Finies les longues files de voitures, de motocyclistes et de piétons prenant d”assaut la chaussée submersible aux heures de pointe. Depuis dimanche dernier, le passage est totalement submergé.
Le courant étant particulièrement fort à cet endroit, le gouverneur du district de Bamako Ibrahim Féfé Koné a interdit jusqu”à nouvel ordre l”usage de cette voie aux usagers. La pertinence de cette décision a, malheureusement, été confirmée par le décès survenu lundi d”une motocycliste qui s”est noyée en essayant de traverser.
Les policiers des 12è et 13è arrondissements surveillent les entrées de la voie sur les deux rives du fleuve au grand dam des habitants de Yirimadio, Sabalibougoukoura, Magnambougou, Moussabougou, Banankabougou, Sokorodji qui trouvaient là un raccourci commode.
Depuis l”interdiction, la chaussée submersible couramment appelée "chouta dounou" ou "babili koroni" a changé de décor. On ne voit plus dans le lit du cours d”eau que les lavandières et les rares personnes qui viennent consulter les féticheurs installés là. De tout temps, l”endroit a, en effet, servi de cadre de consultations aux féticheurs qui livrent des offrandes de toutes sortes au lit du fleuve. L”octogénaire Mamou Sogoré qui officie ici depuis les années 1950, assure que l”endroit est le fief des djinns.
C”est pourquoi, explique-t-il, la chaussée enregistre des noyades à chaque crue et décrue du fleuve. Notre interlocuteur invite les constructeurs du 3è pont à faire des sacrifices avant le démarrage des travaux, "les "propriétaires" de ces lieux étant sensibles à ce genre de cadeaux. La plupart de nos clients sont satisfaits des engagements qu”ils prennent vis-à-vis des djinns", ajoute le vieillard.
Une de ses clientes qui a requis l”anonymat était venue immoler un mouton en guise de remerciement aux djinns pour service rendu. "Après avoir longtemps galéré, j”ai pris l”engagement ici même de donner un mouton en offrande aux habitants de ces lieux, une fois que mes vœux seront exaucés. Après ce geste, je suis rentrée en Côte d”Ivoire où je réside depuis un certain temps. Aujourd”hui mes affaires prospèrent à merveille", se réjouit la dame.
Unanimement, les féticheurs qui peuplent l”endroit admettent que leurs activités ont beaucoup baissé depuis que le passage est interdit. Les clients de la rive droite doivent maintenant faire le tour de la ville pour venir à nous, constate Sidibé, un autre féticheur du "babili koroni". Beaux joueurs cependant, ils saluent tous la mesure parce qu”elle évite à d”autres personnes imprudentes de mourir dans le lit du fleuve.
S. DOUMBIA
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