Contes et legendes du terroir : Pourquoi l’hyène court-elle si vite ?

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                    Un jour, l’hyène, le serpent et le lièvre décidèrent en commun accord d’unir leurs efforts pour capturer Kononi  l’oiseau. Ils se plaignirent de ses infinis et interminables dérangements jour et nuit en chantant pour un oui ou pour un non. Sa nuisance leur rendait l’existence infernale. Parfois leur sommeil était perturbé par ses roucoulements nocturnes. Leur volonté consistait de l’éliminer carrément.

     

    L’oiseau perché au sommet de l’arbre écoutait attentivement la conversation sans mot dire. Dès lors il s’imaginait le pire à son encontre. Très tôt le lendemain matin, les trois protagonistes arrivèrent pour se mettre à l’abri en le guettant. L’hyène se cacha derrière la termitière. Le serpent se camoufla au pied de l’arbre. Quant à Zozaniba le lièvre il s’installa dans les buissons comme à son habitude. Leurs yeux restaient rivés sur leur proie. Une longue attente débuta dans le plus grand silence.

     

     

    Longtemps repéré par Kononi l’oiseau, ce dernier commença à improviser une chanson :

     

    « Du sommet de l’arbre j’aperçois l’horizon.

     

    Je vois tout ce qui bouge autour de moi.

     

    Souroukouba l’hyène est derrière la termitière.

     

    Le pied de l’arbre est ceinturé par le serpent.

     

    Les larges oreilles du lièvre sont bien visibles hors des buissons.

     

    Kononi voit assis ce que certains ont de la peine à apercevoir debout.

     

    Vive la nature grouillante de vies sauvages.

     

    Les feuillages restent mon meilleur refuge».

    Attentif et très prudent, lorsqu’il chantonnait Kononi sautillait de gauche à droite, d’une branche à l’autre. Ayant terminé sa provocation il s’envola vers d’autres cieux pour les narguer. Peu de temps après il revint dans les feuillages comme si de rien n’était. Entre temps, l’hyène changea d’emplacement pour s’abriter au pied de l’arbre. Ce manège consistait à brouiller les pistes. Elle aura beau tenter de s’agripper de ses griffes pour grimper au tronc d’arbre, ce fut peine perdue. Pendant ce temps, le serpent se faufila ingénieusement entre les branches sans faire de bruit jusqu’à la hauteur de l’oiseau au sommet de l’arbre. Soudain, d’un geste très rapide il saisit les pattes de l’oiseau pour l’extraire de son milieu de vie pour descendre. L’explosion de joie était à la hauteur de la performance. L’hyène bondit d’un trait en l’air et ricana dans la brousse. Son cri de joie était perceptible à des kilomètres à la ronde. Le lièvre soulagé improvisait des pas de danse. Dans cette euphorie indescriptible, le serpent confia la prise à Souroukouba l’hyène. Au même moment, Zozaniba le lièvre se mit en route pour aller chercher du feu qui servirait à griller le pauvre petit oiseau. Pour plus d’assurance, il mit l’oiseau dans un sac solidement attaché en le confiant à l’hyène. Très vite, Kononi commença à chanter d’une voix douce et étouffante pour divertir son surveillant. Souroukouba se laissa bercer par cette mélodie venue d’ailleurs. D’abord, elle tendit l’oreille. Comme si cela ne suffisait pas l’hyène ne put s’empêcher de parler :

     

    « Mon cher ami, je souhaiterai vivement que tu élèves encore davantage le son de ta voix qui sait si bien détendre mes nerfs».

     

    – Comment puis-je faire autrement en étant prisonnier au fond du sac dans la chaleur infernale ? Si vous détachez légèrement la corde tu m’entendras à merveille.

    Sur ce, l’hyène détacha d’un geste ferme le sac. Kononi profita de cet instant inespéré pour s’échapper en déployant ses ailes. Dépassé par l’évènement, Souroukouba regarda impuissant l’oiseau partir vers l’horizon. Elle leva la tête, il était déjà beaucoup trop tard. L’hyène lança dans le vide un vibrant appel à l’ordre :

     

    – Kononi ne me fausse pas compagnie. Ne t’en va de la sorte. Je meurs d’envie de t’écouter.

    Un court instant plus tard, le lièvre arriva avec une louche remplie de braises ardentes. Mais hélas, l’oiseau avait déjà disparu et la fameuse fête tant attendue ne pouvait plus avoir lieu. C’est alors qu’une chaude discussion éclata entre les trois complices. Dans le débordement, le lièvre et le serpent se mirent à traiter l’hyène de tous les noms d’oiseau. Celle-ci reconnut sa naïveté, ses erreurs et se hâta de plier ses quatre pattes en formulant mille et une excuses. Déterminés jusqu’au bout, ils ne pouvaient en aucun cas renoncer à leur projet. Encore une fois ils se camouflèrent pour attendre Kononi au tournant. Imprudent, au bout de quelques minutes Kononi vint de nouveau les narguer en battant des ailes et se posa au sommet de l’arbre. Zozaniba fit un bond magistral pour le fixer dans les yeux. Imperturbable, l’oiseau débuta sa chanson de plus belle :

     

    « Du sommet de l’arbre j’aperçois l’horizon.

     

    Je vois tout ce qui bouge autour de moi.

     

    Souroukouba l’hyène est derrière la termitière.

     

    Le serpent a disparu depuis fort longtemps dans la nature.

     

    Kononi voit assis ce que certains ont de la peine à apercevoir debout.

     

    Vive la brousse pleine de vies sauvages.

     

    Les feuillages restent mon meilleur refuge».

    A peine il finit de chanter, le serpent installé dans les feuillages le saisit pour la seconde fois. Il descendit peu à peu de l’arbre et le rendit au lièvre qui déclara aussitôt :

     

    – Les braises ardentes sont éteintes depuis un moment. Que l’hyène aille chercher du feu pour que commence enfin la fête.

     

    – Où puis-je avoir le feu à cette heure-ci ?

    Le lièvre pointa sa patte en direction du soleil tombant à la couleur des braises. Le crépuscule enveloppait majestueusement l’atmosphère. Sans trop chercher à comprendre, l’hyène engagea une course effrénée vers la grande boule orange, croyant à une lumière de feu lointaine.

    Jusqu’à nos jours elle galope à toute allure à la recherche de ce fameux trésor. Encore aujourd’hui elle n’a pas fini de parcourir la savane africaine en dépassant monts et merveilles à la recherche du feu.

     

    Aboubacar Eros Sissoko

    NOTE DE LA REDACTION

    Ainsi prend fin l’ouvrage de Aboubacar Eros Sissoko qui aborde six contes magnifiques issus de la tradition orale. Chacun véhicule une histoire particulière entre les résidents de la brousse. De Souroukouba l’hyène, à Zozaniba le lièvre en passant par Kononi l’oiseau, Sama l’éléphant, Maliba l’hippopotame, Waraba le lion roi de la brousse tout comme l’homme : ces récits font rêver et ne font l’économie d’aucun être vivant sur terre. Un livre absolument à lire pour se souvenir sinon ouvrir la lumière sur les veillées d’antan en terre malienne d’autrefois.

    Né  à Bamako au cœur du quartier populaire de Médina-Coura, Aboubacar Eros Sissoko fit ses premiers pas à l’école fondamentale  de son quartier natal.  Plasticien de formation, il est diplômé de l’INA : Institut National des Arts du Mali et de l’Ecole Supérieure des Beaux Arts de Toulouse (France). Il a ensuite suivi la formation DEFA aux CEMEA et devient tour à tour animateur socioculturel et éducateur spécialisé dans la région parisienne. Passionné par l’écriture, il est auteur de nombreux ouvrages.

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    5 COMMENTAIRES

    1. Merci EROS, Mille fois plus riche que nos feilletons de TV. Pourqoi ne pas les enseigner dans nos ecoles? OH OH OH Le vieux bo temps …..

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