Kokè est un vieux qui serait bien connu de certaines populations des environs de Bamako. Il passe pour être un spécialiste en sorcellerie. Un homme qui détecte et « attrape » les sorciers en mettant fin à leurs agissements néfastes. Il est un « Gnèguan », plus fort que les sorciers.
Un de ses voisins raconte : « Quand une vielle passe, si elle est sorcière, kokè la sent tout de suite et se met à insulter la dame qui ne réagit d’ailleurs pas.
La plupart du temps, elle avoue ou se fait ridiculiser ». kokè lui-même affirme qu’il peut « crever les yeux des sorciers ». « Ils ont un œil invisible du commun des mortels. C’est cet œil qui leur permet de voir et de se déplacer la nuit ». Comment opèrent-ils ?
« Quand les sorciers décident de s’emparer de l’âme d’une personne, parce que c’est toujours après une réunion que cela se décide, ils opèrent toujours nuitamment. La plupart du temps, ce sont de proches parents qui sont les victimes désignées ». et au vieux koké de nous raconter ce cas. « Un enseignant avait son fils de trois ans malade. Il a essayé tous les médicaments des blancs sans résultat. Je lui ai dit en vain que c’est une vieille qui était sa voisine qui avait l’enfant. Sa femme a fini par me faire confiance, et nous avons forcé la vieille à le reconnaître. Même si l’enfant est décédé, au moins nous avons pu savoir qui était le coupable. Pour qu’elle avoue, nous l’avons enfermée dans une chambre avec la fumée de la bouse de vache mélangée à l’ail. Aucun sorcier ne résiste à cela. En fait, aucun être humain n’y résisterait, car c’est une fumée âcre qui vous prend à la gorge, vous asphyxiant, et vous faisant larmoyer ».
La plupart de nos communautés sont malheureusement encore sous l’influence de cette vieille tradition. On rencontre très souvent encore, des scènes d’hystérie collective dictées par la perte d’un proche, et dirigées sans preuve contre une personne sans protecteur.
Comment décrit-on les sorciers ? “C’est généralement une vieille personne, édentée, vivant seule, car ayant fini de manger ou de faire fuir ses proches. Elle a la peau desséchée, aime aborder les enfants seuls, au crépuscule. La nuit, on croit qu’elles dorment alors qu’elles partent aux rencontres de la confrérie », explique un vieux, qui affirme “bien connaître les sorciers”. Au cours de la discussion, il dira que les sorciers, malgré leur apparence physique” (ils marchent difficilement), sont de grands voyageurs. Ils parcourent en une nuit des kilomètres pour se rencontrer. Ils auraient le don de se “défroquer”, c’est-à-dire, de laisser leur peau humaine et de voler comme des oiseaux.
Les sorciers, dans l’imagerie populaire en tous cas, sont très souvent des êtres maléfiques, doués de pouvoirs surnaturels. Certes, ils ne font pas que du mal, car, certains disent qu’ils sont en mesure de vous fabriquer des potions capables de vous faire aimer par qui vous voulez.
La sorcellerie, d’après les explications, est différente de la magie en ce qu’elle n’est pas une science. Cependant, comme la magie, ses origines plongent dans la nuit des temps. La sorcellerie est l’imploration constante, dans notre monde en mutation et aux survivances du paganisme, d’un “quelque chose” qui semble encore nous manquer. Elle est une protestation conséquente aux religions dominantes. Elle est le reflet des mœurs, l’aspect le plus poussé des craintes et des haines, des envies et des jalousies qui ne. Peuvent s’exprimer ou se faire voir au grand jour.
L’homme, tremblant devant les forces de la nature essaie de les dominer et de se les asservir. Alors, il conjure le mal par le mal, et au besoin, il s’en servira à l’égard de son prochain, par haine ou par… amour. En tout cas, les sorciers ou ceux qui sont supposés l’être, sont les victimes désignées de l’adversité sociale.
Y a-t-il des sorciers parmi nous ? Ou simplement des personnes, de part leur situation sociale qui sont des victimes innocentes ?
La pratique a encore une longue vie devant elle, puisqu’elle fournit du travail à ceux qui se disent sorciers fabricants de filtres d’amour, ou super sorciers exorciseurs. Tous y gagnent leur pain.
Malick Camara