C’est certainement une politique de quotas qui ne dit pas son nom. On peut, à Bamako, avoir été Française à part entière pendant les seize premières années de sa vie et ne plus être considérée comme telle par le Consulat de France ensuite. Tout ceci, bien sûr, sans aucun écrit motivant la décision, formulée oralement. Une décision unilatérale aux impacts faramineux.
C’est la situation ubuesque dans laquelle se retrouve aujourd’hui Nia Traoré, une jeune franco-malienne qui aura dix-sept ans en décembre prochain. Avec, à la clé, un déni flagrant de ses droits à la nationalité, à l’éducation et à la protection, ce qui est un comble au moment où l’on célèbre, comme tous les 16 juin, la Journée de l’enfant africain.
Nia est née à Mantes la Jolie le 18 décembre 1994, d’un père qui, Malien à l’époque, est devenu Français en 1995, après 35 ans passés légalement en France comme salarié d’une entreprise automobile. Lorsque M. Traoré, père d’une famille nombreuse, décide de revenir au Mali avec ses six plus jeunes enfants, en 2004, ceux-ci voyageront avec leurs passeports français. Ils seront ensuite dûment enregistrés comme Français par les autorités consulaires, comme en fait foi la carte consulaire délivrée à Nia à cette occasion, qui est périmée depuis le 6 octobre 2009.
C’est à l’occasion du renouvellement de cette pièce d’identité, et d’une demande de renouvellement de son passeport français, que commencent les ennuis de Nia. Tout d’abord, on incite fortement son père, après avoir refusé le renouvellement sans lui rendre l’ancien titre de voyage, à lui faire établir des papiers maliens, avant de lui dire que sa fille, le seul de ses enfants désormais dans ce cas, n’est «plus Française».
Poli et légaliste, M. Traoré, comprenant qu’il y a anguille sous roche, décide de faire établir un passeport malien à Nia et d’aller avec elle pendant les vacances d’été à Mantes, afin de tirer tout cela au clair et de «régulariser», si besoin en était, cette situation.
Mais les pratiques dilatoires semblent être une seconde nature au Consulat. On lui fera par deux fois comprendre que Nia n’obtiendra pas de visa sur son tout nouveau passeport, sans pour autant acter officiellement ces refus, par un tampon sur celui-ci par exemple. Résultat ubuesque, et combien révoltant, de ces manœuvres des autorités consulaires françaises au Mali: Nia, élève au Lycée français Liberté A, et titulaire, jusqu’à cette année, d’une bourse, en tant que Française remplissant toutes les conditions d’octroi de cette aide, n’ y a plus droit et risque d’être tout simplement déscolarisée, son père ne pouvant assumer la charge financière afférente à une inscription dans cet établissement.
Au Consulat, on le sait bien, puisqu’on a amicalement conseillé à M. Traoré d’inscrire sans fille dans un lycée malien. Pour qui connaît la différence entre les programmes d’enseignement entre les deux pays, surtout pour une élève qui est admise en 1ère, il s’agit certainement de la notion de droit à l’éducation et à la protection de l’enfant «bien comprise», sans parler de la recherche de son intérêt.
Le cas de Nia n’est pas le seul dont on nous ait parlé à Bamako. Il est même assez emblématique. Nous avons demandé à des spécialistes du droit comment il serait possible de mettre fin à ces dénis de droit à l’encontre d’une Française, mineure de surcroit. Ils ont été très étonnés du procédé, affirmant qu’en plus de jouir de la possession d’état de Française, Nia a toujours disposé de documents prouvant clairement qu’elle l’est (carnet scolaire, passeport, carte consulaire). Elle n’a donc pas à prouver qu’elle est Française, c’est à ceux que le contestent de démontrer qu’elle ne l’est pas Nia doit donc aller en France pour faire valoir tous ses droits, puisque, manifestement, on joue au dilatoire à Bamako pour l’en empêcher. Elle et sa famille disposent d’ailleurs d’assez de documents pour le faire aisément. Ce qui veut dire qu’elle doit obtenir un visa pour s’y rendre. En outre, elle doit pouvoir poursuivre sa scolarité à Liberté A, où elle a été inscrite dès son arrivée au Mali en tant que Française, et récupérer sa bourse. Enfin, sa famille doit se voir rembourser les montants qu’elle a payés au titre de sa scolarité pour l’année 2010 – 2011 et être déclaré exemptée du reliquat. Une pétition est d’ailleurs en cours de rédaction à cet effet et sera largement diffusée. Nous en reparlerons.
Ramata Diaouré