histoire d’amour. Désormais, mon programme se résumait en ces termes : école, mannequinat et internet ou téléphone. Je passais des heures sur le net à échanger des messagers d’amour avec Alain. Lorsqu’il m’appelait, je passais souvent des nuits blanches à bavarder. Je l’aimais sans l’avoir jamais vu. C’était l’homme qu’il me fallait. Il réussissait à travers le téléphone à me rassurer, à m’aimer. C’est grâce à ce moyen de communication aussi qu’il m’a promis le mariage. Il savait tout de moi et moi de lui. Il connaissait tous mes amis, toute ma famille, sans les avoir vus. Il savait  que j’étais encore vierge et que je me réservais pour lui. J’avais imprimé ses photos que j’avais collées partout dans ma chambre. Il m’encourageait dans mes études. Il disait qu’en plus d’être belle, je devais être très intelligente de sorte à pouvoir négocier de gros contrats une fois en Occident. Il disait que le mannequinat n’était pas vraiment bien payé en Afrique et que je serai une véritable star une fois là-bas. J’avais trouvé mon homme. C’était sur. Je n’avais aucun doute. Je l’avais dans la peau. J’étais sure qu’il ressentait les mêmes  choses que moi vu le temps qu’il me consacrait. Alain était mon sujet de conversation favori. Je m’imaginais déjà avec lui en train de parcourir le monde.

    En tant qu’architecte, il avait une superbe maison que j’avais pu apprécier sur les photos. Alain avait promis faire les choses dans les règles de l’art. D’abord, venir à Abidjan se présenter à ma famille. Il m’épouserait ensuite avant d’entreprendre les formalités afin qu’on puisse voyager ensemble .Apres ça, je contracterai une grossesse. Je partageais aisément ce programme. Je voulais lui donner cet enfant avant d’entreprendre une vraie carrière de mannequin. Pendant près d’une année, j’étais régulièrement scotchée au téléphone avec mon amoureux. Il me comblait, même à distance. Le 16 mars est la date de mon anniversaire. Mon chéri connaissait cette date par cœur et moi aussi je connaissais la sienne par cœur. Pour l’occasion, il m’a demandé ce que je voulais qu’il m’offre. Je lui ai dit que je voulais juste faire le “Show “avec mes copines. Il m’a donc suggéré d’aller rendre visite à un de ses amis  avec qui il avait étudié en France. Un très grand ami à qui il avait beaucoup parlé. A ce dernier, je pouvais exprimer tous besoins sans crainte. J’ai compris que ce monsieur comptait pour mon fiancé. Je devais faire en sorte qu’il m’apprécie afin qu’il fasse un bon retour à mon amoureux. Il s’appelait Olivier Teti et il travaillait dans une grande entreprise d’architecture. Je devais le rencontrer et lui dire ce dont j’avais besoin pour l’anniversaire. Ce jour-là, j’ai pris le soin de bien m’habiller afin d’être présentable. J’avais rendez-vous avec lui à son bureau. Dès que ses yeux se sont posés sur moi, il a fait un pas en arrière comme s’il était surpris  par quelque chose. Puis sans se contrôler, il m’a dit :Je ne m’attendais pas à voir une fille aussi noire“.J’avoue avoir été choquée. C’était la première fois que quelqu’un réagissait comme ça à cause de mon teint. Généralement, on me dit que j’ai un beau teint noir ciré. Je lui ai donc demandé si cela lui posait un problème. Il m’a répondu : “Non ! Mais je te voyais plus claire ! Pas aussi carbonisé ! Mais tout compte fait, tu es belle ! Dis-moi, tu fêtes ton anniversaire ? Tu veux combien ?“.Très malheureuse à cause de cette méchante remarque, j’ai répondu : “300 000 francs». Il a dit “OK ! Je t’appelle pour te les remettre. Mais prends ma carte. Tu m’appelles». Ce monsieur qui  apparemment était le meilleur ami de mon fiancé ne m’a pas du tout plu. Je l’ai trouve grossier et insolent. Je n’ai plus cherché à le voir, encore moins à l’appeler. Je n’ai pas osé dire à Alain qu’il avait été très désagréable avec moi. Mon anniversaire, je l’ai fête avec mes propres moyens sans lui réclamer un sou. Je n’avais pas envie que mon chéri pense que mon intérêt pour lui est basé sur l’argent.

    Six mois après l’anniversaire, mon chéri m’a enfin donné la date de son arrivée à Abidjan. Le 21 décembre 1999, à 19 heures. C’était délire autour de moi. Avec Annette, c’était les grandes courses pour préparer son arrivée. Il fallait que je sois belle. Donc une nouvelle garde-robe, de nouveaux sous vêtements. Un corps sain, avec des soins appropriés. Il fallait que tout soit net. J’allais enfin voir et toucher mon Blanc aux yeux bleus. Je comptais les jours. Quand le jour tant attendu arriva, je me suis mise à compter les heures. Il devait arriver un mardi à 19 h. Olivier devait aller le prendre à l’aéroport. Je devais donc attendre son coup de fil pour le rejoindre. Jamais, de toute ma vie, je n’ai espéré autant un appel. J’ai attendu, attendu des heures, les yeux braqués sur mon portable. Aucun appel d’Alain. J’ai appelé malgré moi Olivier, il ne décrochait pas. Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. Je me suis posée mille et une questions. Peut-être avait –il raté l’avion ? J’ai appelé son numéro de la France, aucune réponse. Ou pouvait-il bien être ? J’étais inquiète. Annette était à mes cotés. Tout mon maquillage avait coulé à force de pleurer. Pleurer un amour que je n’avais pas encore connu. Que s’était-il passé ? Pourtant, la veille, j’avais eu le droit à cette fameuse phrase qui me faisait languir : “Je t’embrasse partout, partout et je serai à toi demain». Ou était-il donc ? Mardi, mercredi, jeudi, vendredi…toujours aucune nouvelle d’Alain. Et Olivier qui ne répond toujours pas à mes appels. J’étais persuadée de ne pas maitriser quelque chose. J’avais la confirmation que son avion avait atterri sur le sol ivoirien. M’avait-il menti pendant tout ce temps ? Mais dans quel but, puisqu’il n’avait encore rien obtenu de moi ?

    Quatre jours sans nouvelles, sans aller aux cours, sans aller à l’agence non plus. Mes amis appelaient pour savoir comment s’était passée ma rencontre avec mon Blanc aux yeux bleus. Finalement, c’est Annette qui répondait aux coups de fil. J’étais anéantie.

    Le samedi, Annette a proposé qu’on sorte. Pour elle, je devais oublier Alain pour toujours. J’ai accepté son invitation. Par contre, j’espérais encore qu’Alain réapparaisse. J’étais sure qu’il m’aimait, puisqu’il me l’avait plusieurs fois dit. Annette voulait qu’on parte au supermarché acheter du poulet  et de la crème. Nous devons préparer un bon poulet au four pour “fêter“.D’après elle, c’est Alain qui ratait une belle occasion. Elle essayait tant bien que mal de me faire rire. Ce n’était pas facile, mais j’ai voulu la suivre partout ou elle voulait. Histoire de changer d’air. Première destination, Sococé II Plateaux. Après  le poulet et la crème, nous avons acheté des biscuits, du chocolat, puis j’ai proposé qu’on prenne des glaces avant de partir. En y allant, j’ai eu comme un flash. Une image assez floue mais qui s’imposait à moi. Un Blanc assis à une table au restaurant  du supermarché avec une fille noire et un homme noir de dos. Cette image a attiré mon attention. J’avais tellement regardé les photos d’Alain que je pouvais le reconnaitre parmi mille Blancs rassemblés. J’ai attrapé le poignet d’Annette comme pour l’empêcher d’avancer. J’ai dit : “Cousine, regarde là-bas, le Blanc ! C’est Alain !“.Annette a répondu :“Toi aussi !Arrête de le voir partout». Au même moment, l’homme assis de dos s’est retourné pour interpeller le serveur. C’était bien Olivier, l’ami d’Alain. Je venais d’avoir la confirmation que c’était mon Alain. Quelle coïncidence ? Intérieurement, je me suis dit : Dieu m’aime !“Mais que fallait-il que je fasse ? Me présenter, me cacher, ou le battre pour m’avoir tant fait espérer ? Quoi ? Heureusement que j’avais ma cousine avec moi. Je n’arrivais pas à retenir mes larmes. Il était là mon Alain, mon fiancé, mon Blanc aux yeux bleus et je ne pouvais pas être avec lui. Annette essayait de me calmer. Puis, elle m’a fait signe qu’ils partaient. Elle a suggéré qu’on les suive en cachette. Dès qu’ils ont démarré, nous avons emprunté un taxi pour les suivre. Une filature qui s’est achevée à la Riviera II. Lorsqu’a un carrefour, nous les avons perdus de vue.

    Décidées à les retrouver, nous avons demandé dans le quartier ou habitait Olivier Teti, l’architecte. Après plus d’une heure d’investigation, nous avons trouvé son domicile. Nous avons sonné chez lui. Dès qu’il m’a vue, Olivier m’a refusé l’accès à son domicile. Annette et moi avons fait un scandale et exigé qu’Alain sorte pour me parler en face. Je pleurais et je criais :“Alain, sors !Je veux que tu me dises en face que je ne représente plus rien pour toi !Pourquoi m’as-tu fait ça ?“.Je pouvais à travers la porte entrouverte, le voir debout dans le salon. A ses cotés une fille qui semblait le retenir à la porte, et Olivier qui lui ordonnait de ne pas sortir, car nous serions des filles très dangereuses, capables de lui faire du mal. Il menaçait d’appeler la police si on ne quittait pas devant son domicile. Il a même osé me dire qu’Alain n’a jamais été amoureux de moi. Peu à peu, les curieux se massaient autour de nous. Annette m’a fait signe de partir. Toute en pleurs et complètement décoiffée, j’ai juré à Alain qu’il n’emportera pas cette trahison au paradis et qu’il paiera pour m’avoir fait souffrir.

    A la maison, je n’ai pas pu déguster le poulet qu’Annette avait concocté. J’avais trop mal. J’ai passé des heures à pleurer. Puis, vers deux heures du matin, je reçois un message d’Alain.“Excuse-moi mon cœur. Olivier m’a menti. Il m’a dit que tu étais moche, sale et que tu ne t’intéressais qu’à mon argent. Que tout le temps tu lui demandais des sous. Il m’a donc présenté sa sœur, qui, d’après lui, était mieux pour moi. Je veux te voir. Je t’aime». Tout devenait clair maintenant dans mon esprit. Je comprenais pourquoi Olivier m’avait méprisée de la sorte. C’était pour que sa sœur prenne ma place. J’en voulais tellement à Alain que même après avoir su la vérité, je ne voulais plus le voir. Il avait réussi briser mon rêve. Je voyais en lui un homme pas très digne de confiance et je ne sentais plus cette relation. Il insistait, il m’appelait, il me harcelait, mais je le repoussais. Il a passé prés de deux mois à Abidjan sans réussir à me voir. Puis finalement, j’ai appris qu’il était parti. Je ne répondais ni à ses messages, ni à ses coups fil. Il a fini par comprendre et il a arrêté au bout de six mois. Je me suis faite une raison. J’ai décidé de me consacrer à mes études et à mon métier de mannequin. Un soir, de retour de l’agence pour la maison, j’ai aperçu un Blanc avec un mannequin que j’avais déjà rencontré à un défilé. Elle s’appelait Alice et nous avions une amie en commun. Je m’apprêtais à l’interpeller lorsque j’ai remarqué que son compagnon n’était autre qu’Alain, “Mon Alain». Ils se tenaient par la main. Apparemment, il avait réussi à me remplacer par un autre mannequin. Je ne me suis pas laissé voir et je suis partie. Deux années après cette rencontre, Félicie, ma copine qui est aussi l’amie d’Alice m’apprend que cette dernière est très malade. Elle serait atteinte du Sida. Cette information m’a fait sursauter. Félicie ne s’est pas arrêtée là. En bonne “affairé», elle m’a dit qu’Alice s’était laissée séduire par un Blanc du nom d’Alain. Un menteur qui avait dragué plusieurs mannequins dans le milieu. Pourtant il se savait séropositif. Il contaminait toutes les filles en promettant de les épouser et de leur offrir un avenir certain en occident. Beaucoup de filles avaient été contaminées par lui. Et depuis que le pot aux roses avait été contaminé par lui. Et depuis que le pot aux roses avait été découvert, il serait porté disparu. La sœur de son meilleur ami faisait partie de ses victimes. Après avoir écouté Félicie les deux mains sur mon cœur, tout ce que j’ai pu me dire intérieurement a été ceci : “Tout ce que Dieu fait est bon…“

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    La Rédaction

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    2 COMMENTAIRES

    1. Je comprends pourquoi ma belle famille a exigé un test de VIH Sida avant tout acte sexuel. Nous deux nous l’avons fait. Ce n’est pas une question de confiance, mais de principe de santé publique.

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